20/04/2024

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Togo : Brève histoire des incendies commandités et exécutés au Togo

Liturgie mémorielle ou Tendance à la récidive ? L’imaginaire collectif togolais est rattrapé ces derniers temps par le souvenir des années de plomb. Ere macabre de l’histoire nationale pendant laquelle expéditions punitives, équipées sanglantes d’hommes en armes et attentats meurtriers se conjuguaient froidement dans un hymne à la terreur. La faute à la multiplication des foyers d’incendie un peu partout dans le pays et au matraquage de l’opposition. Pour de nombreux témoins de l’époque, c’est le feu déstabilisateur qui retrouve un nouveau souffle avec son cortège de coupables impunis, et d’innocents cloués au pilori. Retour et témoignages sur une tradition de « pacification » par les flammes.

Par Franck Essénam EKON

Amnesty international n’a jamais eu bonne presse auprès du pouvoir togolais. En première ligne pour dénoncer les violations des droits de l’homme dans le pays, l’organisation a pourtant (une fois de plus) eu le nez creux en 2005, en bouclant un énième rapport sur le [Togo : « l’histoire va-t-elle se répéter ? »->http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR57/012/2005/fr/3d31b77f-d4cf-11dd-8a23-d58a49c0d652/afr570122005fr.html], s’interrogent alors ceux qui repartent du Togo stupéfaits devant l’ampleur de la répression qui s’organise. Même son de cloche du côté de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et d’une kyrielle d’organisations familières du bourbier togolais. 2005 n’est pourtant pas l’annus horribilis d’une dictature qui a tracé le sillon de son maintien au pouvoir dans une puissance de feu hors-normes. Mises à feu, incendies, plasticages, les évocations reviennent en boucle comme dans une série noire pour les témoins de l’époque. « Nous étions, dans les milieux de l’opposition, constamment sur le grill », se souvient aujourd’hui Crépin, préposé à la sécurité d’un des leaders les plus en vue de la contestation populaire. Impression confirmée, puisque ce dernier verra sa maison réduite en cendres par un soir de mai 1992. Des voisins ont vu les auteurs du forfait, des hommes en uniformes, exécuter méthodiquement leur mission avec l’arrogante tranquillité de ceux qui n’ont rien à craindre. Les plaintes d’opposants classées sans suite viennent se fracasser sur le rictus moqueur d’un pouvoir au faite de sa paranoïa.

« Nous étions constamment sur le grill »

Sentiment de toute-puissance ou d’impunité absolue, les années 1990 consacrent l’embrasement du Togo, et la banalisation du « syndrome du brasier »…Edem Kodjo, ancien Premier ministre et président alors d’une Union togolaise pour la démocratie (UTD), en a vu d’autres, mais devant la commission Vérité Justice et Réconciliation, le passé resurgit avec un arrière-goût phosphorescent. L’histoire remonte à décembre 1991 : «… ma maison à Agoè Nyivé était toute neuve et (…) je me proposais de l’intégrer avant Noël. Elle a été totalement saccagée et incendiée ; les murs et les vitres ont reçu des tirs de mitraillettes. C’était quelque chose d’effrayant ! » Ici également, on a opéré sans précipitation et le jour suivant les faits, des individus reviennent sur les lieux pour récupérer ce qui a échappé aux flammes. Effroi, panique, tétanisation des ambitions, la liste des sinistrés s’allonge et ceux-ci ont la particularité d’être des pourfendeurs d’un Gnassingbé Eyadéma qui, lorsqu’il « n’est pas au courant », accuse les opposants d’avoir mis le feu à leur propre maison ! Au même moment, sur le campus de l’Université de Lomé, on croit rêver : la Direction des affaires académiques et de la scolarité (DAAS) n’est plus que l’ombre d’elle-même. Là aussi, un escadron noctambule a transformé en chaleur et en lumière, d’importantes archives universitaires et des milliers de dossiers d’étudiants. Les coupables se sont à peine cachés et poussent l’insolence jusqu’à revendiquer le forfait ; ce sont des membres d’un [Haut-conseil des associations et mouvements estudiantins (HACAME)->http://elovitschinfo.wordpress.com/2012/09/14/moi-je-nai-pas-oubli-le-hacame/], alors cornaqués par Pascal Bodjona, un activiste pro-pouvoir.

Edem Kodjo : « c’était quelque chose d’effarant »

Des débris de bombes incendiaires, de grenades et divers ingrédients de provenance militaire sont retrouvés sur les lieux des incendies ; mais le clan au pouvoir et son équipe de communication campent sur la théorie d’ « incendies causés par des jeunes à la solde de l’opposition ». Des bataillons de jeunes sans emploi et de repris de justices sont alors mis à contribution pour éructer à la télévision nationale des insanités à propos d’ « opposants sans foi ni loi ». Petite variation sur ce thème de la riposte par le feu, c’est à la fréquence des fumées noires qui s’en élèvent qu’on reconnait désormais les sièges des partis politiques. L’Union des forces de changement (UFC) et le Comité d’action pour le renouveau (CAR) sont particulièrement visés. Zarifou Ayeva, le chef du Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR), lui aurait eu la mauvaise surprise d’apprendre qu’on avait même poussé le cynisme jusqu’à synchroniser l’incendie de son domicile de la capitale avec une résidence qu’il possédait à Sokodé (centre du pays). En mai 1992, le prétexte d’un référendum constitutionnel non souhaité par le général et son équipe, suffit pour aller bruler le [Centre national d’Etude et de traitement informatique (CENETI)->http://www.africatime.com/guinee/nouvelle.asp?UrlRecherche=archives.asp%3Frech%3D1%26no_pays%3D14%26no_categorie%3D%26keyword%3D%26BtnGo.x%3D7%26IsPanafricain%3D0%26IsAfrique%3D&no_nouvelle=303399]. C’est là que sont centralisées les données du recensement national en vue de la consultation populaire.

Fumée noire et peur sur le Togo

« C’est exactement cet environnement de terreur qu’ils veulent remettre à jour aujourd’hui », s’indigne Afanvi, au lendemain de la destruction de centres commerciaux lors d’incendies géants, suivie d’une vague d’arrestation dans les rangs de l’opposition. Cet ancien pigiste à la Tribune des démocrates, un périodique très critique sur le pouvoir, est un miraculé : en avril 1993, le siège du journal est mis à sac et incendié par des militaires. Tabassé en compagnie de certains employés sur les lieux, il est laissé pour mort et n’a eu la vie sauve que grâce à l’intervention d’un passant. Les commandos du feu remettent ça un mois plus tard en déchainant une véritable apocalypse dans les locaux d’une modeste imprimerie…Elle a le malheur de fabriquer Kakpa désenchanté, Courrier du golfe et la Tribune des démocrates, tous estampillés « organes de propagande de l’opposition.» Assassinats politiques, agressions physiques et enlèvements sont, à l’époque, les pendants indispensables de ce que Godwin Tetteh nomme « la démocratisation à la togolaise ». Les temps changent-ils vraiment ? Les togolais, eux, ont plutôt tendance à croire que l’aiguille s’est arrêté quelque part au tournant d’une préhistoire politique où on ne s’exprime qu’à coups de feux…

La rédaction letogolais.com

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