18/04/2024

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Togo: Adebayor revient sur ses démêlées avec la FTF

Propos recueillis par Tata Hounkanli à Londres

Il y a quelques semaines, vous et deux de vos coéquipiers aviez été exclus de l’équipe nationale. Comment avez-vous accueilli cette décision ?

Adebayor Sheyi: Je l’ai accueillie sportivement. C’est difficile mais je fais avec. Quand vous êtes professionnel d’un métier et que votre employeur prend la décision de vous renvoyer pour une raison ou une autre, c est toujours difficile à digérer. Pour moi c’est encore plus difficile d’autant plus que je n’ai rien fait de mauvais. Je suis le capitaine de l’équipe et c’est en tant que tel que mes camarades m’ont chargé d’aller discuter avec la Fédération sur le reste de nos primes du mondial que la fédération n’a pas encore payé. C’était un devoir et une responsabilité à assumer. Je l’ai fait et certains dirigeants de la FTF ont décidé de me sanctionner. Seuls les auteurs de cette décision connaîtront le vrai motif qui la sous-tend.

A Vous écouter on a l’impression que vous êtes totalement innocent. Mais des officiels de la FTF disent ne pas vous reprocher le fait de vouloir discuter des questions de primes, mais ils estiment que vous leur avez manqué de respect et que c’est sur cette base que la décision de votre expulsion de l’équipe nationale a été prise.

Effectivement, certains dirigeants de la FTF clament sur tous les toits que je leur ai manqué de respect. C’est absolument faux ! Vous savez, lorsqu’on veut abattre son chien, on l’accuse de rage. L’éducation que j’ai reçue de mes parents ne me permet pas de manquer de respect à qui que ce soit, encore moins à des aînés. C’est une histoire inventée de toutes pièces dont le but inavoué est de se donner bonne conscience.

Le président de la FTF a donné, sans convaincre personne, deux raisons pour lesquelles j’ai été exclu de l’équipe nationale lors d’une émission télévisée. Je les résume rapidement et j’apporte des clarifications pour édifier le public togolais.

Il estime que je l’ai appelé au téléphone pour parler des primes de joueurs cadets. C’est mon premier crime. Le second, c’est que je suis sorti des vestiaires au moment où il donnait “des conseils” aux joueurs cadets pendant la mi-temps du match contre le Gabon. Pensez-vous que ce sont des raisons sérieuses pour exclure des cadres d’une équipe nationale de football ? N’y a t-il pas mauvaise foi et hypocrisie quelque part ?

Quelles sont alors vos explications ?

Adebayor Sheyi: Concernant la première accusation, oui j’ai appelé le président. Lorsque je suis arrivé à Lomé, les joueurs cadets avaient des problèmes avec la FTF. Ils étaient venus se plaindre à moi en tant que capitaine de l’équipe senior. Je crois qu’il est de bon ton que j’appelle le président pour savoir ce qui se passe. C’est ce que j’ai fait. Peut- être que le président aurait aimé que je vienne remplir une fiche d’audience et l’attendre dans une salle d’attente. A aucun moment, au cours de notre conversation le président ne m’a jamais dit que je lui ai mal parlé. Doit-on exclure un capitaine d’une équipe nationale pour la simple raison qu’il a appelé le président de la fédération de football pour savoir ce qui se passe avec des joueurs de l’équipe cadet ?

Par rapport à la seconde accusation, je vous explique ce qui s’est passé. Lors de la mi-temps du match contre le Gabon, on m’a demandé de venir dans les vestiaires pour motiver un peu les jeunes frères. J’arrive, je vois le président flanqué d’une armada de collaborateurs qui envahissent les vestiaires. Ecouter, les enfants sont déjà fatigués, avait on encore besoin de tout ce monde pour les étouffer ? Ce qui est pire, et m’avait fait quitter les vestiaires, ce sont les mots durs et le ton vindicatif avec lequel le président parlait aux jeunes frères. C’était insupportable. Jamais dans ma carrière de joueur professionnel je n’ai écouté de tels propos injurieux et méprisants à l’endroit de joueurs lors d’une mi-temps. Normalement à la mi-temps c’est le coach qui donne des directives et re-ajuste l’équipe. Il vous dit ce qu il a observé lors de la première mi-temps et vous donne des consignes techniques. Je me demandais ce que le président avait à dire aux jeunes frères lors de la mi-temps dans les vestiaires. Ce n’était tout simplement pas sa place. Peut être qu’il a une formation de coach aussi, je ne sais pas. Alors, quand j ai écouté ses propos choquants à l’endroit des jeunes frères, je ne savais plus ce que je pouvais dire pour les motiver. Je suis sorti en fermant normalement la porte sans faire de bruit.

Admettons même, que j’eusse claqué la porte en sortant, pensez-vous que c’est une raison suffisante pour m’exclure de la FTF ? Je vous dis encore qu’il y a de l’hypocrisie dans cette affaire.

Si je comprends bien, l’incident dont a fait allusion le président de la FTF où il estime que vous lui avez manqué de respect, n’a rien à avoir avec la question des primes du mondial ?

Adebayor Sheyi: Pas du tout. C’était une discussion avec les Cadets où il leur parlait très mal et moi je suis parti de la salle, et tenez vous bien, sans dire un mot. C’est pour cela que je suis déconcerté et un peu perdu dans tout ce méli- mélo.

Si c’est le cas, pourquoi avoir sanctionné Koubadja Kader et Nibombe Daré avec vous ?

Adebayor Sheyi: Seuls les dirigeants de la FTF qui ont pris la décision peuvent vous répondre.

Alors et la réunion que vous aviez eue avec la FTF en présence des représentants de la FIFA et de la CAF ?

Adebayor Sheyi: Ca me dérange un peu de parler des détails d’une réunion que nous avions eue avec la FTF. Car il y a une règle d’or qui gouverne notre métier, c’est que tout ce qui est dit dans les vestiaires reste dans les vestiaires. J’assimile ce type de réunion aux discussions de vestiaire, mais du moment où les premiers responsables du football font un déballage public pour nous salir, je pense que je dois déroger à cette règle.

A la veille de la rencontre contre la Sierra- Leone, pendant que nous étions dans nos chambres à l’hôtel Sarakawa, nous avons reçu un message disant que le président de la FTF veut nous rencontrer. Ceci après plusieurs tentatives infructueuses de notre part d’avoir une réunion sérieuse avec la FTF sur les questions de primes du mondial en vue d’un règlement du problème une fois pour toutes.

Nous rentrâmes dans la sale de réunion, ou à notre grande surprise il y avait les généraux Mémène, Gnofame, un représentant de la Fifa, un représentant de la CAF etc. Le général Mémène prend la parole et me demande ce qui se passe. J‘ai répondu que nous voulons que le problème des primes du mondial soit définitivement réglé comme cela nous été promis en Allemagne. Le président de la FTF voulait prendre la parole, mais le général Gnofame l’en empêche dit : “C est moi qui parle. Vous jouez ou vous ne jouez pas ?”

Il s’est subitement levé avec sa canne et m’a longuement fixé dans les yeux à telle enseigne que j’ai eu peur à un moment donné qu’il allait me frapper avec sa canne. Il déclara alors au président de la FTF “ Trouves moi une équipe B. Vous, je vous laisse jusqu’à minuit pour libérer les chambres que vous occupez”. Sur ce fait on est sorti de la salle.

Je vous assure qu’en allant à cette réunion nous étions ouverts à toute proposition pour le bien de notre football. Nous avions abordé cette réunion avec un esprit d’ouverture, et de compromis. Nous savons que le reliquat de la prime de participation versé par la FIFA n’est pas la totalité de ce que la FTF espérait. C’est déjà une base pour qu’on renégocie les 30 millions restants. Mais à notre esprit d’ouverture et de compromis, on nous a opposé la menace et la force brute.

Vous n’avez placé aucun mot durant cette réunion ?

Adebayor Sheyi: Non. Pas un seul mot.

Pourtant vous aviez joué contre la Sierra-Leone ?

Adebayor Sheyi: Après ce cirque du général Gnofame, les amis m’ont demandé la conduite à tenir. Je leur ai simplement répondu que la nuit porte conseil. Nous sommes retournés dans nos chambres et le lendemain on s’est retrouvé. Quand nous avions pensé à nos fans, au public togolais, et à la joie des Togolais de nous voir jouer, unanimement nous avions décidé de jouer et de gagner pour ce public qui nous aime tant et que nous adorons aussi. Ce qui fut fait.

Le soir on rentre à l’hôtel, alors même que nous n’avions pas encore fini de savourer notre victoire, on nous tend une enveloppe. Moi, je croyais que c’est la prime du match contre la Sierra- Leone. A ma grande surprise, c’est plutôt une lettre d’exclusion de l’équipe nationale que je vois. L’émotion était très grande.

Et la déclaration qu’on vous attribue faisant état du fait que vous auriez dit au président de la FTF que vous lui donnez six mois pour déguerpir de la tête de la FTF ?

Adebayor Sheyi: Ce sont des affabulations et des histoires montées de toutes pièces. Je ne suis pas faiseur de roi à la FTF. La FTF a ses règles propres et ce n’est pas moi qui fais ou défais les présidents. Vous comprenez que je ne puisse pas tenir ces genres de propos qu’on m’attribue à tort.

Pensez vous- que le président de la FTF a subi des pressions ?

Adebayor Sheyi: Tout porte à le croire.

De la part de qui ?

Adebayor Sheyi: Je n’en sais rien, mais si au cours d’une réunion entre joueurs et FTF quelqu’un qui n’est même pas membre de la Fédération, fût- il président du Comité National Olympique, intime l’ordre au président de la fédération de se taire et c’est cette personne qui donne injonction au président de lui trouver une équipe B, et déclare aux joueurs de libérer leur chambre d’hôtel avant minuit sans que le président de la FTF ne place un seul mot, on est en droit de s’interroger sur les pôles de décisions à la FTF.

80 millions par rapport au travail que vous aviez fourni au mondial, n’est-ce pas trop demander ?

Adebayor Sheyi: Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Ceux qui tiennent ce discours aujourd’hui sont ceux-là même qui nous soutenaient il y a quelques mois en Allemagne Je ne citerai pas de noms. Mais posez la question à certains membres de l’équipe actuelle de la FTF. Lors des négociations en Allemagne, nous étions d’accord sur le montant et comment le reliquat des primes devait être réglé. La promesse fut faite que quand la FIFA payera le reste des primes de participation au mondial, le problème des 30 millions sera réglé. Notre position aujourd’hui, n’est pas les 30 millions ou rien. Nous avons évolué. C’est pourquoi je vous disais tantôt que nous avions abordé la réunion avec un esprit d’ouverture et de compromis. Nous sommes prêts à faire des concessions. Mais il faut qu’on discute. Je crois qui y a un réel problème de communication avec la FTF.

Nibombe Daré a appelé à la médiation de Faure pour régler le problème. Soutenez- vous cette initiative ?

Adebayor Sheyi: Vous faites bien de préciser la source de cette déclaration. Encore une fois, et toujours a tort, on m’a attribué la paternité de cette déclaration et cela suscite des commentaires de tout genre. Tout compte fait, il y a un problème à régler.

Toute initiative qui irait dans le sens du règlement définitif de la crise, quel que soit son instigateur, sera toujours la bienvenue, pour le bien de notre sport et pour la joie du public Togolais.

Parlant d’initiative, la FTF veut que vous présentiez des excuses pour être re-admis au sein de l’équipe. Etes vous prêts à le faire ?

Adebayor Sheyi: Ceux qui me connaissent savent comment je cultive le respect d’autrui et l’humilité. Tout homme est faillible. Et lorsque vous avez failli, il faut faire acte de contrition. Je n’hésite jamais à reconnaître mes torts et à faire amende honorable si nécessaire.

Dans le cas d’espèce, je ne sais pas ce que j’ai fait de mauvais. Je ne vois pas ma faute. Si on me l’explique et que dans mon âme et conscience je reconnais avoir offensé qui que ce soit, je présenterai des excuses. Je ne suis pas imbu de ma personne et tous mes proches peuvent témoigner de mon humilité. Mais pour l’instant on en est loin.

Je peux vous rappeler votre offense qui est le fait d’avoir manqué de respect au président de la FTF.

Je vous redis que c’est absolument faux. C’est un tissu de mensonges. Je ne reconnais pas avoir posé de tels actes. Je suis trop poli pour faire ces genres de choses.

Quels sont vos rapports actuels avec la FTF ?

Adebayor Sheyi: Depuis mon retour à Londres, il n’y pas eu de communication entre la FTF et moi.

A quelles conditions regagneriez vous l’équipe nationale ?

Adebayor Sheyi: Je n’ai pas de condition à poser, puisque ce n’est pas moi qui ai quitté l’équipe. J’ en ai été injustement exclu avec mes collègues pour des fautes imaginaires que nous n’avions pas commises.

Que dites vos co-équipiers qui vous ont mandaté pour réclamer les primes ?

Adebayor Sheyi: Ils sont de tout coeur avec nous.

Boycotteront ils le prochain match pour exiger votre réintégration ?

Adebayor Sheyi: Vous feriez mieux de leur poser la question. Ils sont plus qualifiés à vous dire ce qu ils veulent faire. Mais nous sommes pour un règlement raisonné et raisonnable de cette crise. Il faut garder la tête haute pour une discussion sereine avec des gens que nous espérons responsables.

Qu’avez-vous à dire à vos fans ?

Adebayor Sheyi: Je tiens à les remercier vivement pour leur soutien. Depuis notre exclusion, c’est des milliers d’e-mail et de coups de fil que je reçois de ces fans pour me soutenir. Ceux qui ne peuvent pas me joindre s’expriment dans les émissions radiophoniques et télévisées. C’est très touchant et je leur rends hommage. Je veux particulièrement remercier Maman Sèmo pour son soutien. Si je dois porter encore le maillot du Togo, je le ferai surtout pour elle mais aussi pour tous les fans.

J ai toujours aimé porter le maillot de mon pays. Je l’ai toujours porté avec patriotisme et honneur. C est avec joie et surtout fierté que je joue pour mon pays. Et chaque fois, je donne le meilleur de moi- même pour donner la joie à ce public que j’aime tant. Tout ce que je souhaite, c’est que cette affaire de prime du mondial et de notre exclusion injustifiée de l’équipe nationale soit rapidement réglée pour qu’on recommence par faire vibrer les stades et les coeurs des Togolais.