18/04/2024

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Dialogue intertogolais: l’opposition pour la mise en place d’une structure de cogestion

CAR – CDPA – UFC
Lomé, le 21 septembre 2004

A Monsieur Koffi SAMA
Premier Ministre de la République Togolaise
LOME

Objet : Dialogue inter togolais

Monsieur le Premier Ministre,

Nous voudrions par la présente lettre, vous réitérer notre désapprobation des manœuvres par lesquelles, à la rencontre du 10 septembre 2004 au CASEF, les délégations du Gouvernement et du RPT se sont employé à travestir le dialogue national en de simples consultations qui les délient du devoir de consentir des concessions susceptibles de contribuer au dénouement de la crise que traverse le pays.

Nous vous rappelons que lors de cette rencontre qui a réuni outre les deux délégations du pouvoir, les cinq partis de « l’opposition traditionnelle » et deux associations de la société civile (GF2D et REFAMPT), nos trois formations politiques (le CAR, la CDPA et l’UFC) ont soutenu que le dialogue national que le Gouvernement semble finalement accepter de reprendre après près de cinq mois de réticence, doit avoir lieu suivant les termes du point n° 1.1 des 22 engagements.

Pour ces trois partis, ce dialogue doit se dérouler entre d’une part, le Pouvoir comprenant le RPT et le Gouvernement, d’autre part « l’Opposition traditionnelle » représentée par les cinq partis qui ont pris part au dialogue inter togolais de 1999, avec la participation de la société civile. Il revient aux protagonistes ainsi identifiés, de s’accorder sur la présidence des travaux, l’ordre du jour ou la liste des sujets à discuter, les modalités de prise de décisions, le sort des décisions prises, etc..

A cette conception du dialogue national, les délégations du pouvoir ont opposé une autre basée sur l’idée qu’il faut, pour la configuration du cadre du dialogue national, dissocier le parti RPT du Gouvernement RPT. Selon cette configuration, le RPT participerait au dialogue indépendamment du Gouvernement, en tant que sixième parti aux côtés des cinq de « l’Opposition traditionnelle ». Face à ces six partis politiques et aux deux associations de la société civile, le Gouvernement jouerait d’office le rôle de « maître d’œuvre » au motif que c’est lui qui a pris les engagements à Bruxelles. Il lui reviendrait en cette qualité, de déterminer à sa guise le cadre et l’ordre du jour des discussions, de diriger les travaux, de définir les autres modalités, et de décider du sort à réserver aux décisions prises.

Par ce positionnement tactique du RPT et le rôle qu’il s’est assigné, le Gouvernement cherchait manifestement, à faire échec au dialogue national en le transformant en consultations libres avec les partis politiques et la société civile.

Le CAR, la CDPA et l’UFC ne pouvaient pas de toute évidence souscrire à une telle manœuvre et se sont affrontés pendant plus de quatre heures avec les délégations du Gouvernement-RPT et du RPT.

La rencontre s’est finalement terminée sur un constat de profond désaccord dont les populations et la communauté internationale ont été tenues informées par des communiqués rendus publics par le Gouvernement, nos trois formations et le RPT.

Il est déplorable que le RPT et le gouvernement tentent à travers leurs communiqués, de semer la confusion dans les esprits en occultant le fond du problème et en faisant croire que le CAR, la CDPA et l’UFC, qualifiés « d’extrémistes et de radicaux » se seraient opposés à la participation du RPT au dialogue national. C’est pourquoi nous avons jugé impératif de vous convier à amener le Gouvernement et le RPT à reconsidérer leur position de manière à favoriser la mise en œuvre de l’engagement n° 1-1 dont il convient de faire le rappel.

« … Ainsi l’Union Européenne note que le Gouvernement de la République Togolaise a pris les engagements suivants :

Engagement 1-1 :

Dans le but d’assurer le plein respect des principes démocratiques, annonce sans délais d’une reprise ouverte et crédible du dialogue national avec l’opposition traditionnelle et la société civile dans un cadre structuré et transparent. »

Il ressort du libellé de l’engagement, une série d’indications claires pour l’orientation du dialogue préconisé.

(1) Reprise de dialogue interrompu :

Il ne fait pas de doute que le dialogue à reprendre est celui commencé en 1999 et que le gouvernement a brutalement interrompu par la suite avant de remettre en cause des acquis par des modifications apportées unilatéralement au code électoral consensuel et à la constitution de 1992.

C’est ce dialogue qu’il est question, dans l’engagement 1.1, de reprendre dans un cadre structuré et transparent en y incluant la société civile.

(2) Cadre du dialogue national :

Le dialogue de 1999 était une discussion politique entre les protagonistes de la crise, à savoir : la mouvance présidentielle d’une part, « l’Opposition traditionnelle » d’autre part.

La reprise à laquelle le gouvernement s’est obligé dans l’engagement 1.1 ne peut se dérouler que dans la même configuration avec, cette fois-ci, la participation de la société civile. Les trois partis, le CAR, l’UFC et la CDPA ne se sont jamais opposés à ce cadre, contrairement à ce que dit la Mouvance présidentielle.

Les protagonistes au dialogue préconisé, ceux sont bien d’une part le pouvoir en place (le Gouvernement-RPT et le Pouvoir-RPT) et d’autre part « l’opposition traditionnelle ». La présence de M. Ouattara Fambaré Natchaba, Président de l’Assemblée Nationale-RPT au sein de la délégation gouvernementale n’est-elle pas la reconnaissance de facto de cette configuration ?

(3)Le contenu du dialogue :

Le dialogue préconisé étant une reprise de celui interrompu, il revient aux protagonistes d’en définir le contenu comme en 1999.

Quel est l’objectif assigné à ce dialogue ? C’est la réponse à cette question qui détermine son contenu. Pour nos trois partis, il s’agit d’avoir le courage d’identifier les racines de la crise afin d’arrêter les solutions appropriées. A cette fin, l’ensemble des préoccupations des parties doivent constituer le contenu ou la liste des sujets à discuter. Ainsi, pour nous, les sujets à discuter sont entre autres :

– la révision du cadre électoral
– l’assainissement de l’environnement politique
– l’instauration d’une transition pour l’application de l’Accord issu du dialogue et l’organisation des élections
– le calendrier des élections prévues

Dans ces conditions, nos trois formations ne peuvent pas admettre qu’un des protagonistes décide d’autorité que l’ordre du jour sera constitué uniquement par les 22 engagements.

(4) La direction des travaux :

La configuration du dialogue met face à face les deux protagonistes du dialogue. Aucun des deux protagonistes ne peut s’arroger le droit de diriger les travaux, instituant ainsi comme règle, la possibilité d’être juge et partie. Il revient aux deux protagonistes de s’accorder sur la présidence des travaux.

La réalité de la crise de confiance, grave, profonde et inextricable entre les protagonistes, recommande le choix d’un médiateur neutre qui peut être un étranger choisi avec l’appui de l’Union Européenne qui a bien voulu proposer son assistance (financière ou technique) pour la mise en œuvre des engagements.

De toutes façons, la conduite des échanges, partiale, arrogante, défensive et inutilement agressive, lors de deux réunions de 25 août et 10 septembre 2004, disqualifie la Mouvance présidentielle de diriger les travaux.

(5) L’application des résultats des discussions.

Compte tenu de la réalité de la crise de confiance évoquée plus haut, l’opposition, qui a été victime de modifications unilatérales des textes adoptés par consensus, ne peut plus laisser le pouvoir appliquer tout seul, à sa guise, l’Accord politique qui sera issu du dialogue.

Voilà pourquoi, les trois partis, le CAR, la CDPA et l’UFC estiment nécessaire la mise en place d’une structure de cogestion des décisions qui seront prises par consensus.

Nous espérons que ces observations contribueront à faire reprendre le dialogue national conformément à l’engagement pris par votre Gouvernement à Bruxelles.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre considération distinguée.

Ont signé :

Pour Le CAR : Me Yawovi AGBOYIBO
Pour la CDPA : Léopold M. GNINNINVI
Pour l’UFC : E. AKITANI-BOB

Ampliation :
M. Sipke Brouwer (Directeur du Développement à la Commission de l’Union Européenne
M. Poul Nielson (Commissaire Européen au Développement et à l’action humanitaire)
Monsieur l’Ambassadeur d’Allemagne au Togo
Monsieur l’Ambassadeur des USA au Togo
Monsieur l’Ambassadeur de France au Togo
Monsieur le Chef de la Délégation de la Commission de l’U.E au Togo
Monsieur le Représentant Résident du PNUD au Togo
Monseigneur Philippe Fanoko KPODZRO, Archevêque de Lomé
Révérend Pasteur Gerson BESSA, Modérateur de l’EEPT
Révérend Pasteur Félix ADUAYOM, Président de l’EMT