26/04/2024

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Déclaration de l’Ordre des avocats du Togo suite au Coup d’Etat

DECLARATION DE L’ORDRE DES AVOCATS DU TOGO
COUP D’ETAT DES 5, 6 ET 7 FEVRIER 2005

Les Avocats du Barreau du Togo, réunis en assemblée générale extraordinaire ont adopté la déclaration dont la teneur suit :

Le Samedi 05 février 2005, Monsieur Koffi SAMA, Premier Ministre de la République Togolaise a annoncé officiellement la vacance de la Présidence de la République par le décès du Chef de l’Etat, le Président GNASSINGBE Eyadéma.

Dès l’annonce de cette vacance, un groupe d’officiers supérieurs de l’Armée Togolaise, avec à leur tête le Chef d’Etat Major Général, le Général Zakari NANDJA, déclarant parler au nom des Forces Armées Togolaises (F. A. T), a décidé en violation totale et manifeste de la Constitution de confier les fonctions de Président de la République à Monsieur Faure GNASSINGBE, l’un des fils du Président défunt.

Le Dimanche 06 Février 2005, l’Assemblée Nationale Togolaise, réunie en session extraordinaire, a adopté deux propositions de loi :

– la première tend à la modification des articles 65 et 144 de la Constitution relatifs respectivement à la durée de l’intérim de la Présidence de la République en cas de vacance prévue pour permettre au Président par intérim de terminer le mandat du Président défunt, et, à la suppression de l’interdiction de toute modification de la Constitution pendant la période de vacance de la Présidence de la République.

– la deuxième proposition modifie l’article 203 du code électoral en son alinéa 5 relatif au régime des incompatibilités entre les fonctions de député et de membre du gouvernement en ces termes « lorsque cesse la cause d’incompatibilité le député retrouve de plein droit ses fonctions ».

Ces deux propositions de loi avaient pour objectif d’empêcher le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Fanbaré Ouatara NATCHABA, d’assurer l’intérim de la Présidence de la République et de permettre à Monsieur Faure GNASSINGBE de prendre le pouvoir et de terminer le mandat présidentiel qui s’achève ne 2008.

Contre toute attente ces propositions de Loi ont été adoptées et promulguées le 06 Février 2005 par Monsieur Faure GNASSINGBE alors que ce dernier n’a prêté serment devant la Cour Constitutionnelle comme Président de la République que le 07 Février 2005.

C’est dans ces conditions juridiques rocambolesques que la Cour Constitutionnelle a reçu inconstitutionnellement, le Lundi 07 Février 2005, le serment de Monsieur Faure GNASSINGBE.

Le renversement de l’Ordre constitutionnel dans les conditions sus rappelées, constitue un coup d’Etat du reste condamné par la communauté internationale toute entière sans aucune restriction ni réserve.

Ces événements ont immanquablement aggravé la longue et difficile crise politique togolaise et achevé l’isolement de notre pays.

L’Ordre des Avocats rappelle les dispositions claires et précises des articles 65 et 144 de la Constitution existant avant le décès du Président de la République :

– Article 65 « en cas de vacance de la présidence par décès, démission ou empêchement définitif, la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le Président de l’Assemblée Nationale.

La vacance est constatée par la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement.

Le Gouvernement convoque le corps électoral dans les soixante jours de l’ouverture de la vacance pour l’élection d’un nouveau Président de la République ».

– Article 144 alinéa 5 « …Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en période d’intérim ou de vacance ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire… »

– Article 203 alinéa 5 du code électoral : «… Le mandat de député est incompatible avec l’exercice de toute fonction publique et de tout emploi salarié… »

L’ordre des Avocats rappelle également les dispositions :

-de l’article 45de la Constitution qui dispose « tout citoyen a le devoir de combattre toute personne ou groupe de personnes qui tenterait de changer par la force l’ordre démocratique établi par la présente Constitution ».

– de l’article 150 de la Constitution qui dispose « En cas de coup d’Etat, ou de coup de force quelconque, tout membre du Gouvernement ou de l’Assemblée Nationale a le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense existants.

– Dans ces circonstances, pour tout Togolais, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératifs des devoirs.

Tout renversement du régime constitutionnel est considéré comme un crime imprescriptible contre la Nation et sanctionné conformément aux Lois de la République ».

L’interdiction de toute manifestation de protestation contre le renversement de l’ordre constitutionnel édictée par le Ministre de l’Intérieur et la répression brutale et meurtrière de ces manifestations par les forces de sécurité, la fermeture arbitraire des radios et télévisions indépendantes constituent des violations graves et inacceptables des dispositions constitutionnelles.

Face à cette situation l’Ordre des Avocats du Togo :

– condamne avec fermeté le renversement de l’ordre constitutionnel par un groupe d’Officiers soutenu par l’Assemblée Nationale Togolaise

– demande le rétablissement inconditionnel de la légalité constitutionnelle existant avant l’ouverture de la vacance de la Présidence de la République.

– Condamne la forfaiture perpétrée par la Cour Constitutionnelle normalement chargée de veiller au respect de la Constitution et au fonctionnement régulier des institutions de l’Etat.

– Condamne les violences perpétrées par les forces de sécurité contre les paisibles populations dans l’exercice de leur droit légitime de contestation.

– réaffirme son attachement profond et intransigeant aux principes universels de respect de l’Etat de droit, des normes constitutionnelles, des droits de l’Homme et en particulier de la liberté d’expression et de manifestation.

Adoptée à Lomé le 16 Février 2005

L’ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE