23/04/2024

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Togo – Grad : Plaidoyer pour une Assemblée constituante

GROUPE DE REFLEXION ET D’ACTION POUR LE DIALOGUE,
LA DEMOCRATIE ET LE DEVELOPPEMENT(GRAD)

MEMORANDUM

Introduction

1. Au lendemain du décès du Président Gnassingbé Eyadema, le Groupe de Réflexion et d’Action pour le Dialogue, la Démocratie et le Développement (GRAD) n’a de cesse de proposer une Assemblée constituante en vue de la refondation de l’Etat togolais. Le processus de démocratisation commencé en octobre 1990, a été marqué par des obstacles de toutes natures empêchant la réalisation des aspirations profondes du peuple togolais : la démocratie et l’Etat de droit. S’il est indéniable que des avancées aient été faites en ce qui concerne la libéralisation de la vie politique, notamment, l’adoption de la charte des partis politiques, la liberté de presse, la liberté d’expression, la liberté d’opinion etc., il n’en reste pas moins vrai que le Togo est loin d’avoir des institutions telles qu’elles devraient être conçues pour fonctionner dans une véritable démocratie, c’est-à-dire des institutions fondées sur un minimum de consensus national, des institutions acceptées et respectées par l’ensemble des Togolais.

2. L’Accord politique global (APG) signé en 2006 pour faire des réformes constitutionnelles et institutionnelles susceptibles des créer la sérénité et l’apaisement politiques dans le pays, n’a été que partiellement mis en œuvre. Les élections qui constituent l’un des éléments du bon fonctionnement de la démocratie n’ont jamais été transparentes tant dans leur organisation que dans leur déroulement et la proclamation de leurs résultats. Il apparaît clairement que l’objectif souvent poursuivi par les pouvoirs publics, est moins des élections crédibles qui leur confèrent la légitimité mais plutôt des élections apaisées pour maintenir le statu quo. A cet égard, un mécanisme électoral est mis en place pour atteindre cet objectif. Dans ces conditions, une alternance politique qui est l’une des caractéristiques du fonctionnement de la démocratie s’avère impossible au Togo. Lors des élections législatives du 25 juillet 2013, comme les autres fois, une armada d’observateurs nationaux et internationaux était là. Ces observateurs, loin de veiller à une bonne organisation et à la régularité de ces élections, se sont contentés de les qualifier d’apaisées parce qu’elles se sont déroulées sans violence.

3. Le GRAD se demande si le maintien du statu quo qui tranche avec les aspirations profondes du peuple au changement démocratique ne fait-il pas courir dans le contexte actuel de crise politique, sociale et économique des risques graves pour le Togo ?

4. La crise sociopolitique et économique que vit le Togo depuis plus de deux décennies, aggravée par les récents mouvements sociaux ne constitue-t-elle pas l’un des signaux annonciateurs de déflagration ? Le GRAD pense qu’il faut tout faire pour empêcher la tempête que pourrait provoquer la réunion de ces événements. C’est le moment de rappeler que les pays en crise sont les lieux de prédilection des activités terroristes. C’est la raison pour laquelle le GRAD pense qu’il n’est pas indiqué d’attendre une déflagration avant d’amorcer un véritable processus de sortie de crise pacifique.

5. Pour parer à cette éventualité, le GRAD soucieux de la refondation consensuelle de l’Etat togolais, réitère sa proposition de la nécessaire transition politique au Togo et de l’élection d’une Assemblée constituante pour l’élaboration d’une nouvelle loi fondamentale. Ces dispositions permettront de s’attaquer aux sources réelles de la crise togolaise.

1. La crise togolaise

6. L’histoire togolaise est marquée par un processus d’unification des populations composées de divers groupes ethniques dispersés sur le nouvel espace défini par le colonisateur. Pour atteindre cet objectif, des campagnes de pacification sont organisées et des opérations de mise en valeur sont programmées sous l’administration coloniale. Depuis l’indépendance, la nécessité de construction de la nation togolaise s’est imposée. Mais le constat aujourd’hui est le déficit de l’unité nationale dont l’accroissement produit d’innombrables conséquences sur la vie politique, économique et sociale du pays. Il entretient et renforce, le manque de confiance entre les Togolaises et les Togolais, au point que le processus de réconciliation amorcé au lendemain du premier coup de force en 1963 n’a jamais connu le succès escompté. Il en est de même de celui organisé par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) dont les recommandations présentées dans un rapport remis le 3 avril 2012 attendent encore d’être mises en œuvre.

7. La culture de la violence, les violations massives des droits humains assorties d’annonce d’enquête sans issue, le règne de l’impunité et les pratiques de mal gouvernance constituent un ensemble de phénomènes permettant d’étayer ce constat.

8. Les graves événements qui ont ébranlé le Togo ces dernières années sont, notamment les incendies des grands marchés de Lomé et de Kara, les grèves à répétition des enseignants, élèves et agents de la santé publique, les manifestations populaires, les grèves et revendications de la Synergie des travailleurs du Togo (STT) suivies de répressions par les forces de l’ordre et de sécurité, des arrestations de responsables et militants des partis de l’opposition, la mort d’élèves au cours des manifestations, la mort de militants de l’opposition en détention.

9. A cette liste d’événements qui ruinent la confiance mutuelle entre des protagonistes de la crise, il faut ajouter les comportements des acteurs politiques réfractaires à tout dialogue constructif. Cette situation contribue au pourrissement de la crise, accroit la fragilité de l’Etat togolais et compromet sérieusement les chances d’une solution effective dans l’intérêt de toutes les Togolaises et de tous les Togolais.

10. Au regard du dysfonctionnement notoire des institutions de l’Etat à savoir : une constitution de 1992 remodelée sur mesure ; un code électoral non consensuel entre les divers acteurs politiques faisant montre d’un déni de la démocratie ; un découpage électoral ignorant la sacro sainte loi d’un homme une voix etc., le Togo a besoin d’un nouvel ordre politique, économique, social et culturel avec une nouvelle loi fondamentale fondée sur les évolutions marquantes de son histoire pendant ces cinquante dernières années.

11. La solution de sortie de crise doit s’inscrire dans une action pour le moyen et le long terme. Une transition politique s’impose donc avec la formation d’un gouvernement d’unité nationale.

II. Transition politique avec un gouvernement d’Unité nationale

A. Formation du gouvernement de transition

12. La formation du Gouvernement doit être issue d’un compromis dégagé au cours d’un dialogue entre les principaux partis politiques et les représentants des organisations de la société civile. La nomination des membres du gouvernement de transition devra se faire par consensus.

13. Les prérogatives du Chef de l’Etat qui assumera en même temps les fonctions de Chef du gouvernement pendant la période de transition doivent être définies par un accord politique qui engage tous les partis politiques et les parties prenantes à cet accord. La forme juridique que prendra cet engagement sera clairement définie au cours du dialogue. Des sanctions à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas cet engagement seront également prévues. L’accord fixera la durée de la transition de façon réaliste.

B. Mission du gouvernement de transition

14. Il faut préciser qu’un gouvernement de transition est avant tout un gouvernement de mission. Il doit faire face à une crise ou à une situation politique dans l’impasse et chercher d’y apporter des solutions. Un tel gouvernement, dans le cas d’espèce, sera chargé de convoquer une Assemblée Constituante ayant pour mission essentielle l’élaboration d’une nouvelle constitution indispensable à la refondation de l’Etat togolais. Il importe que soit mis en place pour les besoins des élections à cette assemblée, un processus participatif des institutions politiques légitimes, notamment : la Cour Constitutionnelle, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), les Forces de l’ordre et de sécurité et la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Il s’agira pour:

1°) La Cour Constitutionnelle de revoir sa composition et le mode de désignation de ses membres, afin de conférer à cette institution, la plus haute juridiction de l’Etat, l’autorité nécessaire pour accomplir ses fonctions en toute indépendance.

2°) La Commission Electorale Nationale Indépendante de revoir sa composition et son fonctionnement en vue de réviser le code électoral et le fichier électoral, de procéder à la distribution des cartes, de veiller au bon déroulement du scrutin et à la proclamation des résultats afin d’éviter toute contestation post électoral.

3°) Les Forces de l’ordre et de sécurité de prendre des mesures de sécurité avec accent sur la dissolution des milices s’il en existe toujours. Ces mesures sont nécessaires pour rassurer la population togolaise traumatisée.

4°) La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication de revoir sa composition et le mode de désignation de ses membres afin de lui permettre d’assumer ses fonctions en toute indépendance.

15. Cette approche de recherche de solution à l’impasse politique ou de sortie de la crise a, sans nul doute, des chances de faire renaître la confiance entre les filles et fils du Togo, en particulier entre les principaux protagonistes de cette crise.

16. Il convient de préciser que le maillon essentiel de la transition est la mise en place d’une Assemblée Constituante. Outre le pouvoir constituant originaire qui relève expressément de la souveraineté populaire qui lui confère sa légitimité, celle-ci pourrait également durant la période de la transition, être dotée de pouvoir législatif.

C. Pourquoi une Assemblée constituante ?

17. Les constitutions élaborées par le passé, sont toujours remises en cause, après leur adoption, par une partie de la population ou les tenants du pouvoir qui ne se reconnaissent pas dans certaines de leurs dispositions. Cette situation malheureusement ramène le pays au point de départ. Il se pose dès lors, le problème de la légitimité des institutions prévues dans ces constitutions et ceux qui sont chargés de leur application.

18. La convocation de cette Assemblée Constituante qui est proposée par le GRAD s’avère indispensable, pendant une période transitoire, pour la reprise saine des activités politiques, économiques et sociales. La dite Assemblée procédera à la nécessaire refondation de toutes les institutions de l’Etat pour l’avènement de la démocratie et d’un véritable Etat de droit répondant aux aspirations profondes du peuple togolais.

19. L’Assemblée constituante est censée représenter à travers ses élus l’ensemble de la population, considérée dans sa diversité politique, économique, sociale et culturelle. Pour plus d’équité fondée sur le principe d’un homme une voix, l’élection à cette assemblée se fera sur la base d’un mode de scrutin proportionnel de liste nationale avec quotient fixe.

20. Au sein de cette Assemblée, les acteurs politiques apprendront à travailler ensemble, à créer entre eux un climat de confiance mutuelle nécessaire pour régler les problèmes politiques non résolus, accumulés au cours de ces 23 ans du processus de démocratisation et, enfin, conduire les Togolais à une véritable réconciliation nationale qui garantira une paix civile et une stabilité politique durables.

D. Mission de l’Assemblée Constituante

21. Cette Assemblée élue aura pour mission l’élaboration d’un nouveau contrat social, une nouvelle loi fondamentale fondée sur un consensus, gage de l’unité nationale, de la stabilité politique et de la promotion du bien-être de la population.

E. La constituante

22. Les pouvoirs constituants seront entre autres :(i) Elaboration d’une nouvelle constitution qui définit le type du régime politique, une constitution qui doit être un véritable nouveau contrat social alliant les notions de liberté et de l’autorité de l’Etat, s’inspirant de la culture et des traditions togolaises et tenant compte des conditions socioéconomiques du pays, (ii) Elaboration d’un nouveau code électoral, (iii) Statut des partis politiques de l’opposition, (iv) Financement des partis politiques, (v) Utilisation des média etc.

23. Les organes techniques et consultatifs de la Constituante et leur rôle :
(i) Les représentants de l’armée et des forces de l’ordre et de sécurité dans leurs différents corps : définition du statut de l’armée et résolution de l’ensemble des problèmes de l’armée, (ii) Les représentants du corps judiciaire : corps des magistrats, des avocats, notaires et huissiers, (iii) La société civile : les organisations socioprofessionnelles (les syndicats, le patronat, la Chambre de Commerce et des métiers), les confessions religieuses, la chefferie traditionnelle, les Universités (professeurs et étudiants), les mouvements des femmes, les mouvements des jeunes, (iv) la diaspora, (v) Commission économique : bilan économique, financier et social, plus la définition d’une stratégie de développement à moyen et long termes, (vi) Commission de réconciliation nationale: préparer les modalités de la réconciliation nationale et la mise en œuvre effective des recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) (vii) Définition du statut des Anciens Chefs d’Etat et des anciens hauts responsables de l’Etat et dirigeants politiques, (viii) Réhabilitation digne des Anciens Chefs d’Etat

F. Approbation de la nouvelle constitution par référendum

24. Une fois les travaux de l’Assemblée Constituante terminés, le projet de la nouvelle constitution sera soumis au référendum pour ratification.

25. Les élections seront organisées conformément au type de régime retenu : (i) Elections locales, (ii) Elections législatives et (iii) Mise en place du Pouvoir Exécutif.

G. Rôle des partenaires du Togo dans le processus de la refondation

26. Le gouvernement de transition aura à assurer le financement de cette élection par une émission obligataire.

27. L’accompagnement des Partenaires internationaux dans le processus de transition est indiqué. Ces partenaires sont, notamment, les organisations des Nations Unies, de l’Union Africaine, de la CEDAO, de l’Union Européenne et des pays amis. Ils auront pour rôles de : (i) Amener les acteurs politiques et les organisations de la société civile à un véritable dialogue de concertation nationale précédant la transition (ii) Assurer le suivi du respect des recommandations de ce dialogue, (iii) Organiser de concert avec le Gouvernement de transition et assurer le contrôle du processus électoral par des observateurs civils et militaires crédibles, (iv) Apporter également leurs contributions sous diverses formes.

Conclusion

28. Cette approche de sortie de crise que préconise le GRAD, si elle était acceptée par la classe politique togolaise et le peuple togolais qui, en dernière analyse, reste le seul détenteur de la souveraineté nationale, permettrait d’asseoir le Togo sur une solide fondation la démocratie et l’Etat de droit.

29. A cet égard, le GRAD lance un appel à toutes les Togolaises et à tous les Togolais à œuvrer pour l’élection d’une Assemblée Constituante. Il importe, par conséquent, que les Togolaises et Togolais évoluent dans le sens d’un mouvement constitutionnaliste pour une refonte du système politique togolais actuel dans un esprit nouveau, refonte indispensable au progrès et à l’émancipation du Togo.

29. Le GRAD est profondément convaincu qu’on ne peut aller à la démocratie et à l’Etat de droit, du reste, au progrès économique et social sans qu’il y ait une rupture politique de quelque nature qu’elle soit avec notre passé toujours marqué du sceau de l’autoritarisme.

30. La stratégie que propose le GRAD aura le mérite d’aller à la démocratie et à l’Etat de droit dans l’entente nationale et éviter que des événements douloureux ne les imposent comme c’est le cas dans certains pays.

31. Au GRAD, nous sommes convaincus que « C’EST DANS L’UNITE» que nous devons bâtir un Togo nouveau « L’OR DE L’HUMANITE »

Lomé le 15 octobre 2013