Autrement dit, on ne peut pas opérer le changement politique sans se donner une forme d’organisation qui permette une implication forte et responsable de la population dans la vie publique. Surtout lorsqu’il s’agit d’un régime de dictature militaire dont les tenants mettent tout en oeuvre pour empêcher l’alternance démocratique, afin de continuer de se maintenir au pouvoir envers et contre tous. Comme c’est le cas du Togo depuis 1967…
Le Ghana vient d’élire un nouveau président en la personne de John Atta-Mills. Des élections propres, transparentes, et donc pacifiques. Le déroulement du scrutin montre que la démocratie politique fonctionne dans ce pays, même si elle n’est pas encore parfaite, et que le principe de l’alternance au pouvoir est entré dans les moeurs de la classe politique ghanéenne, en particulier celle qui gère les affaires de l’Etat.
Mais si les élections ont pu être libres, transparentes, pacifiques, sommes toutes démocratiques, c’est bien parce que les hommes au pouvoir jusque là sont arrivés à un consensus sur la nécessité de l’alternance démocratique au pouvoir pour le progrès politique, économique et social, et qu’ils n’ont donc pas décidé de confisquer l’appareil d’Etat à tout prix et en dépit de tout, en usant d’hypocrisie, de mensonge, de magouille, de manipulation de l’opinion, au besoin de la force brutale, de la violence d’Etat.
C’est sous cet angle que les élections présidentielles ghanéennes tranchent si nettement d’avec ce qui s’est passé par exemple au Togo trois ans plus tôt, en février 2005 et le climat de violence et de terrorisme d’Etat par lesquels les hommes du pouvoir ont permis lemaintien du vieux régime d’Eyadema et le transfert du pouvoir à son fils le 26 avril 2005.
Juste quelques rappels rapides pour permettre d’en juger. Après plus de 38 ans d’un règne sans partage jalonné de violences et de violations des droits de la personne humaine, la population togolaise a fini par s’insurger en 1990 contre ce régime de dictature militaire officialisé par Eyadema en 1967.
Contrairement au cas béninois, Eyadema, son armée et son entourage immédiat ont réagit à la revendication populaire du changement démocratique en affichant ostensiblement leur détermination à se maintenir au pouvoir envers et contre tous, et leur volonté de passer par tous les moyens pour barrer la route à l’alternance démocratique au pouvoir.
Il en est résulté ce qu’on a vu pendant toutes les élections organisées depuis 1979 : Fraudes massives, scrutins truqués, bidouillage politique de toute sorte, tripatouillage des textes pour passer chaque fois en force, manipulation de l’opinion et achat des consciences, répressions sanglantes…
Le 5 février 2005, des officiers de l’armée se sont précipités avec une brutalité sans nom pour porter de force Faure Gnassingbé au pouvoir le jour même de l’annonce du décès de son père. Et ils ont déclenché pendant et après la parodie d’élections organisées dans la confusion le 24 avril une répression sanglante pour maintenir « l’héritier » sur le trône. Cette pratique antidémocratique et toute militaire est une des expressions les plus caricaturales de la volonté du régime de barrer la route à l’alternance démocratique par tous les moyens.
John Kufuor n’aurait jamais pu accéder au pouvoir en 2000, si Rawling et son entourage avaient procédé de la même manière après le coup d’Etat de 1981, autrement dit si Rawlings n’avait pas joué le jeu démocratique en toute franchise en s’interdisant de se porter de force candidat aux présidentielles autant de fois qu’il le veut, comme le tripatouillage de la constitution togolaise de 1992 avait permis à Eyadema de le faire en 2002.
Une information utile : La constitution qui continue de régir le pays depuis février 2005 est celle-là même que le régime s’était taillé sur mesure en 2002 pour pérenniser le régime d’Eyadema et le transformer en une monarchie héréditaire au profit de son clan et de ses courtisans qui continue de régir le pays aujourd’hui. Et visiblement, cela ne gène pas les leaders de l’opposition et autres prétendants qui annoncent leurs candidatures pour les éventuelles présidentielles de 2010 et s’y préparent fiévreusement.
Depuis le renversement du gouvernement de Kwame N’Krumah par le coup d’Etat du Général Kotoka (février 1966) et après l’intermède plus que terne du Dr Busia (1969-1972), des officiers corrompus, avides de pouvoir et d’argent, ont ouvert dans le pays une ère de prise du pouvoir par coups d’Etat militaires répétés, faisant ainsi sombrer le Ghana dans une situation économique et sociale catastrophique pour la grande masse de la population.
Un fait important : Même si Rawlings, à son accession au pouvoir en 1981, répugnait au pluralisme politique comme la plupart de ces militaires putschistes qui ont marqué l’histoire de l’Afrique depuis 1963, il a le mérite de mettre fin à la prise en otage du pays par l’armée ghanéenne, en entreprenant des réformes structurelles et institutionnelles radicales. Pour la première fois, le pays va ainsi bénéficier d’un contexte politique favorable à l’enracinement des principes et des pratiques démocratiques au Ghana.
Mais fait encore plus important : Rawlings ne serait jamais arrivé à réaliser ces transformations importantes pour la démocratisation de la vie politique du pays, si le pouvoir d’Etat était resté sous le contrôle des régimes militaires hostiles à l’alternance démocratique comme le sont ces généraux putschistes véreux, et s’il avait passé son temps à négocier ou dialoguer avec une classe politique minoritaire réfractaire au changement et prêt à tout faire pour se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire.
Par ailleurs, des élections présidentielles démocratiques et pacifiques, comme celles qui ont marqué la vie politique du Ghana depuis 2000 n’auraient jamais eu lieu, si une opposition s’était contentée de demander à ceux qui entendent poursuivre la confiscation du pouvoir par tous les moyens, d’opérer le changement politique requis pour engager le pays dans la voie de l’alternance démocratique.
Enfin, et c’est le fait capital, Rawlings a pu réaliser ces reformes décisives grâce au soutien politique massif dont il a directement et indirectement bénéficié de la part de tous ceux en qui il a suscité de si grands espoirs de changement. Ce dernier fait conduit à une vérité de tous les temps : Dans un régime de dictature, les leaders de l’opposition démocratique ne peuvent pas réaliser le changement et entreprendre les transformations indispensables au progrès politique, économique, social et culturel en mettant la population à l’écart de la vie politique.
Autrement dit, on ne peut pas opérer le changement politique sans se donner une forme d’organisation qui permette une implication forte et responsable de la population dans la vie publique. Surtout lorsqu’il s’agit d’un régime de dictature militaire dont les tenants mettent tout en oeuvre pour empêcher l’alternance démocratique, afin de continuer de se maintenir au pouvoir envers et contre tous. Comme c’est le cas du Togo depuis 1967.
C’est pour ces raisons que la CDPA-BT continue d’en appeler à la formation du MFAO (Mouvement de la force alternative d’opposition). Un mouvement de tous ceux qui estiment que le changement démocratique n’est pas réalisé au Togo et qui aspirent à une vie politique semblable à celle du Ghana.
Ce mouvement est indispensable pour au moins 4 raisons :
1- L’opposition parlementaire actuelle continuera d’être faible et méprisée pour cela par le régime et son parti, si elle ne se prolonge pas dans le pays réel par une opposition extraparlementaire forte sous la forme d’un mouvement organisé.
2- Dans les conditions actuelles de la vie politique togolaise, l’opposition parlementaire seule ne suffit pas pour créer les conditions du changement démocratique. Elle ne peut y parvenir qu’en prenant appui sur une opposition extraparlementaire la plus large possible.
3- Le candidat du parti d’opposition ou n’importe quel autre candidat qui parviendrait à se faire élire en 2010 contre le candidat du régime ne pourra pas accéder au pouvoir et conduire une véritable politique de transformation de l’économie et de la société et une politique d’élimination de la misère populaire s’il ne bénéficie pas d’un soutien massif de la population à travers une opposition extraparlementaire sous la forme d’un mouvement organisé et responsable.
4- Enfin, même si l’opposition prend le pouvoir demain, il faudra qu’une opposition réelle continue d’exister dans le pays ne serait-ce que pour jouer un rôle intelligent de garde-fous, ou poursuivre le combat pour la démocratie, si le nouveau pouvoir se transforme à son tour en un pouvoir dictatorial. C’est cette opposition extraparlementaire que la CDPA-BT appelle le Mouvement de la force alternative d’opposition, le MFAO.
Fait à Lomé, le 13 Janvier 2009
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
E. GU-KONU
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