24/04/2024

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Aimé GOGUE : « Bien sûr que le Togo ne connaît pas de guerre civile. Mais…. »

Dans la livraison de Jeune Afrique de la semaine du 13 au 19 septembre, concluant son éditorial sur les élections en Afrique et notamment au Gabon, B.B. Yamhed déclarait :
«Pas d’alternance sans candidature unique de l’opposition ! Et alternance (quasi) garantie dès lors que les opposants s’unissent derrière un (bon) candidat fédérateur.»

Depuis l’intensification de la lutte pour plus de démocratie au Togo, la population demande aux leaders de l’opposition de s’unir derrière l’un d’entre eux. Mais pour des raisons difficiles à expliquer et donc à comprendre, les leaders de l’opposition que nous sommes, nous nous entêtons à nous présenter toujours en rang dispersé aux différentes élections organisées depuis 1993. Cette situation du pays est renforcée par le fait que les leaders des partis politiques ne sont pas les seuls à ne pas vouloir s’aligner derrière un des nôtres. Ce sont aussi nos militants et militantes, mais aussi des membres de notre groupe ethnique ou de notre région qui nous encouragent dans cette voie sans issue !

Desmond Tutu disait dans une de ses déclarations reprises par le PNUD que :
«En situation d’injustice, en étant neutre, on est du côté de l’oppresseur.» Or certains intellectuels Togolais ne se contentent pas seulement d’être neutres. Bon nombre d’entre eux utilisent leur intelligence pour soit aider à la perpétuation du régime en place soit pour mettre en œuvre des stratégies qui, à terme, contribuent au maintien de ce régime.

Et pourtant, il est indéniable que les intellectuels togolais, après la seconde guerre mondiale, ont contribué à la libération du pays du joug colonial. Cette contribution a été plus importante au Togo que dans beaucoup de pays de l’Afrique francophone au Sud du Sahara : nous devons tous leur savoir gré pour leur engagement pour une cause aussi noble : l’indépendance de notre pays et ceci après une mobilisation (multiethnique) des populations !
Tout intellectuel a le droit, voire le devoir, de s’impliquer dans un mouvement social, en fonction de ses convictions politiques pour mieux servir le développement de son pays. Et ceci est encore plus vrai pour un pays en développement, comme le Togo. Des intellectuels Togolais luttent encore aujourd’hui dans des associations pour la promotion des droits de l’homme, de la bonne gouvernance et du développement économique et social au Togo. C’est le lieu ici de féliciter, d’appuyer et d’encourager ces intellectuels togolais qui ont eu et continuent d’avoir le courage et l’énergie pour dénoncer sans compromis les dérives actuelles du régime en place.

Monsieur Niort, un de mes enseignants au lycée Bonnecarrère, avait fait les camps de concentration durant la guerre mondiale. Il avait ainsi connu les pires affres de cette triste période de l’humanité. Choqué des tergiversions dont avaient fait preuve les leaders du monde de l’époque pour les négociations de la paix, il ne cessait de répéter que dans des situations analogues, il serait indiqué d’installer les bureaux et résidence de négociation sur les champs de bataille comme Verdun. Ils devraient y demeurer, jusqu’à ce qu’ils arrivent à signer l’accord de paix.

Lors de la guerre civile du Liberia, la CEDEAO avait convoqué les parties combattantes à des négociations de paix à Accra. Comme dans des situations analogues, ces derniers étaient logés dans des grands hôtels du pays hôte ; les négociations traînaient. Alors, un groupe de femmes Libériennes venues du Liberia avec leurs compatriotes féminins en exil au Ghana, avaient assiégé ces négociateurs à Accra afin de leur rappeler la nécessité d’aboutir rapidement à un accord devant se traduire par la paix dans le pays. Elles se déplaçaient tous les matins et après-midi ; elles continuaient à se mobiliser tous les soirs ; elles n’hésitaient pas à dormir par terre. Elles avaient un seul objectif : rappeler les conditions dans lesquelles vivaient leurs concitoyens au Libéria à ces « combattants/ négociateurs » afin que l’accord de paix soit signé le plus tôt possible. L’initiatrice de ce mouvement s’est engagée dans cette action parce qu’un jour, elle s’était posée la question suivante : que vais-je répondre demain à mon enfant lorsqu’il (elle) me posera la question suivante : maman, quelle a été ta contribution pour arrêter la guerre civile dans le pays lorsque les Libériennes et Libériens s’entretuaient ? » Le Libéria a retrouvé la paix et en dépit de la destruction de ce pays durant la guerre civile, les performances économiques et sociales de ce pays risquent de dépasser celles du Togo si notre crise persiste.

Comme le suggérait mon professeur du lycée, devions nous imposer à nos leaders, d’être logés dans des chambres d’un des multiples quartiers insalubres de Lomé et ce pendant la saison des pluies, sans électricité ni eau courante, sans toilettes, etc. pour négocier et nous sortir un candidat unique ?

Bien sûr que le Togo ne connaît pas de guerre civile. Mais nos infrastructures sont elles meilleures que celles d’un pays ayant connu la guerre civile ? Et les inégalités qui se renforcent sont elles différentes de celles que connaissent les pays en guerre civile ? Et que dire de cette cristallisation des populations des différents groupes ethniques qui sont souvent des froments pour une guerre civile ?

Après l’échec de l’opposition aux élections présidentielles de 2010, que répondrons-nous à un de nos enfants ou à un de nos petits enfants, qui demain, les yeux mouillés de larmes, manquant d’énergie pour marcher correctement car malade et ayant à peine un repas par jour puisque vivant dans un environnement difficile, nous demandait : « Papi ou mamie, papa ou maman ; qu’avais-tu fait pour contribuer au changement de la situation ? »

Serions-nous fiers de lui répondre que militant ou dirigeant de l’ADDI, je n’ai pas fait suffisamment d’efforts pour réussir l’unification de l’opposition et la mobilisation générale de la population ? Pourrai-je supporter son regard « inquisiteur » en lui répondant que, voulant protéger mon emploi ou ma situation financière, je me contentais de critiquer le régime en place en compagnie de mes amis dont je suis sûr de ne pas dévoiler mes convictions politiques ? Serai-je fier de moi en l’informant que j’avais soutenu en 2010 la candidature d’un de nos compatriotes qui, dans une position enviable, aurait dit à des compatriotes venus solliciter son appui pour que la « mère patrie » aide à l’alternance politique au pays, qu’il n’avait rien à foutre avec les problèmes des Togolais ? Ou n’aurai-je pas des remords en lui répondant que membre de l’UFC, j’avais soutenu l’idée que l’UFC était capable seule de remporter la victoire sur le régime en place et qu’il n’était donc pas nécessaire que ce parti, probablement le plus important du pays, joue un rôle fédérateur de l’opposition ? Mon ego sera-t-il flatté si je lui révélais que militant du CAR, qui avait supporté comme les cinq autres partis membres de La Coalition en 2005, j’avais refusé la candidature unique parce que, mon parti avait exigé de l’UFC le « retour de l’ascenseur » qui n’était jamais « parti ? » Ou, militant de la CDPA, après avoir constaté l’échec de la participation de mes leaders au gouvernement, j’avais soutenu la non nécessité de la candidature unique ? Ou lui dirai-je que je me contentais d’écrire dans les journaux et publier sur les multiples sites sans me soucier de l’opérationnalité de mes propositions ? Etc.

Comme beaucoup de Togolais qui jugeraient que notre comportement aurait permis le maintien du régime actuel au pouvoir, je serais à la place de ces enfants que je serai loin d’être satisfait de ces réponses !
Aidez-moi à trouver la réponse idoine à donner à cet enfant qui voit son avenir bouché !

Par Tchabouré Aimé GOGUE