25/04/2024

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La Cedeao laisse du temps à Faure Gnassingbé

La mission de la Cedeao conduite par Olu Adeniji, ministre nigérian des Affaires étrangères et par Aïchatou Mindaoudou, ministre des Affaires étrangères du Niger qui assure la présidence de l’organisation, est repartie de Lomé dans la soirée du 16 février emportant dans ses valises les secrets des discussions qualifiées, cependant de « fructueuses ». Le secrétaire exécutif Mohamed Ibn Chambas, et le général Oumar Diarra, secrétaire adjoint chargé des affaires politiques qui ont pris aux discussions n’ont pas été plus bavards, ce qui a fait dire aux opposants togolais que la Cedeao laissait aux autorités locales le soin d’annoncer elles-mêmes les différentes étapes du retour à la légalité constitutionnelle.

Toute la nuit opposants politiques ou simples citoyens sont restés toute la nuit les yeux rivés sur la télévision nationale, les oreilles collées au transistor en vain. Aucune déclaration de part et d’autre n’est venue clarifier le débat. Les autosatisfactions exprimées par la délégation de la Cedeao commencent par faire l’objet de plusieurs interprétations. Les rares déclarations des membres de l’organisation régionale sont analysées et inspirent de moins en moins en confiance dans la classe politique togolaise. Selon une source proche de la délégation de la Cedeao, citée par l’AFP, « les autorités togolaises n’excluent pas un retour à l’ordre constitutionnel. Pour l’instant, les discussions sont toujours en cours (…) et il serait maladroit d’anticiper sur les résultats des négociations entre les deux parties ».

La formule reprise sur toutes les lèvres est de « laisser le temps au temps ». Les partis de l’opposition joints à Lomé sont pour le moins surpris par le changement de ton, moins péremptoire de la Cedeao, où on se réjouit volontiers d’un bon début des discussions. Quels sont les engagements et autres garanties fournis par les autorités de Lomé aux émissaires ouest-africains ? « On ne sait pas ce qui se passe », répond Yawovi Agboyibo président du Comité d’action pour le renouveau (CAR) qui maintient que le préalable à un retour à la légalité constitutionnelle reste « la démission » du successeur désigné et intronisé à la place de son père. « Et c’est bien là ce qui débat aujourd’hui », poursuit-il. Les partis de l’opposition se concertent à Lomé pour étudier la marche à suivre, mais d’ores et déjà lancent un mot d’ordre de marche pacifique le samedi 19 février.

A l’étranger un des principaux instigateurs des manifestations contre le pouvoir au Togo, le Comité togolais de la résistance (CTR) d’Isidore Latzoo basé à Paris, tient un discours aux antipodes des positions des partis politiques de l’opposition. « Ni Fambaré Natchaba, ni Faure Gnassingbé, mais un gouvernement de salut public tout de suite et sous l’égide de l’ONU pour ramener un peu d’ordre dans la maison Togo », préconise Isidore Latzoo, le leader du CTR. Le retour à la légalité constitutionnelle est une notion piège qui ramène tout simplement au régime Eyadéma, alors que « cette même opposition qui réclame aujourd’hui l’application de la constitution ne l’a jamais reconnue », précise-t-il en s’opposant à un « ravalement de façade ». Par ailleurs, les Togolais vivants en France se passent le mot pour une nouvelle manifestation à Paris le 20 février.

Silence radio

Parallèlement aux querelles politiques, ce sont les restrictions des espaces de liberté qui préoccupent aussi les organisations de défense des droits de l’Homme qui jugent inquiétantes les fermetures de radios et de télévisions privées. Depuis l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé, sept radios et deux télévisions privées ont été interdites d’émettre et fermées. Les décisions de fermeture ont impliqué les forces armées togolaises, puisque la première mesure d’interdiction d’émettre qui a frappé Radio Lumière d’Aného dès le 10 février, a été annoncée par le capitaine Moïse Oyomé Kemence, le chargé de la communication des Forces armées togolaises (FAT). Il a justifié cette mesure par « l’incitation à la révolte et à la haine » dont il accuse Radio Lumière. Le même jour le président de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), Georges Combévi Agbodjan a convoqué tous les patrons de la privée presse togolaise en présence du capitaine Moïse Oyomé Kemence pour les mettre en garde contre tout « dérapage ».

Radio Lumière d’Aného a non seulement été fermée mais ses équipements été confisqués par les forces de l’ordre. Quelques jours plus tard ce sont six radios supplémentaires et deux télévisions privées qui ont été frappées d’interdiction d’émettre. « Dérapages répétés » et « non-paiement des redevances fiscales » ont été des raisons invoquées par la HAAC pour justifier les fermetures d’antenne. De nombreuses associations de journalistes et de la presse privée ont condamné ces mesures et sont inquiètes pour leur avenir dans un conteste de crise politique au Togo. Par ailleurs, les émissions de Radio France internationale (RFI), qui émet en FM à Lomé et Kara, ont été brouillées quelques jours avant d’être rétablies, mais l’envoyé spécial de la chaîne n’a pu obtenir un visa d’entrée au Togo. Il est resté bloqué à Cotonou (Bénin), alors que d’autres journalistes de Radio France, qui n’émet pas en Afrique, ont obtenu l’autorisation d’entrer au Togo.

Didier Samson
Article publié le 16/02/2005