A
Monsieur Alain FRACHON
Directeur de la Rédaction LE MONDE
80, boulevard Auguste Blanqui
75707 Paris Cedex 13
Monsieur Le Directeur de la rédaction,
Je prends la liberté de vous faire tenir la présente qui a pour objet de vous dire mon trouble qu’accompagne une vive exaspération après ma lecture d’un éditorial (non signé) en page 2 du quotidien -Le Monde- daté du mercredi 4 Juin 2008. L’éditorial est intitulé : La provocation Mugabe.
L’usage du mot « provocation » me paraît particulièrement outré et en tous points, intempestif.
Ainsi, pour l’éditorialiste du quotidien -Le Monde-, la présence d’un Chef d’État, en exercice, à un sommet international serait illégitime et constituerait une « provocation », parce que quelques manipulateurs en occident croient pouvoir d’une part, [le] bannir de la scène politique internationale ; d’autre part, « faire la leçon » à un Chef d’État africain !
L’éditorialiste dont s’agit, qui feint d’ignorer ou plus prosaïquement méconnaît la réalité et les fondements de l’étranglement infligé au Zimbabwe serait mieux instruit de nourrir sa réflexion de façon rigoureuse et sérieuse avant de proposer aux lecteurs, ce qui ne saurait en l’espèce, être qualifié autrement que de désinformation, de manipulation, et/ou de consternante ignorance.
L’éditorialiste dont s’agit, soutient toute une enfilade d’inepties non sans véhémence et simplismes, dont l’une, causasse, assure que le Président de la République du Zimbabwe Monsieur Robert Mugabe « se serait invité » au sommet sur la sécurité alimentaire organisé par la l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture -FAO- à Rome.
L’éditorialiste ignore vraisemblablement que s’agissant d’un sommet international réunissant des Chefs d’États, la [puissance] invitante étant l’ONU, tous les Chefs d’États du monde en exercice, directement ou indirectement concernés par le thème du sommet, sont des invités. À ce titre, Monsieur Robert Mugabe Président de la République du Zimbabwe démocratiquement réélu (Mars 2002) est ès-qualité, (peu important qu’il ait bénéficié de je ne sais quelle dérogation) un invité de haut rang et comme tel, reçu avec tous les honneurs et le protocole que lui confèrent la qualité et le statut de Chef d’un État souverain et reconnu par la communauté internationale.
Les termes dont il est fait usage dans l’éditorial en page 2 du quotidien -Le Monde- daté du 4 Juin 2008 relèvent de l’excès, de l’irrespect, de l’outrance et de l’approximation en ce qu’ils paraissent formés sur des arguties tendancieuses et spécieuses qui ne résistent à l’analyse.
Le journaliste n’est-il pas tenu par une obligation de pédagogie, de sérieux et d’objectivité ?
L’auteur de l’éditorial méconnaît-il les origines profondes de la crise qui sévit au Zimbabwe depuis le début de l’année 2000 ?
Se peut-il que l’éditorialiste du quotidien -Le Monde- n’ait pas connaissance des -Accords de Lancaster House- ou -Zimbabwe Act- texte pré-constitutionnel portant sur l’avenir de la Rhodésie du Sud, future Zimbabwe, signés le 21 décembre 1979 en Angleterre ?
Une disposition tirée des -Accords de Lancaster House- n’a t-elle pas expressément prévue d’une part, une nécessaire réforme agraire et d’autre part, un indispensable dédommagement des fermiers Noirs expropriés par les anciens colons Anglais ? Le fonds de compensation ne fut cependant jamais abondé en dépit des engagements conventionnels pris par l’ancienne puissance coloniale Anglaise et par les USA. Ces deux pays n’ayant eu cesse d’arguer de balivernes tendant à développer des moyens dilatoires.
Comment l’auteur de l’éditorial ose t-il écrire évoquant le Chef de l’État du Zimbabwe (sic) « …jusqu’à ce que sa politique de confiscation des terres aux fermiers blancs, fasse chuter drastiquement la production et exploser la pauvreté et la faim ? ». Faux ! Archi-faux ! Il y a en l’espèce une présentation biaisée des faits ; il y a manifestement dans ce raccourci l’étalage d’éléments tendant à désinformer et à polluer les esprits. Est-il normal que les anciens colons ou leurs descendants aient conservé toutes les bonnes terres et exploitations agricoles acquises par expropriation sous le régime de l’occupation coloniale? Est-il normal que plusieurs années après l’accession à la souveraineté nationale de l’ancienne Rhodésie du Sud devenue Zimbabwe les fermiers Noirs (très largement plus nombreux que les fermiers Blancs) soient toujours confinés sur des terres ingrates et non productives ?
Les bonnes terres (jadis expropriées aux Noirs) sur lesquelles étaient cultivés du tabac, du maïs, des fleurs et du paprika étaient des « possessions » de quatre mille (4.000) Blancs possédant 15,5 millions d’hectares, dont 45% de terres les plus productives alors que dans le même temps, sept cent mille (700.000) fermiers Noirs étaient comme au temps de la colonisation Anglaise claquemurés sur des terres moins étendues, aux sols morcelés, érodés et parsemés de pierres. Voilà la réalité monsieur l’éditorialiste !
Les arguments qui feraient valoir que la politique de réforme agraire et le mode opératoire engagés par le régime en place appellent des réserves en ce qu’ils ont été conduit de façon politicienne et inappropriée peuvent être analysés ; cependant, il n’en demeure pas moins que la majorité des exploitations agricoles établies sur des terres … expropriées substantiellement fertiles étaient anormalement, inéquitablement et exclusivement aux mains des seuls anciens colons britanniques et/ou de leurs descendants.
L’ancienne puissance coloniale du Zimbabwe ne saurait valablement s’exonérer de son engagement acté dans le document signer à -Lancaster House- le 21 décembre 1979 s’agissant du dédommagement des fermiers Noirs expropriés! Le raccourci qui consiste à qualifier le Président Mugabe de « d’affameur de son peuple » me paraît inconvenant, malséant et grossier dès lors que ce sont précisément les politiques agricoles mises en œuvre en Occident qui appauvrissent et affament les populations du Sud !!!
Les distorsions dans les échanges économiques qui consistent à inonder les marchés des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine de produits agricoles ou avicoles subventionnés et de mauvaise qualité sont [elles] singulièrement affameuses des populations du Sud.
L’Angleterre n’a eu de cesse de marginaliser le Président du Zimbabwe de la scène politique internationale depuis la mise en œuvre de la réforme agraire aux dépens des anciens colons (4.000) exploitants agricoles blancs d’origine Anglaise ; l’Angleterre déploya des efforts de persuasion auprès de tous les pays membres de l’Union Européenne ainsi qu’auprès de ceux membres du Commonwealth aux fins d’obtenir l’isolation internationale totale du Zimbabwe. Les alliés traditionnels de l’Angleterre avec à leur tête les USA, l’Australie et accessoirement l’Allemagne (sous Madame Agela Merkel) [lui] emboîtèrent le pas.
Ainsi donc, depuis l’expropriation de [ses] fermiers blancs l’Angleterre n’a eu de cesse de diaboliser, de marginaliser, d’obscurcir et de gauchir le Président du Zimbabwe.
L’Angleterre n’a-t-elle pas activement et significativement contribué à l’étouffement ainsi qu’à l’essoufflement économique du Zimbabwe, déstabilisant et fragilisant tous les fondamentaux de l’économie du Zimbabwe et acculant dès lors, l’autorité politique au repli défensif ?
L’Angleterre n’a-t-elle pas financé à grands moyens des actions de lobbying partout en Occident au détriment du Président du Zimbabwe et de facto de la population du Zimbabwe ? Les raccourcis et les simplismes n’ont pas leur place dans cette affaire.
La République d’Afrique du Sud a-t-elle à ce jour mis en œuvre une indispensable réforme agraire chez elle ? Eh bien non, tant et tant il en résultera de grandes frustrations aux dépens des fermiers Sud-africains blancs, que prestement l’Occident qualifiera l’initiateur de cette réforme de « dictateur », « d’autocrate » et autres foutaises du même acabit promptement servies par les donneurs de leçons occidentaux!
Le Zimbabwe qui conquit son indépendance en 1980 de haute lutte et dans le sang n’est-il pas un avatar Sud-africain au plan de la mentalité des ex-colons blancs locaux ?
De tout ce qui précède, il me paraît en l’état, réducteur et particulièrement mal fondé de vouer le Président Robert Mugabe aux gémonies ! À mon avis, l’éditorialiste auteur du [papier] dont s’agit, ne fut guère bien inspiré en son éditorial tant [son papier] m’a paru outrancier, sans nuance et dépourvu d’équilibre !
Je tenais tout particulièrement à vous faire tenir les observations que ci-avant exposées.
Vous souhaitant bonne réception de la présente, Croyez, Monsieur le Directeur de la Rédaction, à l’assurance de ma meilleure considération.
Paris, le 04 Juin 2008
Armand ADOTEVI
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