Par décision n° E-018/10 en date du 22 novembre 2010, la Cour Constitutionnelle du Togo a constaté la vacance des sièges préalablement occupés par neuf (9) députés élus aux élections législatives d’Octobre 2007 , et procédé à leur remplacement. Cette décision fait suite à la saisine de la Cour par lettre du Président de l’Assemblée nationale en date du 18 novembre 2010, lettre par laquelle notifie à la Cour la démission de certains députés pour raisons de convenance politique, et sollicite la communication des noms des candidats habilités à les remplacer.
Synergie-Togo, Association de la société civile togolaise, déplore que la Cour Constitutionnelle, la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle, juge de la constitutionnalité de la loi et garante des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques :
ait pu fonder sa décision sur des lettres écrites sur papier libre, sans en-tête, non datées, et dont elle n’a pas daigné vérifier l’authenticité, malgré des vices de forme manifestes ;
n’ait pas relevé que les prétendues lettres de démission ne sont pas adressées au Président de l’Assemblée Nationale comme le stipule l’alinéa 2 de l’article 6 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ;
n’ait pas pris en compte les courriers transmis le 18 novembre 2010 par les députés déclarés démissionnaires au Président ainsi qu’à tous les juges de la Cour constitutionnelle, courriers par lesquels les dits députés réitèrent leur engagement en qualité de député et leur volonté ferme de continuer à honorer leur mandat, notifiant ainsi on ne peut plus clairement qu’ils ne sont nullement démissionnaires.
Synergie-Togo s’indigne que la Cour Constitutionnelle du Togo soit sortie de son rôle de garant de la constitution du Togo pour :
se muer, selon leurs propres déclarations, en conseil des responsables d’un parti politique qui a requis le limogeage des députés, dans les voies et moyens à mettre en œuvre pour régler des comptes avec d’anciens membres, exclus ou démissionnaires de ce parti ;
régler un différend relatif à un contrat entre des personnes privées, différend qui relève au mieux des compétences des tribunaux d’instance
feindre d’ignorer et omettre d’instruire le parti requérant, ainsi que
le Président de l’Assemblée Nationale qui l’ont sollicitée de concert, que les actes sous seing privé produits comme fondement de leur requête ne sont pas opposables aux tiers et sont donc nuls et de nul effet pour des raisons d’ordre public.
Synergie-Togo considère que les neuf députés remplacés l’ont été à la suite d’un limogeage arbitraire et illégal et non à la suite d’une démission. La présentation de telles lettres de démission par le Président de l’Assemblée Nationale constitue un délit de faux et usage de faux du fait que:
les parlementaires concernés n’ont jamais adressé de lettre de démission au Président de l’Assemblée Nationale
le Président de l’Assemblée Nationale n’était pas le destinataire des lettres, lui ont été remises par les responsables du parti politique qui a requis le limogeage des députés ; – lesdites lettres constituaient un contrat interne, conclu entre les membres d’un parti politique, non opposable aux tiers et qui plus est, antérieur à l’élection desdits députés. Ce contrat n’est en rien du ressort de l’Assemblée Nationale.
Ces limogeages, ainsi que la décision susvisée prise à sa suite, sont contraires à l’esprit et à la lettre de la Constitution Togolaise, notamment à ses articles 4, 14 et 52.
Ces actes constituent un nouveau coup de force contre les institutions de la République, dans le but de permettre à l’exécutif et à son nouvel allié, l’UFC, de disposer de la majorité qualifiée nécessaire pour donner un tour de vis supplémentaire à la constitution.
Par ce nouveau coup de force, la démonstration est faite que toutes les institutions de la République sont au service de l’exécutif et que ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir judiciaire ne sont indépendants de l’emprise du parti majoritaire et de l’exécutif qui en émane.
Synergie-Togo considère que ce coup de force présente des similitudes avec celui du 6 février 2005 par lequel le pouvoir exécutif, et le pouvoir législatif ont, de concert et avec la complicité de certains responsables de l’armée togolaise, retenu au Bénin voisin le Président de l’Assemblée Nationale de l’époque, constaté la vacance de la présidence de l’Assemblée Nationale, abrogé nuitamment l’article qui interdit toute modification de la loi fondamentale en cas de vacance du pouvoir, et dans la foulée, procédé à d’autres modifications de la loi fondamentale pour permettre à Mr Faure Gnassingbé, Ministre des Mines à l’époque des faits de devenir successivement Député, Président de l’Assemblée Nationale et Président de la République à la suite du décès du Chef de l’Etat.
Selon l’article 150 de la constitution togolaise : « En cas de coup d’Etat, ou de coup de force quelconque, tout membre du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale a le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense existants. Dans ces circonstances, pour tout Togolais, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs ».
Se référant ainsi au droit que confère la constitution Togolaise, Synergie-Togo demande instamment :
– A l’Assemblée Nationale et au Gouvernement togolais de reconnaitre le caractère frauduleux des lettres de démission transmises à la Cour Constitutionnelle et sur cette base, de requérir de la Cour Constitutionnelle, l’annulation de la décision n° E-018/10 en date du 22 novembre 2010 ;
– A la Cour Constitutionnelle, d’annuler dans les plus brefs délais, la décision susvisée qui discrédite gravement l’institution, porte atteinte à l’image des institutions du Togo et partant, au pays tout entier.
Par ailleurs, Synergie-Togo invite tous les togolais de s&associer aux actions citoyennes qui seront proposées dans les jours qui viennent dans le but :
– De faire échec à ce nouveau coup de force en obtenant l’annulation de la décision de la Cour Constitutionnelle,
– D’agir en faveur de l’Etat de droit au Togo, du respect des suffrages des citoyens et des institutions démocratiques.
Fait à Paris, le 30 Novembre 2010
Camille Lawson-Body
Président de Synergie-Togo
Synergie – Togo est une organisation non gouvernementale fondée sur les valeurs irrépressibles de solidarité, de paix, de démocratie et des droits de l’Homme. Dans le cadre de son objectif stratégique visant au développement économique et social du Togo, Synergie-Togo veut contribuer, par son travail d’écoute et de dialogue avec tous les acteurs politiques togolais, ainsi que la société civile et les partenaires de la communauté internationale, à sensibiliser largement sur les enjeux des droits humains et de la démocratie au Togo.
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