29/03/2024

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Au Togo, un officier français piégé par lui-même

Piégé ! » Le lieutenant-colonel Romuald Letondot ne peut que le déplorer piteusement : « Je me suis fait piéger ! » Ce coopérant militaire français en poste au Togo a, en effet, acquis subitement, depuis mercredi 11 août, une certaine notoriété grâce à YouTube. Une vidéo l’y montre en train de menacer le photographe togolais Didier Ledoux. « Piégé » par Internet, par les journalistes, par lui-même surtout et ses propres réflexes qui rappellent le temps, pas encore totalement révolu, de la Françafrique.

« Piège » ? Le militaire voulait faire effacer une photo d’un journaliste de Liberté le montrant sur les lieux d’une manifestation d’opposants réglée à coups de lacrymogènes par les gendarmes togolais. Si elle avait été publiée, l’image ne serait probablement jamais sortie du cercle restreint des lecteurs de l’hebdomadaire d’opposition. Aujourd’hui, la scène, tournée par un cameraman de Reuters, buzze sur le Web mondial, où elle a déjà été visionnée un demi-million de fois.

On le voit sanglé dans son uniforme couleur sable. On l’entend, surtout, aboyer après le photographe : « Je m’en fous que tu sois de la presse, tu enlèves ta photo (…). Tu veux qu’on mette un coup sur l’appareil ou quoi ? ».

« Tu sais qui je suis ? »

Et comme le photographe togolais lui fait remarquer qu’il couvre un événement public, et que c’était comme si, lui, lui demandait son arme, le lieutenant-colonel explose : « Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre. Tu veux que j’appelle le RCGP (régiment des commandos de la garde présidentielle) pour foutre un peu d’ordre là-dedans ? » Epaulé par des gendarmes casqués, il ordonne à l’un d’eux : « Tu le mets en taule ! » Le cameraman tourne, le militaire s’en rend compte trop tard.

Finalement, Didier Ledoux efface son cliché. Sans doute un vieux réflexe appris durant les trente-huit ans de règne de Gnassingbé Eyadéma – un ami de la France, mort en 2005 – durant lesquels la presse n’a guère eu le loisir que d’user la libre expression à force de ne pouvoir s’en servir. C’était avant YouTube, aussi.

Le ministère français de la défense, lui, a bien vu « le piège », surtout en cette année de célébration du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique. Il a réagi avec une fermeté et une rapidité rares. « Ce n’est pas un vocabulaire et une attitude compatibles avec ce que l’on attend de notre personnel, et des cadres de la défense en particulier », a réagi le porte-parole du ministère, Laurent Teisseire. Rappelé en France, l’officier a aussi récolté une sanction disciplinaire de dix jours.

Romuald Letondot s’était excusé auprès de M. Ledoux dans les locaux de l’ambassade de France, à Lomé, avant de s’estimer « plutôt victime dans cette affaire », disait-il, jeudi, au site de l’hebdomadaire français L’Express. Du coup, en lisant cela, Didier Ledoux a décidé de porter plainte. Zut, encore piégé !

Christophe Châtelot