25/04/2024

Les actualités et informations générales sur le Togo

Togo : Etat de droit ?

Par Armand ADOTEVI

Le Togo, ou plus précisément la République togolaise, est un pays d’Afrique de l’Ouest dont la population fut estimée en 2010 à environ six (6) millions d’habitants pour une densité de 95 hab./km².

Le Togo est l’un des plus petits États africains avec 56.785 km², s’étirant sur 600 km du nord au sud avec une largeur n’excédant pas 100 km. Cette faible superficie n’empêche pas le Togo d’être reconnu pour la grande diversité de ses paysages (une côte de sable fin bordée de cocotiers au sud, une belle façade maritime tout en longueur, des collines, des vallées verdoyantes et des petites montagnes dans le centre du pays, des plaines arides et de grandes savanes plantées de baobabs au nord).

Le Togo accéda à la souveraineté nationale en d’autres termes à son indépendance, le 27 avril 1960. Monsieur Sylvanus Olympio en devint le premier Président de la République, démocratiquement élu. Il sera destitué par un putsch militaire sanglant, le 13 janvier 1963, au cours duquel il fut assassiné. Le Togo fut ainsi le premier pays d’Afrique à avoir ouvert l’ère des coups d’états militaires sur le continent africain.

Celui qui fut désigné comme acteur principal du coup d’état suivi de l’assassinat intervenu, est un militaire, feu Etienne Gnassingbé Eyadéma ayant servi dans l’armée coloniale, il participa aux guerres d’Indochine et d’Algérie. Il fut démobilisé avec le grade de soldat dans l’armée française mais fit croire publiquement au peuple togolais qu’il avait atteint le grade de sergent à la fin de la guerre. Il revendiquera dans la presse l’assassinat du Président Olympio !

L’acteur principal du coup d’état resta dans l’ombre du pouvoir de 1963 à 1967. Le 1er novembre 1965 il se fit porter Chef d’état-major des armées avec le grade de lieutenant-colonel. Il fut ″promu″ (C’est un doux euphémisme …) Président de la République du Togo en 1967. Puis, il passa en un temps record au grade de Général. Il dirigea le Togo d’une main de fer sans discontinuer de 1967 au 05 février 2005 année de son décès consécutif à un arrêt cardiaque.

Ce fut la fin de trente-huit (38) ans d’une gouvernance rigide combinée d’élections présidentielles improbables où le Général Eyadéma fut reconduit dans ses fonctions de président de la république, de mandat en mandat avec des résultats de votes frôlant à chaque réélection les 98% de voix !

Dès le décès de celui qui se maintint à la tête du Togo pendant trente-huit (38) ans d’affilé, l’armée togolaise s’empara du pouvoir, en enfreignant les termes de la Constitution togolaise qui disposent que c’est au Président de l’Assemblée Nationale qu’il échet d’assurer l’intérim en cas de décès du Président de la République ou de son empêchement absolu.

Or, le jour même du décès du Président de la République, l’armée togolaise proclama manu militari dans une cocasse mise en scène médiatique retransmise en direct à la télévision nationale, [nouveau Président de la République], l’un des fils du Président décédé, après une double manœuvre opérée sur le texte de la Constitution togolaise ainsi que sur celui du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.

Les tripatouillages intervenus permirent dès lors, au fils du Président décédé, le bien nommé Faure Gnassingbé, Ministre au moment du décès de son père, de retrouver d’une part, son poste de député à l’Assemblée Nationale et d’autre part, de se faire élire dans la foulée Président de l’Assemblée Nationale afin d’occuper ainsi que la Constitution togolaise l’a prévue en ses dispositions, le poste de Président de la République par intérim.

Ces prestidigitations vertigineuses furent conçues et mises en application en un week-end, sous des ″lumières″ cognitives tierces (…) et dans le sang et sur les cadavres de plusieurs centaines togolais et togolaises massacrés.

Ainsi, le fils du Président décédé occupe depuis 2005 à ce jour, les fonctions de Président de la République du Togo.

Toutefois depuis 2005, le Togo est atone, sous vive tension sociale, sous convulsion politique larvée ; le Togo est secoué depuis 2005 par une récurrence de crise politique grave, avec son lot de brutalités en tout genre, de violence, d’humiliations, de vexations et d’interpellations policières infligées aux leaders de l’opposition politique togolaise.

C’est sur ces entrefaites que sont survenus, il y a deux semaines, des incendies dévastateurs de deux grands marchés de transactions commerciales (lieux à haut potentiel économique) ; l’un au nord du Togo et l’autre dans la capitale, Lomé.

Le contexte

Des incendies dévastateurs et de grande ampleur ont ravagés le marché de Kara (nord du Togo), puis celui de Lomé (capitale du Togo) à 48 heures d’intervalle.

Une commission d’enquête a été instituée par le gouvernement togolais. À ma connaissance, et sous toutes réserves, ladite commission n’a pas été officiellement installée et ses membres n’ont pas à ce jour, été désignés. La commission dont s’agi n’a dès lors, pas entamé ses travaux d’enquête et d’investigations et n’a déposé ni note d’étape ni relevé de conclusions définitives.

L’enquête préliminaire de police judiciaire

Au plan judiciaire, une information judiciaire aurait été ouverte, ce qui me paraît pour le moins étonnant en ce que en matière pénale, l’enquête préliminaire est toujours diligentée d’office ou à la demande du parquet avant l’ouverture de toute information ce qui permet au ministère public d’être éclairé sur le bien-fondé d’une poursuite.

Toujours est-il que cette phase de l’instance permet au parquet de délivrer une commission rogatoire à un officier de police judiciaire (au Togo à la gendarmerie) afin qu’il débute l’enquête préliminaire tendant à établir d’une part, l’existence de l’acte criminel et d’autre part, qu’il procède à l’identification des auteurs.

Dans le cadre de l’enquête préliminaire de police judiciaire en cours, (au Togo de la gendarmerie nationale) il serait imputé à la personne d’un ancien Premier ministre togolais, ancien Président de l’Assemblée nationale du Togo, notre [frère] (…) Gabriel Messan Agbéyomé KODJO, une prétendue responsabilité (morale ou matérielle, je l’ignore) relativement à la survenance des graves sinistres intervenus sur les sites de transactions commerciales de Kara d’une part et de Lomé d’autre part.

Aucun élément de preuve probante, mettant directement et incontestablement en cause la responsabilité morale ou matérielle de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale n’a à ce jour, été produit par les ″services″ en charge de l’enquête préliminaire de police judiciaire.

Cependant, dans le cadre de l’enquête préliminaire en cours, l’ancien Premier ministre du Togo, ancien Président de l’Assemblée nationale du Togo, Président du Groupe Afrique du Forum Francophone des Affaires, monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO, a fait l’objet mercredi 16 janvier 2013, d’une interpellation à fort renfort de gendarmes très lourdement armés, à son domicile de Lomé, sur le prétendu fondement de la prétendue responsabilité qui lui serait imputée et sur le fondement de la prétendue levée de son immunité parlementaire votée quarante (40) minutes plus tôt par l’Assemblée nationale togolaise.

Il s’en suivit une rude perquisition sans mandat, à son domicile, assortie de brutalités et de voies de faits exercées sur les occupants de sa résidence privée. Des outils informatiques furent embarqués.

La Procédure de levée de l’immunité parlementaire mise en œuvre

S’agissant de la prétendue levée de l’immunité parlementaire suivie de l’interpellation de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale, la procédure mise en œuvre procède d’un escamotage outrancier, d’une piètre aberration et ne saurait être appréciée autrement que d’éminemment contestable en ses conditions de forme et de fond en ce qu’elle fut manifestement entachée de graves irrégularités.

En effet, l’article 10 de la loi organique N°2007-013 du 19 juin 2007 portant statut des anciens présidents de l’Assemblée nationale dispose : «Aucun ancien Président de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi ou arrêté en raison des faits délictuels par lui commis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale obtenue après une délibération spéciale votée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale ».

Par ailleurs, conformément aux dispositions prévues à l’article 79 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la procédure tendant à une demande de levée de l’immunité parlementaire se décline scrupuleusement et rigoureusement comme suit :

1- La demande de levée de l’immunité parlementaire est adressée par l’autorité judiciaire au Président de l’Assemblée nationale.

2- Toute demande de levée de l’immunité est instruite par une commission spéciale composée de : – un membre du bureau de l’Assemblée nationale, président ou, à défaut, – un rapporteur de la commission des Droits de l’Homme ; le président ou, à défaut, un rapporteur de la commission des lois Constitutionnelles et de la législation de l’administration générale ; un représentant de chaque groupe parlementaire.

3- La commission spéciale entend le député dont la levée de l’immunité parlementaire est demandée ou l’un de ses collègues qu’il aura désigné pour le représenter.

4- Le rapport de la commission spéciale est transmis à la conférence des présidents en vue de l’inscription du dossier à l’ordre du jour de la plus prochaine séance de l’Assemblée nationale, suivant la procédure de traitement des questions urgentes.

5- La décision relative à la levée de l’immunité parlementaire est prise par l’Assemblée nationale, en séance plénière au cours de laquelle, il n’est donné lecture que des conclusions du rapport de la commission spéciale.

6- La décision d’accorder la levée de l’immunité parlementaire est adoptée au scrutin secret, sous la forme d’une résolution, par la majorité absolue des députés composant l’Assemblée nationale.

Cette décision ne s’applique qu’aux seules infractions pour lesquelles la levée de l’immunité parlementaire a été demandée.

7 – En cas de rejet, aucune autre demande relative aux mêmes faits et à la même personne n’est recevable au cours de la même session.

Ainsi, sur le fondement d’une part, de la disposition de loi organique précitée prise en son article 10, et d’autre part, sur le fondement des dispositions prévues à l’article 79 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale togolaise, l’immunité parlementaire de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale, monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO ne peut être levée qu’après d’une part, qu’on lui ait signifié les faits qui lui seraient reprochés et pour lesquels des éléments probants de preuve feraient de sa personne un présumé mis en cause et d’autre part, qu’après son audition par une Commission spéciale expressément créée par l’Assemblée nationale aux fins de statuer précisément sur la demande de levée de l’immunité parlementaire.

Or, en violation de toutes les règles prescrites dans les cas d’espèce, tant sur la forme que sur le fond, ce qui fut mis en œuvre à l’Assemblée nationale togolaise le 16 janvier 2013, paraît en tous points, à tout le moins cocasse.

Au surplus, songez que les députés, furent convoqués en session prétendument ″extraordinaire″ le 16 janvier 2013, sans questions inscrites à l’ordre du jour, ni mention ni point d’un débat relatif à un vote tendant à la levée de l’immunité parlementaire d’un ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale.

C’est en cours de séance qu’il fut de façon désinvolte et comminatoire indiqué aux députés présents, qu’ils vont devoir instamment se prononcer par vote, non pas à scrutin secret ainsi que le texte réglementaire le prévoit, mais à main levée, sur une demande de levée de l’immunité parlementaire de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale, monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO, en violation complète des dispositions réglementaires afférentes aux cas d’espèce.

Circonstance aggravante, l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale, monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO n’a jamais été auditionné par une quelconque Commission spéciale de l’Assemblée nationale comme le prévoit le texte portant règlement intérieur de l’Assemblé nationale.

Ainsi, en cours de séance le 16 janvier 2013, le Président de l’Assemblée Nationale togolaise agissant sous pression ou par zèle, fit procéder irrégulièrement au vote, portant levée de l’immunité parlementaire de l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO, assuré du résultat favorable qui en proviendrait en raison de la majorité dont dispose le pouvoir à la chambre.

Or, les termes de l’article 79 précité du règlement intérieur de l’Assemblée ne souffrent nulle ambiguïté, nulle approximation en ce qu’ils sont précis, clairement explicites et formellement déclinés en leurs dispositions de forme et de fond relatives à toute demande de levée de l’immunité parlementaire au Togo.

L’inopposabilité de la levée de l’immunité parlementaire

Dès lors, toute requête tendant à demande de levée de l’immunité parlementaire qui ne se conformerait pas scrupuleusement d’une part, aux dispositions de la loi organique précitée prise en son article 10, et d’autre part, aux stipulations édictées à l’article 79 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale togolaise en méconnaissant les étapes préalables formellement prescrites, le respect scrupuleux des formes, la conformité et la stricte application des règles de procédure expressément prévues en cette matière, est irrégulière, frappée d’irrecevabilité et par conséquent inopposable à l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale togolaise, monsieur Gabriel Messan Agbéyomé KODJO.

Depuis le 16 janvier 2013, l’ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale togolaise, notre [frère] (…) Gabriel Messan Agbéyomé KODJO est maintenu dans les locaux de la gendarmerie nationale togolaise, sous le régime d’une ″tropicale″ garde à vue ! C’est consternant !

Ainsi va le Togo, depuis quarante-six (46) ans.

Aux termes d’un classement mondial publié cette semaine par le magazine FORBES, le Togo occupe le 7ème rang des pays les plus tristes au monde dans l’ordre des peuples les plus tristes à travers le monde.

Une nation est forte quand ses lois et son institution judiciaire sont indépendantes et fortes.

Par [Armand ADOTEVI->http://librepropos.wordpress.com/]