20/04/2024

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L’élection au Togo s’invite en justice à Bruxelles

PAR DIDIER HAINE ET JACQUES LARUELLE

C’est une élection présidentielle où l’opposition dit craindre des irrégularités. Le 15 avril prochain, plus de trois millions d’électeurs togolais se rendront aux urnes pour élire un président. Faure Gnassingbé, qui a remporté les scrutins de 2005 et 2010, est largement favori.

L’opposition, qui est divisée, ne semble avoir que peu de chances de mettre fin à 48 années de dynastie Gnassingbé. Jean-Pierre Fabre, à la tête de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), apparaît comme le principal challenger.

Les électeurs ont été enregistrés. La tâche, comme c’est le cas depuis 2007, a été assurée par la société belge Zetes, qui réalise les documents d’identité belges. Au fil des ans, Zetes a développé une véritable expertise dans le domaine de l’inscription des électeurs. Zetes est très active en Afrique. Elle a délivré des passeports à la Côte d’Ivoire et à la Gambie, et fournit des solutions pour l’inscription des électeurs au Congo, en Ouganda, au Bénin, au Togo, etc.

Des graves anomalies détectées

Zetes utilise des kits d’enregistrement biométrique (ordinateur, caméra, scanner d’empreintes, imprimante) pour procéder au recensement et distribuer des cartes d’électeurs. Un tel système permet de distinguer des jumeaux : s’ils sont identiques sur la caméra de reconnaissance faciale, ils seront départagés par leurs empreintes.

Cette expertise ne rassure pas l’ANC. Sur base d’un examen, mené en avec quatre autres partis, il dit avoir détecté de graves anomalies dans le fichier des électeurs de la Commission électorale indépendante (Ceni) : différence d’inscrits entre le nombre d’électeurs dans le fichier électoral et celui inscrit lors des législatives de 2013 et des doublons (une même personne aurait deux cartes). Selon les plaignants, 3 321 doublons ont été découverts sur 57 457 électeurs analysés. Pour l’ANC, la responsabilité de Zetes est engagée : le parti estime que la société belge s’est rendue coupable de faux en informatique et de fraude informatique. Et elle a déposé plainte pénale… à Bruxelles, où est établie la société. Elle s’est constitué partie civile.

Un juge d’instruction sera donc tenu d’instruire la plainte, portée par Me Georges-Henri Beauthier à Bruxelles et Me William Bourdon à Paris. Ce qui ne paraît pas inquiéter le CEO de Zetes, Alain Wirtz (photo) : « On tombe un peu des nues. Nous sommes prestataire technique pour la Ceni où siègent majorité et opposition. Et rien n’est remonté de la part de l’opposition de ce côté ».

Une attaque après d’autres

Et de relever que Zetes est spécialisée dans les enregistrements d’électeurs dans des pays qui ne tiennent pas de registre national. « Nous sommes régulièrement amenés à devoir nous justifier sur des interpellations émanant surtout de l’opposition », dit-il.

Ce n’est pas la première fois que Zetes est ainsi attaquée en justice. Il y a eu trois référés – aussi en Belgique – et Zetes a toujours gagné, assure M. Wirtz. Il affirme qu’on ne peut accuser son entreprise d’avoir négligé des doublons : « C’est nous qui les avons détectés et signalés », insiste-t-il.

Et de relever que cette procédure d’élimination des doubles enregistrements est d’une totale transparence, étant suivie par la presse et l’opposition. « Globalement, nous arrivons dans tous les pays africains à 0,3 % de cas de fraude », dit-il.

Et face à cette plainte, M. Wirtz se dit confiant. Comme il a pu l’être dans d‘autres au Congo, où les plaintes alors s’apparentaient davantage à des tentatives d’extorsion.