Dans la perspective des élections de 2010, le spectre des élections de 98 à 2007 hante les esprits des Togolais et relance le débat sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles dans le pays.
Le 4 décembre dernier, le ministre de l’administration territoriale réuni les responsables des partis politiques sur la question de la composition de la CENI, le cadre permanent de dialogue, le financement public des partis politiques, et sur la question du statut de l’opposition. Au terme de cette rencontre, des responsables de partis auraient unanimement reconnu la nécessité de réformer la CENI dans sa composition actuelle et demandé un délai pour faire des propositions sur ces questions en discussions.
Mais au Conseil des ministres du mercredi 17 décembre2008, le gouvernement adopte unilatéralement un projet de lois visant à modifier certaines dispositions du code électoral sur la CENI et les dépenses de campagne. Plus d’un en ont été surpris. Ce n’est pourtant pas surprenant. Et de telles pratiques montrent bien que le régime n’a pas changé. Il importe donc de revenir sur ces dispositions parce qu’elles sont importantes pour l’avenir du pays.
1- Les nouvelles dispositions
Elles concernent des modifications du Code électoral sur la CENI et les charges de campagne électorale. Pour ce qui concerne la CENI, le nombre des membres passe de 19 à 13 à raison de 9 membres désignés par l’Assemblée Nationale au titre des partis politiques, 2 représentants de la société civile et 2 membres par le gouvernement.
La composition des démembrements de la CENI se trouve également modifiée: Le nombre des membres des comités de listes et de cartes (CLC) et celui des bureaux de vote est ramené de 7 à 5. Chacune de ces institutions compte un représentant de l’administration, deux de la majorité, et deux de l’opposition parlementaire.
La commune de Lomé est dotée d’une CELI dans chacun de ses quartiers. La durée du mandat des membres de la CENI passe de 45 à 60 jours.
Pour ce qui concerne les charges de campagne, le plafond des dépenses est relevé de 3 à 10 millions de francs pour les législatives et de 50 à 500 millions de francs pour la présidentielle. Dans un pays où le contexte social est marqué par une pauvreté et une misère croissante pour la grande masse de la population, où le régime en place n’entend pas se dessaisir du pouvoir et organise des élections non transparentes pour s’y accrocher, engager 500 millions de francs CFA dans une campagne électorale, a de quoi donner le vertige.
Dans un communiqué du gouvernement, ces modifications de la CENI et le relèvement du plafond des dépenses de campagne se justifieraient par «la nouvelle donne politique imposée par les dernières législatives, «la nécessité d’adapter le code électoral aux réalités du moment pour se conformer aux délais prescrits par la loi». Et comme pour satisfaire la «Communauté internationale», le communiqué proclame que le projet de loi «vise essentiellement à traduire dans les faits les recommandations des différentes missions des partenaires de ce pays».
Mais en même temps, on se garde bien d’entreprendre les reformes essentielles, celles qui sont de nature à ouvrir la voie à l’alternance démocratique dans le pays et à empêcher la perpétuation du régime au pouvoir. Sans aucun doute, les plus importantes de ces réformes essentielles et prioritaires sont bien entendu celle de la constitution, celle de l’Armée et de la police, la réforme de la Cour constitutionnelle.
Beaucoup se font encore l’illusion de croire que la «Communauté internationale» ferait pression sur le régime pour l’amener à réaliser ces reformes fondamentales. Mais comment un régime de dictature dont les tenants tiennent à se maintenir au pouvoir ferait-il des reformes susceptibles de les contraindre à quitter le pouvoir?!
2- Des dispositions pour se maintenir au pouvoir
Depuis longtemps déjà le régime ne cache pas sa détermination à se maintenir au pouvoir à vie. Les dispositions relatives à la CENI et aux charges de campagne confirment cette détermination. Elles justifient les rumeurs persistantes sur la volonté de FAURE de «rempiler» pour un second mandat en 2010 et pour les présidentielles suivantes, conformément à la constitution de 2002. Par rapport aux anciennes dispositions retenues dans l’APG, les nouvelles dispositions ne changent pas le rapport des forces Régime/Opposition. Elles rendent la CENI toujours aussi favorable au RPT et donc le régime. Par contre, elles aggravent la situation de l’opposition démocratique.
Le décret relatif à la CENI et aux charges de campagne a suscité des mécontentements au sein du courant dominant de l’Opposition. Mais compte tenu du rapport des forces actuelles et de la tendance naturelle au sein de ce courant, il est évident que ces mécontentements ne se cristalliseront jamais en un mouvement capable de faire pression pour contraindre le pouvoir à faire marche arrière.
Il ne peut en être autrement. Car, en marginalisant la masse de la population, en réduisant son rôle politique à celui d’un simple électorat à conquérir, en refusant ainsi de l’organiser de telle manière qu’elle retrouve sa place dans la lutte contre le régime de dictature, les chefs des partis de ce courant sont plus isolés qu’il ne paraît, et donc bien faibles. Le régime mesure bien cette faiblesse, et sait donc qu’il peut continuer d’avancer sans rencontrer de résistance.
Dans ces conditions, il est utopique de croire que le régime fera des réformes constitutionnelles et institutionnelles susceptibles de rendre possible un véritable changement démocratique dans le pays. Cette situation est l’un des résultats de l’APG rédigé en fait par le RPT et le CAR, et signé par les chefs en vue de ce courant dominant de l’Opposition le 20 Août 2006. L’APG donne au régime tous les moyens dont il a besoin pour ne rien changer en faisant semblant de changer, et se mieux maintenir au pouvoir aussi longtemps qu’il le voudra. C’est pour ces raisons que la CDPA-BT avait, dès la fin du 12e dialogue (2006), dénoncé l’APG comme un «accord» inacceptable pour l’opposition démocratique.
Il est surprenant que les chefs du courant dominant de l’Opposition semblent ne toujours pas se rendre compte du caractère manoeuvrier de l’APG, et continuent de mettre les pieds dans les pièges posés par les rédacteurs du texte pour réduire l’Opposition à néant.
3- Le Mouvement de la Force Alternative d’Opposition (MFAO) est incontournable
Dans cette situation plus que dangereuse pour le peuple togolais, la CDPA-BT affirme une fois de plus, qu’un régime de dictature foncièrement hostile à l’alternance démocratique au pouvoir et résolu à s’y pérenniser ne peut pas changer de lui-même au point d’instaurer la démocratie.
Aujourd’hui plus que jamais, l’instauration de la démocratie dans le pays n’est possible qu’avec une irruption massive de la population sur la scène politique, mais cette fois-ci de façon organisée sous la forme d’un vaste Mouvement national, la Mouvement de la Force Alternative d’Opposition: MFAO. C’est pourquoi la CDPA-BT continue d’en appeler à tous ceux qui veulent le changement pour la démocratie pour qu’ils acceptent de contribuer activement à la formation de ce mouvement. Chacun selon ses possibilités, mais toujours ensemble.
Encore une fois, comme l’a dit la CDPA-BT dès le départ et ne cesse de le dire depuis des années, l’oppression se nourrit du silence…et de l’inaction.
Fait à Paris, le 31 janvier 2009
Pour la CDPA-BT
Section CDPA-BT France
E. Boccovi
Convention Démocratique des Peuples Africains – Branche Togolaise (CDPA-BT)
Site internet: http://www.cdpa-bt.net
Courriel: cdpa-bt.cdpa-bt@orange.fr
BP 13963; Tél./Fax: 250 86 88/ 225 38 46; 320 30 93; Fax: 225 38 46; Lomé – Togo
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