29/03/2024

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La presse internationale fustige le bilan de Jacques Chirac

La presse internationale n’est pas particulièrement tendre, lundi 12 mars, envers Jacques Chirac. Le Daily Telegraph relève ainsi que « les conventions demandent qu’on dise des choses gentilles sur les gens quand ils prennent leur retraite, mais il n’est pas facile de le faire dans le cas de Jacques Chirac ». « En tant qu’homme politique, poursuit le journal, il a personnifié et tiré parti de tout ce qui n’allait pas dans la politique française… Il est charmant, inconstant, imposant, ayant fière allure et sans aucun scrupule. Accusé de corruption gargantuesque, il s’est débrouillé pour s’assurer l’immunité, et celle de milliers d’autres hommes politiques avec. » Le quotidien ajoute qu' »il a été, selon son humeur, un libre-échangiste et un protectionniste, un gaulliste et un atlantiste, un fédéraliste et un eurosceptique ». Implacable, le quotidien de centre droit conclut qu' »on dit qu’en démocratie, les peuples ont les hommes politiques qu’ils méritent. La France méritait mieux ».

Le Guardian (centre gauche), qui rappelle que, deux fois président, deux fois premier ministre et maire, dix-huit ans durant, de la ville de Paris, la carrière de Jacques Chirac est une des plus longues en Europe, ne le qualifie pas moins de « girouette » pour son habileté à naviguer en fonction de ses intérêts. « Champion du contrôle étatique dans les années 70, partisan du libéralisme de marché à la Ronald Reagan dans les années 80, eurosceptique puis défenseur de l’euro », Chirac relança les essais nucléaires dans le Pacifique avant de se faire le héraut de l’écologie, et fut aussi, à ce titre, surnommé « Caméléon Bonaparte », note la BBC.

Pour le Financial Times, les agriculteurs feront partie des rares personnes attristées par la fin de l’ère Chirac, dont le « plaisir » à tapoter le derrière des vaches constituait une exception politique. Beaucoup, à l’étranger, se féliciteront en revanche du départ de celui qui, évoquant Margaret Thatcher, osa déclarer : « Mais qu’est-ce qu’elle me veut de plus, cette ménagère ? Mes couilles sur un plateau ? » Surnommé le « bulldozer » par Georges Pompidou, cet « éternel opportuniste a retourné sa veste sur de nombreuses questions », et semble enfin avoir trouvé un digne successeur en la personne de Nicolas Sarkozy, qui résuma leur difficile relation en avançant que « tout le monde pense qu’il est très con et très gentil. En fait il est très intelligent et très méchant ». Reste qu’en refusant d’adouber officiellement celui qui a depuis conquis le parti qu’il avait créé pour asseoir sa légitimité, Jacques Chirac s’avère, après douze ans de pouvoir, incapable de réunir la droite.

« GIROUETTE POLITIQUE, PIÈTRE STRATÈGE MAIS EXCELLENT DÉMAGOGUE »

Titrant, en « une », « L’adieu émouvant d’un piètre président », Le Soir estime qu' »à l’heure de l’adieu, le bilan de l’homme politique est plus que mitigé ». Evoquant « douze ans d’immobilisme éclairé », le quotidien belge le qualifie lui aussi de « girouette politique, piètre stratège mais excellent démagogue, européen tiède, combattant impuissant de la fracture sociale, chef obsédé par la haine de ses rivaux, père assassin de toute une génération d’hommes politiques de talent, qu’il a étouffés les uns après les autres ». Pour La Libre Belgique, si « Jacques Chirac a sans doute été le plus grand homme politique de sa génération », « il faut distinguer l’homme politique de l’homme d’Etat ». Evoquant « sa propension effarante aux beaux discours non suivis d’effets et aux grands engagements jamais tenus [et] sa surdité vieillissante aux émois du pays », le quotidien belge relève que « surtout, on a vraiment du mal à trouver une ligne politique claire à cet homme qui, en quarante ans, a vraiment dit tout et son contraire. Jusqu’à la caricature le soir où, sans honte apparente, il promulgua le contrat première embauche (CPE) et annonça qu’il ne serait jamais appliqué ».

Pour la Berliner Zeitung, qui se demande « Que restera-t-il de Jacques Chirac ? », l’annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat n’est que « le début de la fin ». « Qu’a fait cet homme de ses possibilités ? Effroyablement peu. (…) Le pays est quasiment dans l’état où Chirac l’a reçu en 1995. » Dans un long article sans concession, le Spiegel note pour sa part qu' »il ne restera pas grand-chose de Chirac, qui a contribué pendant quarante ans à façonner la politique française. Les conseils qu’il a donnés dimanche soir à son peuple, il ne les a pour la plupart jamais suivis. »

Le Washington Post n’est pas en reste : « Pour de nombreux Français, Chirac a incarné l’image de la royauté à la française : élégant et nonchalant, parfois brutal dans ses critiques des autres pays de l’Europe et de ses alliés, aimant mener grand train et ardent défenseur de la culture et de la langue françaises. (…) Pendant ses mandats à l’Elysée, Chirac a vu le malaise français s’approfondir. Ses efforts de réforme ont échoué, le taux de chômage reste élevé, la discrimination s’est accentuée et l’influence de la France s’est amoindrie. Après les émeutes de banlieue et le mouvement du CPE, la popularité de Chirac s’est effondrée. » Sans oublier le fait que, « poursuivi depuis des années par des allégations de corruption du temps où il était maire de Paris, nombre de ses assistants ont depuis été condamnés pour corruption ».

Le New York Times reconnaît certes qu' »il sera probablement considéré par les historiens comme le leader européen qui dirigea l’opposition à l’intervention américaine en Irak [et] qu’il fut le premier leader français à reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans l’extermination nazie ». Le quotidien américain de référence n’en rappelle pas moins la dissolution du Parlement en 1997, le rejet du projet de traité constitutionnel européen, le fait qu' »il va quitter son bureau sans avoir tenu sa promesse de 1995 d’en finir avec la ‘fracture sociale' », et conclut qu' »en principe, il pourrait être poursuivi par la justice après son départ de l’Elysée ». L’International Herald Tribune relève cependant qu’il vient de nommer Jean-Louis Debré à la tête du Conseil constitutionnel, ce qui pourrait l’aider à se protéger d’éventuelles poursuites judiciaires. En attendant, son successeur héritera d’une dette estimée à 1 200 milliards d’euros.

Jean Marc Manach

LEMONDE du 12/03/07