L’objectif de la visite du Commissaire européen Louis Michel, le Lundi 28 décembre, est de prendre langue avec les acteurs politiques togolais (Eyadéma, gouvernement et opposition) et tenter de débloquer la crise politique togolaise qui dure, chacun le sait depuis 40ans pour les uns et douze ans pour l’Union européenne (1993 marquant le début de la rupture de sa coopération avec le Togo).
En effet, l’[agenda officiel du commissaire européen->http://www.europa.eu.int/comm/commission_barroso/michel/agenda/agenda_en.htm],indique une visite de travail de 48 heures au Togo il rencontrera dès lundi les partis d’opposition à la délégation de l’Union européenne à Lomé et il devrait s’entretenir avec Gnassingbé Eyadéma qui se trouve actuellement dan sa région natale de Pya (450km de Lomé). Cette démarche qui surprend les acteurs politiques togolais n’est guère étonnante de la part du nouveau Commissaire européen, qui fut longtemps ministre des affaires étrangères de la Belgique et dont l’action politique est caractérisée par un très grand volontarisme, un engagement personnel et un sens politique aigu. C’est dans la région des Grands Lacs, notamment au Zaïre, Rwanda, Burundi qu’il a donné toute la mesure de son action de diplomate et de politique.
Dans le cas du Togo, on le sait, les données du problème préexistent à son arrivée à la tête de la Commission Développement. Les repères politiques pour une reprise de la coopération avec le Togo ont été fixées (disons reprécisés) le 15 novembre 2004. Pour faire simple, ces repères sont essentiellement d’ordre politique. C’est la question de la démocratie, donc du libre choix par les Togolais de leurs représentants, qui est au cœur du problème togolais. Car il n’ y a pas de démocratie véritable sans alternance politique et sans un consensus minimum au sein de la classe politique. D’une certaine manière, l’Union européenne en insistant sur le dialogue politique entre gouvernement et opposition en vue d’aboutir à un cadre électoral donne implicitement une leçon de démocratie aux Togolais, singulièrement au pouvoir RPT, car il s’agit d’instaurer une stabilité politique et un ordre constitutionnel pérenne.
Au delà donc du problème électoral, ce qui est en jeu, c’est la détermination commune de règles de jeu partagées par les acteurs politiques, ainsi que la fixation de code de bonne conduite politique. Car, on voit mal comment une société politique peut se passer d’un minimum de consensus institutionnel. Or, depuis le 14 avril 2004, date des engagements, Eyadéma et son gouvernement n’ont pris sur le plan politique, aucune initiative pour décrisper le climat politique et générer un climat de confiance, voire entamer un dialogue avec l’opposition. C’est plutôt avec une mentalité d’assiégés que Koffi Sama, le RPT et ses satellites (CPP et PDR) ont entamé des concertations avec l’opposition. En outre, pas une seule des propositions des partis de l’opposition traditionnelle n’a été prise en compte par le parti au pouvoir. Nous sommes bien loin du consensus politique et de la volonté d’aboutir à une résolution de la crise politique.
Dans cette perspective, l’opposition traditionnelle n’est pas à blâmer, car elle a constamment manifesté sa disponibilité à dialoguer et toujours fait des propositions auxquelles le parti au pouvoir n’a accordé aucune attention. Ces propositions ont été récemment synthétisées en onze points et méritaient attention. Du reste, du côté de la Commission européenne, on estime que ce document est un bon document de travail et s’inscrit dans une démarche constructive.
La seule stratégie mise en œuvre par Eyadéma depuis le 14 avril dernier est celle du contournement et de l’évitement du dialogue avec l’opposition. Pourtant, les engagements pris par le gouvernement togolais comportaient des délais. La préoccupation du gouvernement togolais fut d’ordre externe : convaincre l’Union européenne et non dialoguer avec l’opposition dans un cadre structuré et transparent. Et, dans cette optique le gouvernement togolais et ses alliés, notamment Edem Kodjo et Zarifou Ayéva feront constamment le siège de la Commission européenne et plus récemment celui du nouveau commissaire européen.
Ainsi, nous vous informions que le 2 décembre 2004, Faure Gnassingbé et Koffi Sama furent reçus par le Commissaire Louis Michel pour le convaincre d’infléchir la position de la Commission et amener le Commissaire à permettre la notification du 9ème FED. Au cours de l’entretien, le Commissaire européen a rappelé au gouvernement togolais la nécessité de respecter les décisions de l’Union européenne, donc de mener un véritable dialogue avec l’opposition pour aboutir à un cadre électoral consensuel avant la fin de l’année, sinon le Togo perdrait le bénéfice d’une partie des fonds qui lui sont alloués au titre du 9ème FED. Cette même semaine, Edem Kodjo et Zarifou Ayéva solliciteront une audience auprès du commissaire européen qui refusera de les recevoir. En fin de semaine suivante, Gnassingbé Eyadéma lui-même s’impliquera dans le dossier en ayant une conversation téléphonique avec le Commissaire européen. Il tentera de persuader Louis Michel que l’opposition togolaise est particulière et qu’il est difficile de dialoguer avec elle. En conséquence, la condition posée par l’Union européenne : parvenir au terme d’un dialogue politique à un cadre électoral consensuel aboutira à une prise en otage du Togo par trois partis.
Le commissaire aurait rappelé à son interlocuteur la nécessité pour le gouvernement togolais de respecter la décision de l’UE et ses propres engagements. C’est ainsi qu’après toutes ses vaines tentatives pour forcer la main de l’Union Européenne, Koffi Sama se décidera à convoquer le 15 décembre dernier, soit 15 jours avant la date fatidique fixée par l’Union européenne, une réunion avec l’opposition traditionnelle pour discuter cette fois, du cadre électoral. Pour l’anecdote, rappelons que Edem kodjo, Zarifou Ayeva, Drama Dramani, Secrétaire général du RPT, Natchaba Ouattara n’ont pas participé à cette réunion que l’on pensait déterminante. Ils se trouvaient en France et en Belgique pour actionner les réseaux et faire un intense lobbying dont le fruit est cette visite de Louis Michel. En acceptant de se rendre à Lomé et de s’impliquer personnellement dans ce dossier, Louis Michel cède à la fois à son tempérament de diplomate et de politique pour être un catalyseur dans ce dossier togolais, mais aussi aux pressions du gouvernement togolais.
Car, après avoir rencontré Koffi Sama à Bruxelles, Louis Michel a adressé au gouvernement togolais une correspondance ferme dans laquelle il réitère la position de l’UE. Le gouvernement togolais réagit à cette correspondance en dépêchant Natchaba à Strasbourg rencontrer Louis Michel et lui remettre une correspondance de Gnassingbé Eyadéma dans laquelle Eyadéma informe Le Commissaire de sa volonté de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser des élections législatives anticipées avant la fin du premier semestre 2005. Pour Eyadéma, il s’agit de montrer sa bonne volonté et disposition à mettre en œuvre ses engagements. Sans compter le report sine die de l’adoption du code électoral par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Une source haut placée indique qu’il se discute dans le sérail RPT l’idée de présenter au commissaire européen Louis Michel durant son séjour togolais « une sorte de package » en forme de cadre électoral reprenant des propositions de l’opposition. Là encore, il s’agit de contourner et d’éviter la franche et transparente discussion.
Espérons toutefois que le Commissaire européen, fort de son expérience et de son entregent pourra jouer un rôle de véritable catalyse pour nouer les fils d’un dialogue nécessaire entre Eyadéma, son gouvernement et la véritable opposition.
La rédaction letogolais.com
Rappel :
1-Passage de la Correspondance adressé par le Président du Conseil européen à Koffi Sama le 16 novembre 2004
À l’attention du Premier ministre, chef du gouvernement de la République togolaise
Monsieur le Premier ministre,
Dans ce contexte, les mesures concrètes suivantes, qui sont conformes aux engagements figurant à l’annexe à cette annexe, sont particulièrement attendues par l’Union Européenne :
la mise en oeuvre du dialogue national dans un cadre structuré et transparent conformément à l’engagement n° 1.1 ;
dans le contexte de ce dialogue, la révision du cadre électoral garantissant un processus transparent et démocratique conformément à l’engagement n° 1.3 ;
la définition d’un cadre juridique organisant le financement des partis politiques conformément à l’engagement n° 1.4 ;
l’organisation des scrutins pour les élections législatives et locales conformément aux engagements n° 1.5 et 1.6 ;
la poursuite du processus de décentralisation selon l’engagement n° 1.7 ;
la poursuite du règlement de la question des prisonniers politiques et leur libération le cas échéant comme stipulée à l’engagement n° 2.2 ;
la révision des mandats et statuts de la Commission nationale des Droits de l’Homme et de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication selon les engagements n° 2.5 et 3.6 ;
la poursuite de la réforme du secteur juridique et judiciaire conformément aux recommandations contenues dans le rapport diagnostic du PNUD. L’Union européenne attache également une grande importance à la poursuite et à la consolidation des activités déjà entreprises dans le cadre des engagements n° 1.2, 1.4, 2.1, 2.3, 2.4, 2.6, 3.2, 3.3, 3.4 et 3.5.
À la suite des consultations, reconnaissant les engagements réalisés à ce stade et vu les importantes activités encore à mettre en oeuvre, il a été décidé d’arrêter les mesures appropriées suivantes au titre de l’article 96, paragraphe 2, point c) de l’accord de Cotonou :
1) la mise en oeuvre des projets financés sur les reliquats des 6e et 7e Fonds européen de développement (FED) et qui ont pour objectif de répondre aux besoins de la population ainsi que ceux qui encouragent le respect des éléments essentiels de l’accord de Cotonou, à savoir le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques et l’Etat de droit, est poursuivie. Aussi, le Programme national d’actions décentralisées pour la gestion de l’environnement ainsi que le Cadre d’Obligations Mutuelles pour les fonds Stabex 1990-1994 seront mis en oeuvre ;
2) une aide aux institutions destinée à permettre la mise en oeuvre des mesures visant à remplir les engagements contractés dans le cadre des consultations peut être fournie sur les reliquats des 6e et 7e FED. A ce titre, la Commission procédera entre autres à l’adoption de la décision de financement du Programme « 4ème recensement général de la population et de l’habitat » ;
3) la notification de l’allocation au titre du 9e FED sera réalisée une fois que le cadre électoral, garantissant un processus électoral transparent et démocratique, et acceptable par toutes les parties, a été établi et que la date pour l’organisation des élections législatives a été fixée. La programmation des ces ressources commencera à ce moment ;
4) suivant la notification du 9e FED, un soutien pour la préparation des élections pourra être fourni sous réserve que soient respectées les conditions fixées au titre du cadre électoral mentionné ci-dessus ;
5) une fois que des élections législatives libres et régulières auront eu lieu, la coopération avec l’Union Européenne reprendra pleinement avec la mise en oeuvre du 9e FED et du Cadre d’Obligations Mutuelles pour les fonds Stabex 1995-1999 ; »
La rédaction letogolais.com
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