29/03/2024

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Amitié France -Togo : pyromane ou pompier

Par deux fois la semaine dernière, à travers les révélations du Canard Enchaîné et celles de [La Provence->http://www.laprovence.com/article/a-la-une/lemploi-fictif-aixois-que-luc-ferry-a-oublie], Luc Ferry pâtit des dégâts collatéraux de la LRU, (loi relative aux libertés et responsabilités des universités). Les universités, devenues autonomes sont entrain de dire haut et fort qu’elles ne sont plus disposées à faire les frais des petits arrangements entre copains et autres retours d’ascenseur qui grevaient leur budget. « C’est sur ordre du cabinet de Luc Ferry qu’a été décidée en 2003, la mise à disposition de Charles Debbash, ancien doyen de la faculté de droit d’Aix en Provence, en tant que professeur titulaire de classe exceptionnelle au Togo au sein des universités de Lomé et de Kara, avec un traitement mensuel de 5000 € ». 5000€ par mois aux frais de la République et donc du contribuable français, pour financer la planque du doyen de faculté de droit au Togo ! La somme a certainement été inscrite pendant des années, et peut-être même encore de nos jours, sous une ligne budgétaire « Coopération bilatérale ». Elle avait deux objectifs en réalité : soustraire le professeur de droit à des sanctions judiciaires imminentes et rémunérer, en partie, les opérations de gangstérisme juridique menées au profit des Gnassingbé, dictateurs de père en fils, au pouvoir au Togo depuis le coup d’Etat sanglant du 13 janvier 1963

Très bien documentée, l’enquête de Fred Guilledoux révèle que c’est sur ordre du cabinet de Luc Ferry qu’a été décidée en 2003, la mise à disposition de Charles Debbash, ancien doyen de la faculté de droit d’Aix en Provence pour trois ans, en tant que professeur titulaire de classe exceptionnelle au sein des universités de Lomé et de Kara (voir lien ci-dessous). [C’est le cabinet de Luc Ferry qui aurait rédigé les deux versions de la convention franco-togolaise->http://www.laprovence.com/article/a-la-une/lemploi-fictif-aixois-que-luc-ferry-a-oublie] entre le ministère de l’Enseignement supérieur du Togo et le ministère français de l’Education Nationale. La version finale de cette convention qui sera signée peu de jours après le départ du gouvernement du ministre de l’Education nationale précise que « le Doyen Debbasch reste toujours payé par la France, avec un traitement mensuel de 5000 € », soit 3 279 785 FCFA. Les collègues togolais de classe non exceptionnelle du Doyen Debbash apprécieront. Car un tel salaire mensuel paie au bas mot dix à quinze doyens des facultés au Togo ou au moins 20 professeurs d’université.

Pour revenir à la mise à disposition du Doyen, décision politique prise au plus haut niveau, si une partie de l’iceberg vue de France ressemble à « une mission totalement fictive », la partie immergée, vue du Togo n’est pas du tout une sinécure. Même si le « Doyen Debbash » n’a que très rarement, si ce n’est jamais, mis les pieds sur le campus universitaire de Lomé et de Kara, il travaille dur au Togo, même le dimanche et souvent de nuit. La convention de 2003 ne serait même qu’une régularisation un peu tardive de la situation d’un serviteur dévoué de la France, qu’un Secrétaire Général de l’Union Africaine a nommé « mercenaire en col blanc » en 2005. Mercenaire-pyromane ou sauveur d’un enseignement supérieur togolais à la dérive depuis des années ?

Le Doyen était en effet, à l’œuvre au Togo, au moins depuis 2002. Les togolais n’ignorent pas qu’il est l’auteur du « toilettage » le 31 décembre 2002 et nuitamment, de la constitution adoptée à 97% par les togoalais en 1992. La loi n°2002-029 du 31 décembre 2002, qui aurait très bien pu s’appeler loi Debbasch, a supprimé du texte d’origine, la limitation du mandat présidentiel à deux, permettant ainsi au Président Gnassingbé Eyadéma de briguer un 3ème mandat. La révision constitutionnelle de 2002 allait aussi raboter d’un tour les scrutins présidentiels comme législatifs. Dès lors, la voie était ouverte pour une succession dynastique et les Gnassingbé, père puis fils ont gagné les trois élections présidentielles qui ont suivi avec un score de 61 à 63%, dès le premier et unique tour, histoire de démontrer que l’on a bien fait de supprimer le second tour.

En Février 2005, au décès de Gnassingbé père que tous savaient malade, déjà en 2002 Le Doyen Debbash avait même désespérément tenté de finir le travail commencé en 2002 en donnant un vernis légal à la succession dynastique. A l’annonce du décès du dictateur, le Doyen se trouvait à bord du même vol Air France que le Président de l’Assemblée Nationale togolaise de l’époque, un de ses anciens élèves à la fac de droit d’Aix en Provence, celui-là même qui l’avait introduit auprès du clan Gnassingbé. La fermeture de l’espace aérien togolais avant l’annonce officielle du décès du Général, allait conduire les deux compères à se retrouver coincés dans un hôtel à Cotonou au Bénin, le soir du 4 février 2005. Le Président de l’Assemblée Nationale qui, selon la constitution togolaise, devait assurer l’intérim de la présidence de la République et organiser de nouvelles élections ignorait que le Doyen, lui, était en contact avec la hiérarchie militaire et probablement avec les autorités françaises pour une opération constitutionnelle de haute voltige que la presse togolaise allait qualifier de « Debbasheries ».

Le dimanche 6 février 2005 à la première heure, un avion militaire fut dépêché à Cotonou pour aller chercher le « professeur titulaire de classe exceptionnelle », lequel abandonna à l’hôtel son élève qui attendait benoitement la réouverture des frontières togolaises. Une séance extraordinaire de l’Assemblée nationale fut convoquée le jour même et démarra tard dans l’après-midi, le temps de trouver et de rassembler les députés. Sous les ordres du professeur et séance tenante, l’Assemblée Nationale allait :

1) abroger l’article 144 de la constitution qui interdit toute révision constitutionnelle en période de vacance du pouvoir

2) constater la vacance du pouvoir par décès du président de la République,

3) modifier un autre article de la constitution pour permettre à Faure Gnassingbé, alors Ministre de retrouver son siège de député en démissionnant de son poste de ministre,

4) recevoir et accepter la démission du ministre Faure Gnassingbé de ses fonctions,

5) procéder à sa réintégration au sein de l’assemblée nationale,

6) constater la vacance de la Présidence de l’Assemblée Nationale,

7) élire président de l’assemblée nationale, Faure Gnassingbé qui venait de retrouver son siège de député,

8) modifier enfin l’article réglementant le déroulement de l’intérim afin de permettre au fils, fraichement élu Président de l’Assemblée nationale et donc Président de la République, de terminer le mandat de son père jusqu’en 2008. Les anciennes dispositions, abrogées, imposaient l’organisation des élections présidentielles dans les 60 jours suivant la constatation de la vacance du pouvoir.

Devant le tollé international provoqué par une activité constitutionnelle aussi innovante, débordante et originale, l’Assemblée Nationale togolaise allait, une semaine plus tard, sous la pression internationale et sous la direction du même conseiller juridique, détricoter toute la besogne entreprise le dimanche précédent.

Qui donc pourrait dire, à l’évocation d’états de service aussi fournis, que la mission du Doyen Debbash au Togo est un emploi fictif ? Plus de cinq ans après la fin de son contrat, ce dernier officie toujours au Togo, où l’activité est toujours aussi chargée en matière d’innovations juridiques. Il officie également sous un pseudo, sur le site très officiel de la République Togolaise. C’est certainement l’un des volets de l’expertise française en matière de maintien de l’ordre dont Mme Alliot Marie faisait la réclame, avant son départ du gouvernement Sarkozy. Seul problème, bien trop souvent, cette expertise s’apparente, en ce qui concerne l’Afrique, à une expertise française en matière de maintien de la dictature.

Une autre « assistance technique » est source d’interrogation au sein de la diaspora togolaise ces derniers temps. Il s’agit de celle de plus en plus assidue de Christophe Guilloteau, député de la 10e circonscription du Rhône (UMP) et président du Groupe d’amitié France-Togo à l’Assemblée nationale. Le site officiel du Gouvernement togolais annonce, citant la dernière livraison de la lettre du Continent, que « Mr Guilloteau se rendra à Lomé du 24 au 30 juin dans le cadre d’une mission parlementaire ». Il précise, photo à l’appui, que « M. Guilloteau avait assisté en mai 2010 aux cérémonie(s) d’investiture du président Faure Gnassingbé ». Mr Guilloteau représentait l’Elysée à une investiture que la dynastie avait essayé, peine perdue, d’adosser aux festivités du cinquantenaire de l’indépendance pour attirer le chaland. Même s’il fait mine de ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires intérieures du Togo, Mr Guilloteau que La lettre du continent répertorie dans sa liste des « Messieurs Afrique de l’Assemblée nationale », ne peut prétendre tout ignorer de deux dossiers chauds qui sont sur le bureau de l’Assemblée nationale-amie qu’il visite.

Il s’agit du dossier du limogeage de neuf (9) députés de l’opposition par la Cour Constitutionnelle, à la demande du Président de l’Assemblée nationale togolaise. Saisi de l’affaire, le conseil des Droits de l’Homme de l’Union Inter Parlementaire (UIP) vient de prendre une décision ordonnant à la Cour constitutionnelle togolaise de réintégrer lesdits députés dans leurs droits. La France est un membre influant de l’UIP.

Il se prépare par ailleurs de façon imminente une modification de la Constitution Togolaise, encore une, à adopter par l’Assemblée Nationale le 16 juin 2011. L’on se demande par ailleurs si cette modification à la sauvette n’est pas à l’origine de toutes sortes de manœuvres (RPT/AGO) visant à acquérir la majorité des 4/5 requise pour que l’Assemblée Nationale puisse modifier la Constitution. Notons tout de même qu’entre autres modifications, des amendements envisagés à l’article 116 de la Constitution installeraient le Président de la République à la tête du Conseil Supérieur de la Magistrature. Une telle intrusion de l’Exécutif à la tête d’une institution capitale pour l’indépendance de la justice dans le pays sonnerait le tocsin pour un enterrement de première classe, mais en toute légalité, de l’Etat de droit au Togo.

L’expertise française serait-t-elle de nouveau à l’œuvre pour trouver la martingale ? Nous saurons, après le retour de Mr Guilloteau, si sa mission a joué le rôle de pyromane ou celui de pompier et au profit de qui : de la vielle dictature togolaise qui reprend du poil de la bête, ragaillardie depuis la reprise de la coopération internationale, ou de la jeune démocratie togolaise qui sombre chaque jour un peu plus dans le rachitisme. L’expertise française sera certainement à l’œuvre, avec le matériel et les instructeurs militaires, lorsque les défenseurs descendront dans la rue dans les jours qui viennent pour protester contre le dernier coup de rabot que la dynastie Gnassingbé entend donner constitutionnellement aux droits et libertés au Togo.

La rédaction letogolais.com

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