* Fambaré Natchaba, le président de l’Assemblée nationale togolaise, qui devait assurer l’intérim. Interview de RFI.
Radio France Internationale : Fambaré Natchaba, Comment réagissez-vous à votre mise à l’écart ?
Fambaré Natchaba : Je trouve qu’il est scandaleux que l’on viole la Constitution ! qu’on s’est donné. Je suis le président constitutionnel du Togo à la date du 5 février (NDRL 2005), quand mon avion a été détourné sur Cotonou. Si je n’ai rien dit, c’était pour donner la chance aux différentes médiations, surtout à l’action des chefs d’État de la CEDEAO, pour essayer de trouver une solution à la crise ouverte. Je condamne fermement cette façon de faire et de mettre notre pays sur la voie de l’aventure.
RFI : L’entourage de Faure Gnassingbé affirme que trois jours avant sa mort, le général Eyadéma vous a demandé de rentrer d’Europe et vous n’êtes pas rentré…
F.N. : C’est faux ! Trois jours avant, nous étions à la réunion de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. J’ai téléphoné au président Eyadéma, parce que nous étions sur un problème épineux, pour demander ses conseils sur le problème de la Mauritanie.
RFI : C’était quel jour ?
F.N. : C’était le mercredi
RFI : Le mercredi 2 février ?
FN. : Oui ! Il m’a demandé quand est-ce ! que j’allais rentrer. Je lui ai dit : « Comme vous me l’avez demandé, j’aurai un entretien avec le bureau de M. Louis Michel. Je retournerai à Paris jeudi pour soigner mes yeux, et je rentre samedi ». Il a dit : “Ça marche, je t’attends samedi ». Donc, ce qu’ils racontent, ce sont des affabulations.
RFI : Donc, il y a eu une volonté manifeste de Faure Gnassingbé de vous empêcher de rentrer au Togo…
F.N. : Je ne peux pas dire cela de Faure Gnassingbé. Il y a eu la volonté manifeste de tous ceux qui ont pris part à cette affaire de m’empêcher de rentrer au Togo. Je ne sais d’ailleurs pour quelle raison, puisque de toutes les façons, la Constitution ne se marchande pas. Elle n’a pas la tête du client. Et je n’ai pas d’autres ambitions que d’assumer cette fonction présidentielle dans l’unique but d’organiser des élections présidentielles équitables, démocratiques, transparentes, ouvertes à tous. Voilà mon ambition. Je n’ai pas d’autres ambitions. Eux tous le savent.
RFI : Comment expliquez- vous que vous ayez tant d’ennemis au sein du parti au pouvoir ?
F.N. : Enfin ! c’est maintenant que je m’aperçois que j’ai des ennemis. Pourtant, je ne devrais pas avoir d’ennuis, puisque c’est nous qui avons été au pouvoir durant 38 ans. Nous défendions la même cause.
RFI : Est-ce qu’ils se méfient de vous parce qu’ils ont peur que vous les trahissiez ?
F.N. : Je n’ai jamais trahi. Même dans les durs moments, j’ai toujours été fidèle au président Eyadéma. Il n’y a pas plus de cinq ou six qui soient plus anciens dans la collaboration avec Eyadéma que moi.
RFI : Oui, mais il est aujourd’hui qu’entre Faure Gnassingbé (…) d’un côté et vous de l’autre, il y a un vrai problème. Vous ne vous entendez plus ?
F.N. : Moi, je vous le dis très clairement. Je n’ai aucun problème personnel avec Faure Gnassingbé. Ce que je lui ai demandé, c’est le respect de la légalité constitutionnelle pour eux, et que mon parti s’engage dans la bataille. ! Il est déjà investi.
RFI : La différence entre Faure Gnassingbé et vous, c’est peut-être que vous êtes prêt à faire des élections réellement ouvertes à tous, y compris à l’opposant Gilchrist Olympio.
F.N. : Pourquoi moi, qui suis président constitutionnel, je devrais dire telle élection exclut tel. Ce n’est pas mon rôle. C’est à la classe politique de décider ce que nous allons faire. Donc, avant d’aller aux élections, le président constitutionnel que je suis devrait s’adresser à la classe politique pour qu’on reprenne le dialogue, qu’on discute et qu’on arrive à quelque chose. Il est possible et même souhaitable que la classe politique en débatte. Pourquoi ne pas s’asseoir ?
RFI : Etes-vous ouvert à l’idée d’une discussion sur cet amendement constitutionnel de 2002 qui exclut un certain nombre d’opposants de la course à la présidentielle ?
F.N. : Mais, il est clair que les gens poseront ce problème. La politique, c’est d’abord la discussion. S’écouter, fai! re des concessions. Il est temps qu’on se regarde en face, qu’on se pardonne. Nous avons beaucoup de cadres qui sont à l’extérieur qu’ils soient civils ou militaires. C’est autant de problèmes. Je favoriserai l’accord, le plus large possible, au sein de la classe politique.
RFI : Le consensus ?
F.N. : Le consensus. Lorsque de bonnes femmes, des mères de famille vont revendiquer et qu’on les réprime avec des moyens disproportionnés, même celui qui exerce cette répression, au fond de lui-même, n’est pas content.
RFI : Pourquoi parlez-vous justement aujourd’hui ? parce que des milliers de femmes vêtues de rouge ont manifesté en votre faveur dimanche à Lomé ?
F.N. : Non, ce n’est pas en ma faveur. Vous savez, je ne suis pas dupe. Ces gens qui manifestent ne sont pas nécessairement mes partisans. Ils manifestent parce qu’ils réclament la légalité constitutionnelle. Et sur ce point, on se rejoint. C’est tout. Mais dans notre tradition, la femme vêtue de rouge qui! sort, c’est quelque chose de symboliquement fort.
RFI : Qu’est-ce que ça veut dire ?
F.N. : C’est un avertissement. Le plus solennel. Ça veut dire que la prochaine fois, la femme risque de sortir dans sa tenue d’Eve. Et là, c’est la malédiction. Il faudrait que vraiment, nous écoutions la voix de la raison. La Constitution m’assure une fonction de neutralité, également, d’objectivité. Et j’aurai une feuille de route.
RFI : Vous ne voulez pas être assimilé à l’opposition qui a manifesté samedi…
FN. : Non. Je suis du RPT (NDLR : Rassemblement pour le peuple togolais) et je reste RPT. Vous pensez que toutes ces femmes qui ont manifesté sont uniquement des femmes de l’opposition ? Il y a aussi des femmes du RPT qui sont choquées de voir qu’on piétine la Constitution.
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