L’opposition parlementaire actuelle est trop faible face au régime pour arriver à renverser le rapport des forces au profit de l’Opposition togolaise. Seul, un front le plus large possible peut rendre probable en 2010, l’alternance au pouvoir. Un tel front ne se confond pas avec un rassemblement hétéroclite autour d’un candidat.
Les accords de Ouaga signés le 08.08.09 ont suscité beaucoup de déception dans la presse comme dans l’opinion aussi bien au Togo que dans la diaspora togolaise. Et il y a de quoi. Suivant le contenu du document rendu public, seuls les problèmes relatifs à la composition de la CENI, aux conditions d’éligibilité, au mode de scrutin sont débattus, alors que les problèmes qui conditionnent vraiment la probabilité d’une alternance au pouvoir en 2010 et tout l’avenir du pays sont : le problème du mode de scrutin, et donc de la modification de la constitution en vigueur depuis 2002, le problème de la composition de la Cour constitutionnelle et des fonctions dévolues à cette institution, le problème du découpage électoral et de la révision des listes électorales, le grave problème du droit des Togolais de la diaspora de voter.
Par rapport à ces problèmes essentiels, la composition de la CENI et les conditions d’éligibilité sont en réalité tout à fait secondaires, en ce sens qu’ils ne sont pas forcément de nature à rendre l’alternance au pouvoir possible en 2010.
Même sur ces problèmes de second plan, les deux partis de l’opposition parlementaire n’ont vraiment pas de quoi pavoiser comme ils l’ont fait au retour de Ouaga.
• Sur la composition de la CENI, le régime a de toute évidence imposé ses quatre volontés à travers le RPT, obligeant ainsi l’UFC et le CAR à rempocher leur proposition commune, laquelle, au demeurant, n’a rien de vraiment original.
• Sur la question du mode de scrutin, pourtant si fondamental pour rendre les élections présidentielles démocratiques, les accords sont restés évasifs, laissant entendre seulement “qu’une réflexion est en cours pour arrêter un modèle consensuel”. Cela veut dire en clair que pour les présidentielles de 2010, le mode de scrutin risque fort d’être encore, comme les précédentes présidentielles, le scrutin à un tour imposé par le régime et son parti en 2002.
• Enfin, sur les conditions d’éligibilité, le CAR et l’UFC se sont contentés d’une promesse “d’assouplissement” dont les termes n’ont même pas fait l’objet d’une négociation, les deux partis ayant visiblement laissé carte blanche au régime pour faire ce qu’il veut. Bien entendu, “l’assouplissement” décidé par le Gouvernement le 17 août 2009 permet aux détenteurs de la double nationalité de se porter candidats aux présidentielles. Mais si le régime a si rapidement fait cette concession aux candidats concernés, c’est qu’il sait qu’une telle concession ne pèse pas lourd dans les conditions requises pour rendre possible l’alternance au pouvoir en 2010.
Dans tous les cas, la diaspora togolaise n’a toujours pas le droit de voter.
En définitive, le CAR et l’UFC, pour des raisons faciles à deviner, se sont, de toute évidence, laissés flouer une fois de plus à Ouaga par le régime et son parti. Dans ces conditions, proclamer que “Nous avons fait beaucoup de progrès ces derniers jours à Ouaga”, ou que “…dans ce genre de rencontres, vous ne pouvez pas tout avoir…”, c’est afficher une autosatisfaction parfaitement déplacée par rapport aux inquiétudes des Togolais sur les présidentielles en vue et à leurs aspirations au changement politique après les élections.
La réalité est qu’à Ouaga, le rapport des forces a joué une fois de plus en faveur du régime et en défaveur de l’Opposition toute entière. Comme beaucoup d’autres événements qui ont émaillé l’évolution de la politique togolaise au cours de ces deux dernières années, ces accords confirment, eux aussi, ce que la CDPA-BT avait commencé à dire dès le lendemain des législatives d’octobre 2007 : l’opposition parlementaire actuelle est trop faible face au régime pour arriver à renverser le rapport des forces en faveur de l’Opposition togolaise. En conséquence, la CDPA-BT estime dangereuse la tendance des deux partis formant l’opposition à l’Assemblée à se poser comme les seuls partis d’opposition dans le pays. Ce faisant, ils empêchent la lutte d’opposition d’avancer et font par là même le jeu du pouvoir en place.
Les 20 années de piétinement du courant dominant de l’Opposition ont suffisamment montré que le combat contre un régime de dictature pour l’instauration d’un système politique démocratique n’est l’affaire, ni d’un seul homme si charismatique soit-il, ni d’un seul parti d’opposition si grand soit-il, ni d’une seule ou d’une somme d’associations de la société dite civile… C’est un combat collectif impliquant tous ceux qui veulent le changement politique, sans considération d’appartenance politique, associative, syndicale, confessionnelle, ethnique…
Cela veut dire que pour rendre possible l’alternance politique en 2010 ou plus tard, il faut nécessairement impliquer à nouveau la masse de la population dans le processus politique, et le faire cette fois-ci sous la forme d’une organisation forte et cohérente réunissant dans un front le plus large possible toutes les composantes de cette masse d’opposants : Parti politiques de l’Opposition, organisations syndicales, organisations associatives, organisations religieuses, organisations de la diaspora… On voit bien qu’un tel front n’a rien de commun avec un rassemblement hétéroclite autour d’un candidat aux élections présidentielles de 2010.
Fait à Lomé, le 20 Août 2009.
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
Prof. E. GU-KONU
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