19/04/2024

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Examens de fin d’année au Togo : une grève des enseignants-correcteurs

Par Vénavino DALVES

Après leurs collègues qui ont surveillé et commencé à corriger les épreuves du Baccalauréat première partie (Bac I), les enseignants de la surveillance, de la correction et des travaux de secrétariat du BEPC viennent de se mettre en grève ; ces deux catégories d’enseignants se solidarisant dans un mouvement gréviste unique qui impressionne par sa détermination et donne bien des cauchemars au gouvernement (RPT, CAR , CDPA et partis alliés).

Les examens de fin d’année ont débuté avec le Baccalauréat technique dont le déroulement des épreuves et des corrections se fit sans difficultés majeures. Cette correction, commencée le 21 mai 2007, fut subitement interrompue par la grève déclenchée quatre jours après, le vendredi 25 mai, par les enseignants-correcteurs. A cette période de l’année les sessions de correction des examens ont presque toujours été marquées par des mouvements revendicatifs liés au non-paiement des primes dues aux correcteurs et aux conditions exécrables d’hébergement de ceux venus de l’intérieur du pays. Parqués comme du bétail dans les dortoirs du Lycée de Tokoin où ils dorment à même le sol, sur des nattes infectes ou sur des lits aux matelas d’une saleté repoussante. Affamés par le manque d’argent, ils sont contraints de vivre dans des conditions humiliantes et inhumaines.

LES REVENDICATIONS DU MOUVEMENT EN COURS

Cette année, les revendications qui sont à l’origine de ce mouvement portent, non seulement sur l’amélioration des conditions de travail des enseignants mais, pour l’essentiel, sur la question de la revalorisation de leurs primes de surveillance et de correction. Les enseignants-correcteurs du Bac I à qui on allouait jusqu’ici 4 500 F CFA pour les 4 à 5 jours de surveillance, revendiquent désormais l’augmentation de ces indemnités à 5 000 F CFA par jour. Ils réclament également l’augmentation à 60 000 F CFA des primes de correction au lieu des 10 000 F CFA pour l’ensemble des deux semaines. Leurs collègues correcteurs du Brevet d’études du premier cycle (BEPC), revendiquent pour leur part, que leurs primes de surveillance de 4 000 F CFA pour toute la durée des épreuves écrites soient portées à 5 000 F CFA par jour et que leurs primes de correction, actuellement de 8 000 F CFA pour toute la durée des corrections soient portées à 5 000 F CFA par jour et à 12 000 F CFA pour ceux en charge du secrétariat.

Ces revendications se fondent sur les frais considérables que les enseignants engagent pour se rendre sur les centres d’examens. Habitant généralement dans les quartiers périphériques de Lomé où les loyers sont moins chers, ils doivent, par exemple, payer près de 1 000 F CFA par jour pour les frais de transport sans compter les frais de restauration sur place. Or, c’est pour couvrir les dépenses afférentes à l’organisation des examens qu’on fait payer à chaque candidat des frais d’inscription qui, collectés par la Direction des examens, représentent de considérables fonds de roulement auxquels les ministères en charge de l’enseignement ajoutent des dotations financières conséquentes prévues au budget national. Un grand mystère a, depuis toujours, entouré la gestion de cette formidable somme d’argent qui semble constituer un pactole pour certains.

C’est donc à bon droit que les enseignants réclament cette revalorisation de leurs primes pour tenir compte de l’augmentation du coût de la vie, revendication que l’ensemble des autorités trouve légitime

LE MOUVEMENT GREVISTE ET LES REACTIONS DES AUTORITES

Commencé à Lomé par les enseignants-correcteurs du Bac I le 25 mai 2007, le mouvement gréviste s’est étendu aux correcteurs du BEPC et s’est propagé à tout le Togo avec une surprenante vitesse. Les grévistes rapportent qu’à l’intérieur du pays le mouvement est particulièrement puissant, surtout à Kara, et ce n’est que dans quelques villes de la Région des plateaux comme Kpalimé et Atakpamé où les autorités font pression sur les enseignants qu’il accuse quelques faiblesses. Faisant preuve d’une rare détermination, les enseignants gèrent démocratiquement leur mouvement par des décisions prises en assemblées générales et proclament que leur grève se poursuivra jusqu’à la satisfaction totale de leurs revendications.

Au début du mouvement, le 25 mai 2007, des négociations ont eu lieu avec le Directeur régional de l’Education (DRE) et les inspecteurs qui, après s’être déclarés dépassés par la portée des revendications, ont renvoyé les grévistes au ministre de tutelle du secteur qui a mandaté son directeur de cabinet, Kpemissi Amana Eyana, pour les recevoir.

Après une séance de travail, ce dernier avoua son incompétence et dirigea les enseignants sur son chef qui se trouve être le ministre Sélon Komi KLASSOU, un RPTiste patenté. Tout comme l’avait déjà proclamé son directeur de cabinet, il leur réitéra que le budget 2007 – 2008 étant déjà voté, il n’était pas possible de satisfaire leurs revendications cette année et les renvoyait à les faire valoir l’année prochaine. Pour l’heure, il ne proposa de payer que les primes de surveillance, essuyant un refus catégorique des enseignants qui campent fermement sur leurs exigences. Ils organisèrent une délégation pour soumettre leurs doléances au Premier ministre en qui ils plaçaient leur espoir d’une réponse favorable. Mais Yawovi AGBOYIBO, qui avait peur de les rencontrer personnellement, les fit recevoir par son directeur de cabinet Georges AIDAM qui leur déclara qu’il transmettrait à qui de droit leurs revendications.
La patate chaude échut donc au gouvernement qui, au Conseil des ministres du jeudi 31 mai 2007 dut débattre de la grève des enseignants. Au lieu de traiter la crise ouverte avec l’esprit de responsabilité et de concertation qui marqua les négociations qui ont eu lieu jusqu’alors, le gouvernement d’union nationale se livra à une véritable provocation contre les enseignants.

Pour l’heure, le gouvernement table sur le pourrissement du mouvement gréviste en cours et travaille activement à sa division. Il faut constater que le gouvernement est dans l’impasse, n’ayant aucune marge de manœuvre face à cette grève qui est un profond mouvement exprimant le ras-le-bol citoyen des enseignants contre leurs conditions de misère et contre une situation politique nationale marquée par les manipulations du RPT contre le processus électoral en cours ainsi que toutes les trahisons politico-syndicales que le peuple togolais t subit ces derniers temps.

QUELLES REACTIONS SYNDICALES ?

Avec raison, les enseignants tiennent à soustraire leur mouvement au contrôle des centrales syndicales qui n’ont cessé de trahir leurs mouvements en décommandant grèves et marches pacifiques pour prodiguer, toute honte bue, des « félicitations » à Faure GNASSINGBE. Tenant à préserver leur indépendance et leur unité qui est le gage de leur efficacité, ils ont refusé de laisser cette centrale traîtresse négocier en leur nom.

Il faut souligner le silence éloquent des responsables de l’Intersyndicale des travailleurs du Togo (ISTT) qui, lors de la commémoration du 1er mai dernier, avaient, de façon tonitruante, « menacé » le gouvernement de déclencher une grève si, dans un mois, leurs revendications n’étaient pas satisfaites. Il ne s’agissait en fait que d’un effet d’annonce destiné à éviter que ces responsables syndicaux ne soient lapidés par les travailleurs lors des manifestations du 1er mai dernier. Est-ce un hasard si le 15 mai, c’est en grande pompe qu’on installa dans le très luxueux l’Hôtel du 2 Février, le fameux « Conseil national du dialogue social » où, aux côtés des représentants du gouvernement et du patronat, les responsables syndicaux furent appelés à désamorcer les mouvements sociaux à venir moyennant rétribution en perdiems.

De plus, en ce moment où les enseignants sont en grève, on a beau chercher les responsables syndicaux : ils ne sont pas là ! Partis à la chasse aux perdiems gouvernementaux ou institutionnels dans des conférences internationales en Suisse et en Italie.

CETTE GREVE EST UN MOUVEMENT DE RESISTANCE

Il faut saluer dans cette grève un mouvement de résistance auquel on ne peut que souhaiter une victoire qui pourrait ouvrir la voie à d’autres catégories qui ont des revendications à faire valoir. Avec l’examen du Bac II qui doit commencer le 17 juin prochain, et celui du CEPD, se profile une autre situation : si une solution positive n’est pas trouvée aux revendications enseignantes, c’est la perspective du blocage de l’ensemble des examens de fin d’année qui pointe à l’horizon. Pour leur part, les enseignants en grève, qui sont particulièrement déterminés, se disent prêts à aller jusqu’au bout et ne craignent pas d’avoir à sacrifier leurs vacances pour corriger les copies si c’est le prix à payer pour obtenir la satisfaction de leurs revendications. Si l’appel au soutien lancé aux parents d’élèves se réalisait effectivement, on aurait alors un mouvement plein de promesses qui montrerait les capacités des populations à prendre en main leurs propres affaires tant contre le gouvernement que contre les appareils politiques et syndicaux qui ne cessent de les trahir.

L’actuelle grève des enseignants-correcteurs mérite d’être suivie avec la plus grande attention car elle est susceptible de représenter une nouvelle donne dans une situation togolaise bloquée de toutes parts.

La rédaction letogolais.com