14/10/2024

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Sauvons le Togo : le « yaka fokon » d’Emmanuel GU-KONU de la CDPA-BT

On a toujours plus de chance de gagner le combat pour la démocratie quand on est nombreux, quand on est ensemble et surtout quand on est bien organisé sur des principes et des règles de fonctionnement clairement établis et en conformité avec ce que veut le peuple. Ce ne sont pas là des idées nouvelles pour nous autres à la CDPA-BT.

Un nouveau collectif existe donc depuis un peu plus d’un mois à Lomé. C’est le “Collectif sauvons le Togo” (CST). Et il est à pied d’œuvre. On a vu ce qui s’est passé ce 27 avril 2012 à la place de l’Indépendance.

Les organisations membres du CST sont nombreuses, très nombreuses. C’est une première. Aucune des coalitions ou collectifs antérieurs n’a jamais réuni autant de membres. Le CST comprend 9 organisations de la “société civile”, qui sont presque toutes des organisations de défense des Droits de l’Homme, et 8 partis politiques. On sait que les organisations de défense des Droits de l’Homme se sont récemment multipliées, et sont très actives ces temps-ci. De toute évidence, elles entendent prendre désormais les choses en main. La CDPA-BT s’en réjouit.

Depuis 2002, les organisations associatives ont toujours été très sévères vis-à-vis des partis politiques sans distinction, leur reprochant d’être incapables de réaliser le changement. Certaines d’entre elles avaient même, avec virulence, exigé des partis politiques de rendre le tablier et de “demander pardon au peuple !”. Signalons que les plus virulents des responsables de ces associations vivent aujourd’hui à l’étranger, et ne se font plus entendre. Comme si leur exil avait résolu le problème politique togolais, ou comme si, une fois installés dans leur pays d’accueil, ils n’ont plus rien à voir avec la question de la démocratie au Togo. Ce type de comportement n’est pas isolé.

À la tête du CST se trouve un responsable d’organisation associative en la personne de M. Adjavon Zeus. Les partis politiques membres du collectif ont visiblement accepté de se mettre en retrait, (ou de mettre les associations de défense des Droits de l’Homme devant ?). Soulignons que M. Adjavon Zeus avait été un membre fort actif de deux partis politiques dans le bon vieux temps des grandes illusions : d’abord, l’UTD “de M. Kodjo Edem”, comme on dit dans le microcosme ; ensuite la CPP née de la fusion de l’UTD et de quelques autres partis (le PDU, le PAD, l’UDS….), avec à sa tête le même Kodjo Edem. Puis, M. Adjavon a claqué la porte de la CPP pour aller chercher du côté des organisations de la “société civile”… Il n’empêche : Que le premier responsable d’une organisation associative prenne la tête d’un collectif comptant des partis politiques est également une première. Par principe, la CDPA-BT n’y voit aucun mal.

Selon son président, le CST se propose de se battre pour “sauver le Togo” par des élections libres, équitables et transparentes. L’objectif n’est pas nouveau. Depuis 2002 au moins, les partis du courant dominant de l’opposition ont toujours proclamé, à la veille de chaque élection, se battre pour des élections libres, équitables et transparentes. Une seule nouveauté aujourd’hui : le discours est repris désormais par un collectif de 17 associations et partis politiques, sous la bannière d’un membre de la “société civile”. C’est remarquable. On souhaite seulement que la pratique politique du CST ne soit pas une simple réédition de ce que les partis du courant dominant de l’opposition ont fait pendant plus de vingt ans, sans jamais avoir réussi à rendre les élections libres, équitables et transparentes dans le pays.

Mais à la CDPA-BT, on est plus particulièrement attentif aux propos tenus par M. Jean-Pierre Fabre à l’issue de la conférence de presse où le CST a annoncé sa création : “Nous avons compris depuis longtemps [depuis quand ?] qu’il faut un mouvement fort pour éviter de contourner les problèmes qui se posent à notre pays depuis longtemps, et qu’il faut créer ce mouvement pour affronter toutes les difficultés que nous rencontrons depuis plus de 20 ans maintenant”… Et il continue : “…nous acceptons de participer aux élections dans n’importe quelles conditions”… Jean-Pierre Fabre relève, (comme s’il venait de le découvrir), que les tripatouillages de la constitution ont verrouillé “le dispositif des élections et reproduisent à l’infinie les victoires électorales frauduleuses du RPT” ; et il s’indigne : “nous avons accepté d’aller aux élections dans ces conditions-là… Nous participons aux élections dans n’importe quelle condition…”. Effectivement, les dirigeants des partis du courant dominant de l’opposition, dont ceux de l’UFC, se sont toujours rendus “aux élections dans ces conditions-là” ; ils ont toujours participé “aux élections dans n’importe quelle condition…”

A un journaliste qui lui demande si le CST a le temps de préparer les législatives en vue, Jean-Pierre Fabre lui rétorque : “Vous croyez qu’on va aux élections parce qu’il est temps d’aller aux élections, et que même si les conditions ne sont pas réunies, on s’empresse de participer à des élections parce que les échéances constitutionnelles appellent à des élections ?…” Un autre journaliste qui lui demande : “Vous avez répété le même refrain que vous n’irez pas aux élections lorsque les conditions ne sont pas réunies, on vous avait vu pourtant participer à l’élection de 2010”, Jean-Pierre Fabre répond, un peu gêné : “Est-ce que je peux vous faire comprendre qu’en 2010 je n’étais président d’aucun parti. Au moment où j’ai été désigné par mon parti pour être candidat, je n’étais pas le n° 1 de mon parti…”

Ces propos de l’ancien Secrétaire général de l’UFC et membre du CST en tant que Président cette fois-ci de l’ANC appellent des rappels utiles. Depuis 1992 au moins, la CDPA-BT n’a pas en effet cessé de proclamer :

1- Qu’il est totalement contre-productif que les partis d’opposition se mettent en compétition entre eux pour le pouvoir, pendant que le régime est encore là, avec tous ses attributs ;

2- Que la thèse de M. Agboyibo selon laquelle les partis d’opposition doivent “compétir” entre eux pour la conquête du pouvoir, est totalement fausse au regard de l’objectif de la démocratisation ;

3- Que le temps de la compétition entre partis d’opposition pour la conquête du pouvoir n’est pas encore arrivé ; car, face au régime despotique, la compétition entre partis d’opposition entraîne fatalement la division de l’opposition, et par conséquent son affaiblissement.

4- Que les partis d’opposition ne devraient commencer à se battre entre eux pour le pouvoir, qu’une fois qu’ils auront réalisé ensemble le changement. La compétition pour la conquête du pouvoir d’Etat pourrait alors se dérouler dans un contexte politique démocratique sans lequel le rapport des forces ne sera jamais en faveur de l’opposition démocratique, et sans lequel les élections ne seront jamais libres transparentes et équitables, autrement dit démocratiques.

5- Que, pour pouvoir réaliser ce changement politique indispensable, les partis d’opposition devraient au contraire accepter de se constituer, face au régime, en une alliance solide et durable sur la base d’une plate-forme politique d’opposition sans ambiguïtés ni calculs hégémoniques sordides.

6- Qu’une telle alliance, pour être forte, doit se fixer, comme tâche prioritaire, l’organisation de la masse de tous les opposants et de la population tout entière, en vue de faire émerger d’elle une force politique capable d’exercer les pressions nécessaires pour forcer le changement démocratique.

Dès 2002, la CDPA-BT avait proposé pour cette force le nom de la “Force Alternative d’Opposition (FAO)”. Puis, à partir de 2004, elle a proposé de concrétiser l’idée sous la forme d’un vaste mouvement national, le Mouvement de la Force Alternative d’Opposition (MFAO). Un Mouvement fort, qui tirerait sa force de la force organisée de la masse de la population ; un Mouvement que tous ceux qui veulent vraiment le changement (partis d’opposition, syndicats, organisations associatives, organisations religieuses, individus…) se mettraient ensemble pour construire. Notre parti a toujours soutenu, en effet, l’idée suivant laquelle la conquête de la démocratie ne peut pas être une affaire individuelle, ni l’affaire d’un seul parti ou d’une personnalité charismatique seule ; mais qu’elle est une tâche collective.

Le Bureau Exécutif National de la CDPA-BT n’a pas tenu ces idées secrètes. Elle les a toujours exposées publiquement. Elle a plus d’une fois sollicité les autres partis et associations de la mouvance de l’opposition à en débattre pour les enrichir. Plus d’une fois elle a organisé des campagnes pour informer l’opinion et tenter de convaincre, aussi bien à l’intérieur et que dans la diaspora togolaise. Le courant dominant de l’opposition a toujours réagi avec mépris, les uns estimant que l’idée est utopique, les autres que sa réalisation prendrait trop de temps. Et les partis de ce courant, constamment préoccupés par les échéances électorales, ont continué, chacun, à donner la préférence à la compétition entre partis d’opposition pour la conquête solitaire du pouvoir d’Etat.

La mort dans l’âme, la CDPA-BT s’est sentie obligée d’avancer seule, d’affiner l’idée de la nécessité d’un mouvement fort, d’envergure nationale, de définir les contours du mouvement et les modalités de sa construction. Elle a commencé à susciter la création d’associations MFAO. Avec les premières associations créées, elle a organisé le 16 mai 2009, une Assemblée constitutive du Mouvement Elle a fait tout cela, ni pour se donner la paternité de la proposition, ni dans un esprit de compétition entre partis d’opposition, mais pour montrer que l’idée n’est pas aussi stupide qu’on le croit, et qu’en réalité sa réalisation constitue un préalable aux dialogues et à la participation aux élections dans des conditions où les tripatouillages de toutes sortes “verrouillent le dispositif des élections et reproduisent à l’infinie les victoires électorales frauduleuses du RPT”, pour reprendre les propos de Jean-Pierre Fabre et tous ceux qui lui emboîtent le pas depuis.

On comprend pourquoi nous sommes heureux à la CDPA-BT d’entendre Jean-Pierre Fabre dire aujourd’hui aux journalistes qu’il a compris “maintenant qu’il faut un mouvement fort…” pour résoudre le problème politique togolais, de souligner la nécessité “d’accompagner le peuple dans ce mouvement…” et d’exhorter à la création de ce mouvement…

Il faut que notre processus de démocratisation ait de la mémoire. A la CDPA-BT, nous ne sommes jamais mécontents de voir des hommes aller faire leurs courses dans notre jardin. Au contraire. Nous en avons l’habitude depuis 1991. Et l’expérience nous a appris depuis longtemps qu’on n’a jamais tort d’avoir raison trop tôt ; qu’il suffit de savoir attendre, avec la dose de patience et de courage politique qu’il faut. Dans tous les cas, l’essentiel, c’est que la moisson serve à la cause commune.

La CDPA-BT n’a pas été invitée à prendre part aux discutions ayant conduit à la création du CST. Peu importe. Elle se réjouit d’entendre les organisateurs proclamer qu’ils ont compris (depuis longtemps ?!) la nécessité d’un mouvement fort, et appellent à sa création. Mais le discours musclé ne suffit pas. Plus important est la justesse de l’objectif et la cohérence des actions à mener pour l’atteindre.

On a toujours plus de chance de gagner le combat pour la démocratie quand on est nombreux, quand on est ensemble et surtout quand on est bien organisé sur des principes et des règles de fonctionnement clairement établis et en conformité avec ce que veut le peuple. Ce ne sont pas là des idées nouvelles pour nous autres à la CDPA-BT. Dans tous les cas, la situation politique togolaise est particulière. Elle ne ressemble ni à celle de la France, ni à celle des USA ou de la Tunisie ou même du Sénégal… On ne peut pas mener la lutte pour la démocratie au Togo comme si on était au Sénégal ou en Tunisie.

Fait à Lomé le 18 mai 2012
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire.
E. GU-KONU