15/10/2024

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Togo : Les recommandations de l’UFC pour le dialogue inter-togolais

Introduction

Pour apporter notre contribution citoyenne et intellectuelle personnelle au nouveau « dialogue inter-togolais » en cours sur les réformes constitutionnelles, qui conforte la nécessité de porter à son achèvement dès 2015 la nouvelle stratégie politique inaugurée par « la paix des braves togolais », signée il y quatre ans jour pour jour, « en espérant qu’elle permettra de réaliser la réconciliation nationale, de consolider la paix, de s’atteler avec détermination au redressement social et économique de notre pays, et enfin d’ouvrir la voie à une alternance politique pacifique », qu’il nous soit permis de projeter les lumières de la « critique de la raison pure », comme dirait le philosophe allemand Emmanuel Kant, sur les contributions pertinentes du rapport final de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) et les recommandations perfectibles du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC) rénové, au nouveau « dialogue inter-togolais », avec l’espoir que cette « critique de la raison pure » éclaire la « critique de la raison pratique », comme dirait encore Emmanuel Kant.

Le silence étonnant du relevé des conclusions du CPDC rénové sur le préambule et les recommandations du CVJR concernant les réformes constitutionnelles

Pour affirmer à la face de nation togolaise et du monde sa détermination à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et prouver ainsi à la nation togolaise et au monde entier sa volonté à œuvrer pour une réconciliation durable de tous les Togolais au-delà des rancœurs accumulées dans les cœurs tout au long du règne d’un pouvoir de près d’un demi siècle, le Chef de l’Etat a nommé le 17 septembre dernier dans le gouvernement actuel du Togo un « Ministre des Droits de l’Homme, de la Consolidation de la Démocratie chargé de la mise en œuvre des Recommandations de la CVJR ».

Parmi ces recommandations, il est clair comme de l’eau de roche pour tous les observateurs avisés de la vie tumultueuse togolaise que les plus importantes et les plus sensibles concernent, non seulement les réformes constitutionnelles, mais surtout la limitation du mandat présidentiel en vue de garantir l’alternance politique pacifique au Togo et le mode de scrutin de l’élection du Président de la République.

Au sujet du souci majeur du CVJR que constituent les garantis de cette alternance politique pacifique, le rapport final de cette haute institution de la République mise en place conformément aux recommandations de l’APG de 2006, et disponible au lien http://www.cvjr-togo.org/document/R…, a formulé les réflexions suivantes de la plus haute importance pour tous les acteurs de la vie politique togolaise, en commençant par le premier d’entre eux, le Chef de l’Etat :

« Il est extrêmement important que les Togolais dans leur ensemble s’accordent sur une vision commune de leur avenir en tant que nation. De ce point de vue, la CVJR estime nécessaire que le concept d’alternance politique fasse l’objet d’un consensus entre les acteurs politiques, qu’il soit compris non comme l’occasion d’une revanche ou d’une chasse aux sorcières, mais comme le fonctionnement normal d’un système démocratique. Puisque les conflits se cristallisent autour du changement de régime et que les luttes fratricides s’exacerbent lors des élections, il est urgent de purger les esprits de toute agressivité basée sur la facture politique héritée du temps de la lutte pour les indépendances.

La CVJR réaffirme que l’alternance politique est une aspiration légitime du peuple qui a le droit de confier les rênes du pouvoir au parti dont le programme politique semble prendre en compte ses attentes. Mais en même temps, la CVJR soutient que l’alternance politique ne doit pas être comprise comme une occasion de vengeance ou d’exclusion des autres. Cette nouvelle vision de société repose sur l’apaisement social, le rétablissement de la confiance entre citoyens, leur acceptation mutuelle, la cohésion nationale et le respect par tous des valeurs civiques ». (p. 248)

C’est après ce préambule qui est un véritable « hymne national à l’alternance politique pacifique » que le rapport final du CVJR formule ses recommandations les plus importantes suivantes (3.1.1 les réformes politiques, p. 249-250) concernant à la fois la limitation du mandat présidentielle et le mode de scrutin présidentiel à deux tours, indiquant clairement ainsi que ces recommandations doivent être comprises, interprétées et mises en œuvre conformément à ce « préambule aux réformes constitutionnelles » :

« De façon plus spécifique, les réformes institutionnelles doivent notamment viser la mise en place de mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que le mandat présidentiel devra être, à l’avenir, limité. A cet effet, la CVJR recommande le retour à la formule originelle de l’article 59 de la Constitution du 14 octobre 1992 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq (05) ans, renouvelable une seule fois ».

Par ailleurs, des réformes en profondeur liées aux élections et aux conditions de leur organisation, devront être menées. Ces réformes, qui devraient faire l’objet d’un débat national propre à dégager un large consensus, viseront, entre autres :

– Le découpage électoral qui doit s’appuyer sur des critères géographiques et démographiques tout en tenant compte de l’histoire de peuplement de notre pays ;

– Les modes de scrutin qui seront choisis de manière, d’une part, à toujours garantir l’élection du Chef de l’Etat à la majorité absolue des suffrages exprimés ; d’autre part à assurer une représentation fidèle de toutes les sensibilités politiques ;

– Le choix des membres des commissions électorales, les garanties de leur indépendance et impartialité ;

– L’organisation et le déroulement du scrutin ainsi que la proclamation des résultats dans le respect des normes et standards admis par la communauté internationale…

Le CVJR recommande par conséquent l’organisation d’une large réflexion sur la question associant hommes politiques, juristes, sociologues, historiens, organisations de la Société Civile en vue de déterminer les institutions en mesure de nous assurer une gouvernance adaptée à nos réalités ».

Compte tenu de l’importance affiché par le gouvernement à la mise en œuvre des recommandations du CVJR en y consacrant un ministère, le moins que l’on puisse dire est que le silence pudique gardé par le relevé des conclusions d’une institution de la République, issue de l’APG, sur les recommandations relatives aux réformes constitutionnelles les plus importantes d’une autre institution de la République comme la CVJR, issue comme elle de l’APG, est pour le moins étonnant et mérite d’être rompu.

Le silence pudique du relevé des conclusions du CPDC sur un imbroglio constitutionnel

L’article 77 de la Constitution de 1992 stipulait :

« Article 77 – Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dirige l’administration civile et militaire. A cet effet, il dispose de l’administration, de la force armée et des forces de sécurité. Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée Nationale. »

Cet article a été modifié de manière non consensuelle dans la Constitution de 2002 de la manière suivante :

« Article 77 – Sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation et dirige l’administration civile et militaire. Il dispose de l’administration, des forces armées et des forces de sécurité. Le Gouvernement est responsable devant l’assemblée nationale. »

Puisque cette modification pose un problème constitutionnel insoluble en cas de cohabitation au sommet de l’exécutif togolais et s’oppose à priori un tel choix de peuple souverain lors des élections législatives ou d’une élection présidentielle, elle doit donc être annulée, conformément au principe : « celui qui fait une erreur et ne la corrige pas en fait une autre ».

Le silence pudique du relevé des conclusions du CPDC sur cette erreur constitutionnelle mérite par conséquent d’être corrigé à temps avant un imbroglio et une impasse constitutionnels inextricables.
La recommandation perfectible du CPDC rénové sur les conditions d’éligibilité du Président de la République

L’article 62 de la Constitution de 1992 avait fixé de manière consensuelle les conditions d’éligibilité du Président de la République en ces termes :

« Article 62 – Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il :
– n’est de nationalité togolaise de naissance.
– n’est âgé de 45 ans révolus à la date du dépôt de la candidature.
– ne jouit de tous ses droits civils et politiques.
– ne présente un état général de bien-être physique et mental dûment constaté par trois médecins assermentés désignés par la Cour Constitutionnelle. »

Cet article a été modifié de manière non consensuelle dans la Constitution de 2002 de la manière suivante, comme tout le monde le sait, uniquement dans le but d’exclure à jamais de la compétition présidentielle togolaise le Président National de l’UFC :

« Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il :
• n’est exclusivement de nationalité togolaise de naissance ;
• n’est âgé de trente cinq (35) ans révolus à la date du dépôt de la candidature ;
• ne jouit de tous ses droits civils et politiques ;
• ne présente un état général de bien-être physique et mental dûment constaté par trois (03) médecins assermentés, désignés par la Cour Constitutionnelle ;
• ne réside sur le territoire national depuis douze (12) mois au moins. »

Poursuivant visiblement le même objectif malsain et déloyal qu’en décembre 2002, malgré la signature de l’accord historique UFC-RPT-UNIR, le relevé des conclusions du CPDC rénové recommande de manière hypocrite :

« 3. Des conditions d’éligibilité du Président de la République
Dans le souci d’apaisement et pour ne pas créer une situation suggérant la volonté d’exclusion, le CPDC rénové propose de conserver les conditions d’éligibilité du Président de la République conformément aux dispositions de l’article 62 de la constitution en vigueur. Ce pendant, il y a eu un débat sur l’âge plafond (entre 70 et 75 ans) du candidat, qui doit être tranché en conseil des ministres et à l’Assemblée Nationale. »

Pour l’apaisement du climat politique togolais, il est préférable et indispensable que l’article 62 de la Constitution en vigueur soit purement et simplement remplacé par l’article 62 de la Constitution consensuelle de 1992, sans rajout ou retrait d’un iota.
La recommandation inappropriée du CPDC rénové sur l’interprétation de la limitation des mandats du Président de la République

L’article 59 de la Constitution de 1992 avait fixé de manière consensuelle la limitation des mandats du Président de la République en ces termes :
« Article 59 – Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats. »

A ce sujet, qui constitue le point les plus important et sensible des réformes constitutionnelles et institutionnelles, le relevé des conclusions du CPDC rénové recommande :
« Article 59 – Le Président de la république est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans. Il est rééligible une seule fois. Il reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu. »

A cette recommandation consensuelle, le relevé des conclusions du CPDC rajoute la recommandation non consensuelle suivante :
« Le CPDC rénové propose une disposition transitoire de clarification pour préciser que les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 59 ne sont pas rétroactives et que la loi ne dispose que pour l’avenir. »

Sachant que la modification non consensuelle de la Constitution de 1992 concernant la limitation des mandats présidentiels opérée le 31 décembre 2002 a été suivi d’effet immédiat contrairement à cette dernière recommandation du CPDC rénové, tandis que d’autres pratiques d’interprétation constitutionnelle respectent le principe non sacré de non-rétroactivité de la loi, le jugement avisé et modéré estime que l’interprétation de la nouvelle version de l’article 59 relève de la liberté de conscience du Président de la République sortant et de la compétence de la Cour Constitutionnelle togolaise. En conséquence, il est sage d’affirmer que la proposition de « la disposition transitoire » par le CPDC rénové est inappropriée et qu’il doit être purement et simplement supprimée.

Conclusion

Le communiqué publié ce jour par les ambassadeurs au Togo de France, d ‘Allemagne, des Etats-Unis et des Nations Unis sur le nouveau « dialogue inter-togolais » prouve si besoin était que ce sont les yeux, non seulement de tous les togolais, mais aussi tous les partenaires et amis du Togo dans le monde entier qui sont fixés sur les travaux en cours de ce nouveau dialogue.

Ce dernier a donc le devoir moral de tirer le meilleur profit, non seulement de la « nouvelle démarche politique » initiée au Togo par « la paix des braves togolais » du 26 mai 2010, mais aussi des pertinentes recommandations du rapport final de la CVJR présidée par son actuel « facilitateur » et des recommandations perfectibles du CPDC rénové, notamment en respectant l’esprit « sain » devant guider à la fois les concertations en cours, le projet de loi que devrait en tirer le gouvernement, et le vote de cette loi par l’assemblée nationale togolaise.

C’est cet esprit « sain » qui est invoqué dans « le préambule aux réformes constitutionnelles » proposé par le rapport final de la CVJR, cité plus haut et exprimant fidèlement les nobles finalités de la « paix des braves togolais » : « la réconciliation nationale, la consolidation de la paix, le redressement social et économique, l’alternance politique pacifique ».