[RFI->http://www.radiofranceinternationale.fr/]De notre correspondant à Lomé
Des milliers de militants et sympathisants du Rassemblement du peuple togolais (RPT au pouvoir), appuyés par une forte délégation de chefs traditionnels, ont à l’issue d’une grande marche le samedi 22 février 2003 à Lomé, demandé au chef de l’État togolais, Gnassingbé Eyadéma, «d’être leur candidat à l’élection présidentielle de 2003», pouvait-on lire sur une grande banderole. «Nous, forces vives de la nation, vous demandons de ne pas laisser tomber le Togo, nous avons encore besoin de vous pour consolider l’État de droit. Nous savons, certes, que cela est difficile mais, c’est un sacerdoce que nous vous demandons de poursuivre», ont précisé les militants du RPT dans une déclaration devant le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre et les membres de son cabinet. L’appel semble avoir été entendu, du moins par le président de l’Assemblée nationale, Fambaré Ouattara Natchaba, qui a souligné qu’un député «ne vaut que par son souci de traduire les aspirations du peuple». «Nous ferons tout pour que le président Eyadéma soit notre candidat et qu’il soit brillamment réélu».
Cette grande manifestation des militants du parti au pouvoir est le couronnement de toute une série de soutiens au chef de l’État. Ces manifestations tendent à faire accepter une éventuelle candidature du président sortant dans les prochains mois, après ses 36 ans de pouvoir. Toutes les couches socio-professionnelles ont été explorées: le secteur informel, les étudiants, les cadres et les populations de la Kozah (région du chef de l’État), les chefs traditionnels de la région du sud, etc sont mis à contribution pour vanter ses mérites face «aux appétits égoïstes» de ses adversaires, afin de justifier sa probable candidature au scrutin prochain.
«appétits égoïstes»
«Nous, populations laborieuses de la préfecture de la Kozah, demandons avec insistance à Son Excellence Gnassingbé Eyadéma de ne pas abandonner le peuple togolais face aux appétits égoïstes déjà affichés par les ennemis et les apatrides sans attache avec le Togo, qui n’ont aucun bien, aucun de leurs enfants au Togo et donc insensibles aux souffrances du peuple togolais», avaient déclaré le 15 février dernier des manifestants de la région du président Eyadéma. «Eyadéma candidat à la présidentielle de 2003, tel est notre vœu le plus cher», avaient-ils conclu dans une longue déclaration entièrement reprise par le quotidien du gouvernement Togo-Presse.
Les journaux proches du pouvoir se sont récemment jetés dans la bataille en justifiant ça et là la modification de la constitution et du code électoral fin décembre et début février derniers. «Modification du code ou pas, l’opposition ne viendra pas au pouvoir du moins pas avant les 40 ans de régime Eyadéma. Alors, pourquoi s’égosiller ?», écrivait l’hebdomadaire Le Clairon le 7 février 2003. Dans un savant portrait du futur président togolais, l’hebdomadaire Politicos (mouvance), le 3 février denier, plaçait Eyadéma en tête des leaders politiques censés pouvoir instaurer au Togo la paix et la sécurité.
Malgré le mutisme observé par le chef de l’État lui-même, il est de plus en plus évident que les conditions sont créées pour sa propre succession. D’autant plus qu’au sein du parti dont il est le chef, l’on n’ose pas parler de dauphin ou de successeur devant briguer la prochaine magistrature suprême au nom du RPT. Plus révélatrice a été la modification le 30 décembre dernier de la constitution qui a sauté le dernier barrage à une éventuelle candidature d’Eyadéma. Jusqu’à sa modification, la loi fondamentale limitait à deux le nombre des mandats présidentiels. Ainsi, le chef de l’État devait quitter le pouvoir en juin prochain, après avoir été élu pour deux mandats successifs en août 1993 et juin 1998 lors des premiers scrutins pluralistes qu’a connus le Togo. La modification le 6 février 2003 du code électoral –qui confie désormais l’organisation des élections au pouvoir, au détriment d’une commission électorale indépendante– vient visiblement conforter une victoire du candidat du RPT au prochain scrutin en ce sens que, selon l’opposition, les nouvelles dispositions de cette loi enlève toute notion de transparence aux scrutins.
Pendant que sont enclenchés les préparatifs de la présidentielle, avec la mise en place très prochaine de la Commission électorale, chargée cette fois de veiller à la régularité des opérations de vote, l’opposition semble encore divisée sur une participation au scrutin. L’Union des forces de changement (UFC) de l’opposant en exil Gilchrist Olympio ne semble pas y trouver son compte. Son leader, arrivé en seconde position à la présidentielle contestée de juin 1998, est exclu de la course par la loi électorale pour cause de non résidence «permanente» sur le territoire national. Le 20 février 2003, son parti se retire de la direction de la Coalition des forces démocratiques (CFD), un regroupement d’une dizaine de formations politiques de l’opposition, pour une question de «violation de la règle du consensus» liée à la désignation des membres de la CFD devant siéger à la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Cette dissension à quelques mois de la présidentielle est dénoncée par des militants de l’opposition qui attire l’attention de leurs leaders sur leur «caractère démobilisateur». En revanche, les collègues de Gilchrist Olympio, notamment Yaovi Agboyibo du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et Edem Kodjo de la Convergence patriotique panafricaine (CPP) affichent leur adhésion à la présidentielle, sans pour autant l’annoncer publiquement. A la demande du gouvernement, ils ont en effet désigné les membres de la CFD devant siéger à la CENI. Ils estiment, selon leurs propres termes, qu’il «ne faut pas laisser de boulevard à Eyadéma», tout en dénonçant les nouvelles dispositions de la loi électorale.
Par ailleurs, l’Union européenne semble fléchir dans ses exigences vis à vis du Togo en prenant «acte de la décision prise le 30 décembre par l’Assemblée nationale togolaise» de modifier la constitution notamment en son article 59 relatif au mandat présidentiel. Dans une déclaration le 12 février 2003, «l’UE invite toutes les parties à reprendre le dialogue politique dans le but de se mettre d’accord sur un cadre électoral qui soit acceptable pour tous». Sans exiger des autorités togolaises de revenir sur les modifications de la constitution et du code électoral, l’UE les engage «à faire en sorte que l’élection présidentielle qui va avoir lieu soit libre, équitable et transparente, de manière à encourager le processus démocratique au Togo, conformément à l’esprit de l’accord-cadre de Lomé». Un accord politique conclu en juillet 1999 entre la mouvance et l’opposition, et que les nouvelles lois, conclues dans le même cadre, ont d’ailleurs assez largement violé.
GUY MARIO
23/02/2003
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