25/04/2024

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Restituer aux citoyens africains les sommes détournées

Entre 100 et 180 milliards de dollars : ce serait la somme détourné par certains chefs d’États africains ces dernières décennies. S’il fallait aussi tenir compte des détournements opérés par leurs proches, les chiffres dépasseraient 1 000 milliards selon certaines estimations.

Alors que plusieurs pays du Sud sont les premiers touchés par la crise financière internationale actuelle et le théâtre des émeutes de la faim qui s’amplifient, la question de la restitution se pose avec une nouvelle acuité.

Comme le rappelle le site d’actualités malien « MaliJet », cet argent public détourné est investi bien loin des pays d’origine, y compris dans les paradis fiscaux.

Le phénomène n’est pas nouveau. En Suisse, les affaires se sont succédées, défrayant la chronique : fonds Montesinos (Pérou), Marcos (Philippines), Mobutu (ex-Zaïre), Abacha (Nigeria), etc. Plus récemment, Hussein (Irak), Salinas (Mexique) ou Duvalier (Haïti).

Comme le rappelle le quotidien ivoirien « L’Inter », la disproportion entre les sommes recherchées et les sommes rendues est édifiante. Ainsi, sur les quatre à cinq milliards de dollars de la fortune attribuée à Mobutu, seuls trois millions ont effectivement été restitués au nouveau gouvernement de Kinshasa, au terme d’une longue procédure.

Pour le Mali, la Suisse a certes rendu 2,4 millions de dollars du dirigeant Moussa Traoré (chassé du pouvoir en 1991), mais cela représente bien peu, sa fortune étant estimée à un ou deux milliards, provenant en partie de centaines de kilos d’or enfouis dans des caisses métalliques et expédiées en Suisse.

Sur les trois milliards de dollars de Charles Taylor (Liberia, 1989-1996), amassés sur la vente, entre autres, de diamants du sang, de trafic d’armes et de bois tropicaux, seuls 2,1 millions ont été bloqués en Suisse.

Là aussi, des experts s’interrogent : selon le journal « Jeune Afrique », on sait pourtant qu’en 2002, 25% des fonds en provenance d’Afrique et déposés dans les banques suisses étaient libériens. Monrovia y disposait ainsi de 3,8 milliards de dollars (placements faits par le gouvernement et fonds détournés). Une somme supérieure à celle placée par l’Afrique du Sud (2,4 milliards de dollars) ou le Nigeria (900 millions de dollars), selon les estimations de la Banque nationale suisse.

Les autres cas de ce type sont malheureusement très nombreux et les procédures sont bien longues et n’aboutissent que partiellement ou pas du tout.

En portant plainte en mars 2007 pour « recel de détournement d’argent public » contre plusieurs chefs d’Etat africains et leurs familles, qui auraient acquis en France des biens immobiliers grâce à des détournements d’argent public dans leur pays, les associations Survie, Sherpa (dont le fondateur est l’avocat William Bourdon) et la Fédération des Congolais de la Diaspora entendent dénoncer « un scandale qui n’a que trop duré ». Leur action s’inscrit dans un vaste mouvement international de plaidoyer impulsé notamment par des ONG et des juristes, pour la saisie et la restitution de ces biens et avoirs mal-acquis.

Le 23 novembre 2007, la plainte était classée sans suite, « en raison notamment du fait que les infractions dénoncées ne seraient pas suffisamment caractérisées »…

Mais en juillet dernier, trois Gabonais et Congolais épaulés par l’association Transparacy International ont à nouveau déposé plainte à Paris pour le même motif, espérant cette fois forcer les portes de la justice française. Car la première plainte classée sans suite n’aura pas été vaine. En trois mois, les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière avaient réalisé un impressionnant recensement. Quinze membres de la famille Bongo détiennent 70 comptes bancaires en France. Omar, le patriarche, possède onze adresses à Paris, dont un hôtel particulier acquis l’an dernier 19 millions d’euros, et cinq à Nice.

Chez les Nguesso, seize membres de la famille détiennent 111 comptes bancaires dans l’Hexagone. Chez les Obiang, Teodoro, fils du président guinéen, préfère les Etats-Unis (une villa de 35 millions de dollars à Malibu, un jet à 34 millions, un yacht comprenant un aquarium à requins…), mais dispose d’une Maserati à 709 000 euros pour ses déplacements parisiens.

Mais en dépit de cette avalanche de luxe, rien ne démontre, selon le parquet, que ce patrimoine proviendrait d’un pillage de fonds publics. Comme l’écrivait le journal Libération cet été, « Encore aurait-il fallu faire l’effort de creuser l’hypothèse »…

Tracfin, l’organisme antiblanchiment de Bercy, avait écrit au parquet à propos des dirigeants guinéens : « Les flux sont susceptibles de traduire le blanchiment d’un détournement de fonds publics ». Quand à la famille Bongo, selon le Sénat américain, elle bénéficierait directement de 8,5 % du budget gabonais (110 millions de dollars par an), mais sans que cette « allocation présidentielle » ne figure dans les comptes de l’Etat.

Nicolas Sarkozy a souvent fustigé la « Françafrique » durant sa campagne présidentielle. Aujourd’hui, les pressions sont pourtant constantes pour que les procédures rappelées ci-dessus soient abandonnées et pour empêcher la restitution des fonds détournés aux citoyens africains. L’an dernier, afin de soutenir ce type d’actions en justice, le groupe socialiste avait soutenu lors de l’examen du projet de loi contre la corruption un amendement (du rapporteur) pour que des associations puissent se constituer partie civile. Celui-ci ne fut pas adopté par la majorité UMP…
L’actuel président de la République est un proche d’industriels tels Martin Bouygues ou Vincent Bolloré qui ont des intérêts considérables en Afrique.

Enfin, faut-il rappeler qu’Omar Bongo fut le premier chef d’État étranger reçu par Nicolas Sarkozy et qu’il reçu également Denis Sassou Nguesso qui déclara à la sorti de l’Élysée : « Tous les dirigeants du monde ont des châteaux et des palais, qu’ils soient du Golfe, d’Europe ou d’Afrique » ? …

Par Jean Louis Bianco