29/03/2024

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L’opposition artificielle : instrument de la démocratie tronquée

La démocratie, dans les règles de l’art, se joue sur deux termes qui alternent aux affaires : pouvoir et opposition. En effet, lorsque cette démocratie est ajustée, on ne saurait voir coexister deux types de pouvoir et deux types d’opposition. Mais attention : si cette règle est valable dans les pays de tradition démocratique (encore que en ce moment on se pose beaucoup de questions quant à la nature de l’opposition en France avec les confluences qui se dessinent entre l’opposition de Hollande et le pouvoir de Chirac), elle est loin de s’appliquer pleinement en ce qui concerne l’Afrique.

Au Togo, au Cameroun, au Gabon, au Tchad, au Burkina Faso, et on en passe, si le pouvoir est resté homogène, impulsé par un seul centre qui est le président, on voit apparaître en face, une opposition  » bicéphale « , avec une tête libre dite radicale et une autre tête assujettie dite opposition modérée. Pourquoi cela ?

Tout simplement parce que les gouvernants africains, réfractaires à la démocratie et conscients que l’époque des partis uniques, des régimes d’exception est révolue, ont investi leur imagination dans la singerie démocratique, dans l’art de retourner les règles de la démocratie en leur faveur pour conserver le pouvoir et y perdurer.

L’une de ces techniques pour pasticher la démocratie, la domestiquer, consiste pour les pouvoirs africains, après avoir délimité le terrain politique et après en avoir défini les règles du jeu (loi électorale calibrée, institution électorale aux ordres, médias contrôlés..) à faire occuper ce terrain par des compétiteurs de leur choix. A défaut de supprimer totalement l’opposition véritable dont la vocation est de réaliser l’alternance, ils créeront une opposition attrape-nigaud à leur botte, qui aura les appuis institutionnels, les moyens financiers, les soutiens médiatiques.. pour jouer un rôle, donner l’illusion que la contradiction politique existe mais ils en créeront surtout pour brouiller les repères, empêcher la caractérisation de l’opposition réelle, pour susciter des conflits d’intérêts de sorte que l’opposition apparaisse comme traversée par des déchirures, incapable de s’unir et l’on alimentera ainsi un thème de campagne sur l’incapacité congénitale de l’opposition à réaliser l’alternance ; elle qui en plus de ne pas avoir l’expérience du pouvoir, de ne pas avoir d’argent ni de programme, s’émiette en une poudrière de formations politiques et affiche une incapacité à s’unir autour d’un candidat unique.

Aujourd’hui au Togo, avec l’appui de certains médias internationaux, on donne déjà cette opposition pour perdante en se répandant en stigmatisations sur ses divisions. Pourtant, les Togolais savent qu’il y a dans leur pays deux forces politiques majeures : le RPT et l’UFC. Toutes les consultations ont confirmé, à travers les voix obtenues par les uns et les autres, cette réalité. Toute étude sérieuse entreprise fera ressortir que les six partis d’opposition qualifiés de radicale constituent en fait l’opposition, une opposition qui n’est pas seulement la plus visible en termes de combativité et de capacité de contestation mais également en termes de suffrages. Malgré cela, on parle et reparle jusqu’à saturation de l’opposition modérée ; on réserve les têtes d’affiche à ses leaders, s’efforçant de leur donner une substance, une audience peu en rapport avec celle qu’ils ont en réalité sur le terrain, une opposition bidon, satellisée, fabriquée que l’on s’efforce de monter au pinacle et de présenter comme un élément perturbateur majeur de la consultation à venir parce qu’elle refuse de faire chemin avec l’Opposition. On sait que zéro + 1, ça reste toujours 1, que la défection de cette  » opposition  » inexistante ne change en rien la suprématie de l’Opposition mais on escompte, par un tour de passe-passe médiatico-diplomatique, inoculer dans l’opinion que le RPT ne peut que gagner à cause de son ancrage, de ses moyens financiers, de son expérience certes mais encore et surtout parce que l’  » opposition modérée  » ayant refusé son soutien à l’  » opposition  » radicale, a irréversiblement brisé tout espoir d’alternance. C’est le sentiment que veulent donner le Monde, RFI, l’AFP.. en banalisant l’énorme prouesse réalisée par les six partis de l’opposition représentative qui se sont choisis un seul candidat, pour ne s’attacher qu’à une prétendue déchirure de l’opposition qui éclate en une multitude de candidatures.

La situation est la même au Burkina Faso. On n’est pas encore rentré dans la campagne que déjà sur les mêmes médias nationaux et internationaux, on véhicule l’idée que le combat est gagné par le pouvoir avant même le début des compétitions. On n’en finit pas de dévaloriser les candidats de l’opposition, de se répandre en termes moqueurs sur leur inexistence sur le terrain alors que de l’autre côté, on fait la part belle au pouvoir dont on vante jusqu’à plus soif la bonne gouvernance. Les arguments développés pour figer la défaite de l’opposition togolaise sont les mêmes qu’on retrouve pour disqualifier l’opposition burkinabé : sa division, son incapacité de s’unir autour d’un candidat unique, l’existence d’une opposition modérée aux ambitions différentes de l’opposition radicale. On oublie que l’opposition est un état fait de capacité de contestation, de propositions alternatives auxquels s’identifient les Burkinabé qui ne se reconnaissent pas dans le pouvoir. Ces opposants qui se recouvrent du manteau de l’opposition et qui dans le même temps soutiennent le pouvoir, ne peuvent pas durablement tromper les Burkinabé attachés à l’alternance, à la différenciation d’avec le pouvoir. Même si cette frange de politiques affirme son appartenance à l’opposition, à l’heure des choix et des alliances décisives, ils feront tomber les masques et la plupart de leurs militants éviteront d’être utilisés comme bétail électoral. Déjà, le pays gronde de ces refus qui montrent que, malgré ce qu’on en dit, les Burkinabé déterminent leur engagement partisan de plus en plus en fonction de leurs convictions propres et qu’ils suivent de moins en moins moutonnement les leaders politiques.

Donald Tondé

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