19/04/2024

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Togo: lettre de Kofi YAMGNANE au président CHIRAC

Monsieur le Président,

Le 5 février 2005, le Président Eyadéma meurt dans son avion qui fait demi-tour et revient se poser à LOME. Dès ce retour, les militaires décident de perpétrer un coup d’état au terme duquel ils installent le fils du défunt Faure Gnassingbé.

Le lendemain, celui-ci « prête serment » devant les officiers de l’armée et la Cour Constitutionnelle… Un « serment » improbable : « Nous…, élu Président de la République… . Une vraie imposture, que dis-je, une forfaiture qui, dans un Etat de droit, aurait disqualifié à jamais son auteur !

Mais au Togo, « Etat sauvage » s’il en est, l’armée fait allégeance à l’usurpateur, la Cour Constitutionnelle, censée garantir le droit accepte le « serment » en claquant les dents de peur ; l’Assemblée Nationale composée de « députés » godillots vote comme un seul homme la légalisation de la mascarade.

Aujourd’hui, le même Faure Gnassingbé est candidat à l’élection présidentielle et très tranquillement invoque la Constitution qu’il a foulée aux pieds pour interdire à certains candidats de se présenter, sous le seul prétexte qu’ils ne vivent pas au Togo depuis au moins 12 mois : un crime d’absence… il n’y a pas de limite au ridicule.

Laisser se dérouler une élection présidentielle le 24 avril prochain, c’est tout simplement cautionner une grossière mascarade électorale. Ceci est d’autant plus inquiétant que les premières informations qui nous parviennent du Togo concernant la préparation des opérations électorales ne laissent aucun doute sur le simulacre électoral que le RPT(parti au pouvoir) étale aux yeux du monde :

1. Fraudes : tous les mécanismes sont en place
– multiplication artificielle du nombre de bureaux de vote le long des frontières où le pouvoir, à coup de billets de banque, « achète » des électeurs originaires des pays voisins
– la distribution des cartes électorales n’obéit qu’à l’arbitraire : seuls les Togolais électeurs de 2003 ont accès à une carte. Tout se passe donc comme si entre 2003 et 2005 aucun Togolais n’avait atteint l’âge du droit de vote
– le nombre potentiel d’électeurs déclarés laisse pourtant pantois. Sur une population où les jeunes mineurs représentent entre 43% et 45%, on nous annonce sans rire 3.5 millions d’inscrits, soit près de 60% de la population !

2. Violences : bastonnades et ratonnades sont monnaie courante. On compte déjà 200 blessés graves et 20 morts. Le pouvoir donne lui-même l’exemple à ses supporteurs : « tous ceux qui ne voteront pas Faure Gnassingbé seront exterminés », ainsi s’est exprimé publiquement, à ANEHO, lors d’un meeting du samedi 26 mars, le Ministre de la défense, le général Tidjani

3. Corruption et concussion : on ne compte plus le nombre de sacs de céréales ni les tonnes de tubercules distribués à une population affamée par ceux-là même qui la « courtisent » aujourd’hui

4. Intimidations de toutes natures, menaces, insultes, humiliations… la chasse à l’opposant supposé est ouverte au Togo.

Devant un tel étalage d’injustices et d’incohérences, les Togolais sont déterminés à refuser le spectre programmé de la prolongation de la dictature, celle du fils après celle du père. Mais le peuple togolais est sans défense, sans arme et même sans espace pour se réfugier. Dès lors, comment peut-on imaginer des élections démocratiques dans un Etat de non droit ?

Dans ces conditions, des évènements graves et violents se profilent chez nous : ce qu’on peut craindre, ce n’est pas tant la guerre civile, puisque les partis sont inégalement armés, mais bien un génocide déjà planifié par les milices du pouvoir.

C’est parce que je ne veux pas que mon pays se transforme en un autre Rwanda que j’interpelle solennellement la communauté internationale sur son devoir de protection de tout un peuple. L’urgence n’est donc manifestement pas dans l’organisation à la hâte d’élections …Après ces 38 ans de terreur, le Togo peut patienter encore un peu, si c’est dans la paix et la sérénité, pour changer de régime et accéder à la démocratie et à l’Etat de droit. L’urgence est donc d’établir le dialogue entre les forces vives, d’ouvrir des négociations entre toutes les parties afin d’aboutir à un accord politique global qui crée les conditions primordiales à la conduite d’élections paisibles et transparentes.

Tout cela est encore possible à trois conditions :

1. La dévolution du pouvoir intérimaire à un Administrateur extérieur aux querelles intra togolaises, nommé, comme au KOSOVO ou comme en IRAK par la Communauté internationale : CEDAO, UA, UE, ONU.

2. La mise en place d’une force militaire de sécurité issue de la CEDAO durant toute la période d’intérim, comme la MINURCA en Centre Afrique pour prévenir tous conflits, en accord avec l’armée nationale.

3. Le rétablissement du dialogue et accord sur une période d’intérim aussi longue que nécessaire pour :
a) proclamer une amnistie politique générale
b) rédiger avec tous les acteurs politiques, les autorités militaires, la société civile, la diaspora, une règle consensuelle pour aborder sereinement les prochaines échéances électorales
c) établir les listes ainsi que les cartes électorales d) Organiser les élections présidentielles et législatives dans des conditions de transparence, de démocratie et de liberté.

C’est la seule façon pacifique de sortir de cette grave crise politique que connaît, une fois de plus, une fois de trop, notre pauvre pays. C’est ce que nous vous demandons de bien vouloir nous aider à mettre en place, au nom de la solidarité historique qui lie nos deux peuples. Dans l’attente de votre réponse que nous souhaitons favorable, nous vous prions, Monsieur le Président, d’agréer notre haute considération.

Le Président de SURSAUT TOGO

Kofi Yamgnane Ancien Ministre

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Courrier adressé à :
Jacques Chirac – Président de la République
Etienne Bassot, parlement européen – assemblée parlementaire paritaire
Ezio Perillo – Directeur général des politiques extérieures au Parlement européen
Christian H. Hubert – Commission des Affaires Etrangères au Parlement européen
Nathalie de La Palme – Ministère des Affaires étrangères
Pietro Ducci – Directeur de l’ observation des élections au Parlement européen
M. Juncker – Président de l’Union européenne

Association SURSAUT TOGO BP 49 29150 CHATEAULIN
Tél/Fax: 02 98 86 16 47 info@sursauttogo.org
CCP n° 6 773 77 B – RENNES