Par sa déclaration de retour d’Abuja le vendredi 18 février dernier, Faure Gnassingbé nous avait déjà livré un salmigondis constitutionnel qui constitue une insulte à l’ensemble du peuple africain et révèle à la face du monde, la vraie nature de ce régime. L’opposition togolaise devrait remercier les acteurs de cette pantomime de s’être à ce point mis à poil, car chaque jour qui passe rajoute une preuve de plus à ce qu’elle essaie de dire depuis près de 15 ans, sans réussir à se faire entendre.
De retour d’Abuja le vendredi 18 février dernier, Faure Gnassingbé nous avait livré un salmigondis constitutionnel qui constitue une insulte à l’ensemble du peuple africain. Tout au long du discours, l’on s’y perd si l’on s’essaie à deviner le texte constitutionnel qui régit le Togo, selon le « Fils de la Nation ».
Au début de son discours, pour justifier ce qu’il fait là, Baby Gnass fait référence aux différents charcutages intervenus le 6 février 2005, lesquels, tout le monde le sait, sont illégaux du fait de l’article 144 de la constitution. Ces modifications constituent une forfaiture grave et sont par ailleurs d’une idiotie grave pour deux raisons :
– voilà un président qui promulgue le 6 février 2005 des textes parmi lesquels rien de moins que la constitution sur laquelle il prête serment le lendemain, 7 février 2005.
– Le président de la Cour Constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire garante de la constitution, y va lui aussi de son coup de plume en modifiant oralement in situ, dans la salle où il reçoit le serment, la formule consacrée. Malheureusement pour lui, et bien qu’il ait répété la formule toilettée trois fois le « Président investi » qui devait avoir hâte d’en finir avec tout ce cinéma a répété fidèlement, sans en penser un piètre mot, la formule dont il avait copie sous les yeux et qui est la suivante :
» Devant Dieu et devant le peuple togolais, seul détenteur de la souveraineté populaire,
Nous Faure Gnassingbé, élu Président de la République conformément aux lois de la République, jurons solennellement :
– de respecter et de défendre la Constitution que le peuple togolais s’est librement donnée ;
– de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées ;
– de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toute nos forces à la promotion du développement, du bien commun, de la paix et de l’unité nationale ;
– de préserver l’intégrité du territoire national ;
– de nous conduire en tout, en fidèle et loyal serviteur du Peuple « .
Référence donc à la constitution du 7 février promulguée le 6 février pour expliquer à quel titre il nous tient son discours.
Puis pour expliquer ce qu’il envisage de faire dans les 60 jours, changement de décor et retour à la constitution version 22 septembre 2002 :
« …J’ai décidé de poursuivre le processus de transition conformément à la Constitution de 1992 amendée en décembre 2002 et d’organiser l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels de 60 jours… ». Par cette déclaration, Faure Gnassingbé pensait-il vraiment apporter une réponse aux multiples exigences de retour à l’ordre constitutionnel ? Soit Baby Gnass prend les Togolais pour des imbéciles, soit il est urgent de l’envoyer refaire ses études, aussi bien à l’Université de Paris-Dauphine qu’à Berkeley. C’est tout de même d’une loi fondamentale qu’il s’agit !!
Car en se référant à la constitution de 1992 amendée en 2002, Baby Gnass reconnaît que ce qui s’est passé les 6 et 7 février 2005 et par lequel il venait quelques instants plus tôt de justifier sa prétendue mission n’était que forfaiture. Forfaiture, donc nul et non avenu, qui plus est passible de poursuites imprescriptibles conformément à la loi. Le bon sens voudrait, dans ces conditions qu’il reconnût de lui-même que le président autoproclamé qu’il est, est ipso facto aussi nul et non avenu que les tripatouillages honteux (article 203 du code électoral, articles 65 et 144 de la constitution) par lesquels il prétend avoir été investi de la fonction présidentielle.
C’est qu’il n’est pas si simple de tordre le coup à la loi, surtout lorsque les textes sont aussi clairs que peut l’être une loi fondamentale. Le système RPT qui est passé maître dans l’art de tordre le coup à la loi pour lui faire légitimer ses actes se prend systématiquement les pieds dans le tapis et s’affale comme un clown, à chaque exercice.
C’est la raison pour laquelle les députés togolais ont spontanément décidé, ce 21 février 2005 qui n’est pas un jour du Seigneur, et sans faire grand cas des incompréhensions et pressions consécutives de la communauté internationale, d’annuler une partie des modifications dimanche 6 février 2005. Ils ont simplement oublié d’annuler la modification majeure du 6 février 2005, Baby Gnass, apprenti Timonier national, qui a impérativement besoin d’organiser les futures élections présidentielles, pour devenir le père de la nation, et consoler le peuple togolais de la catastrophe naturelle et nationale qui l’a frappé ce 5 février 2005. Le roi est mort, vive le roi.
Et retour à la constitution cru 2002 donc. Mais si l’on interroge les artisans de ce premier toilettage qui se trouvent de nos jours tous les deux en exil à l’étranger, jetés comme des kleenex mais vivants, ils ne manqueront pas de nous citer les mille et une raisons qui expliquent que les modifications de l’époque sont frappées de nullité. Qui sème le vent…
Il ne resterait donc que la vraie constitution de 1992, la seule vraie que le peuple se soit jamais librement donnée. Elle avait fait l’objet de moult discussions et modifications, y compris une ultime mission de bons offices du Pierre Mazeau auprès de l’une des innombrables commissions paritaires qu’ait connu le Togo depuis mars 1991. Il s’agissait, à l’époque déjà de calmer l’ire des militaires qui n’en étaient déjà pas à leur première auto-invitation dans le débat politique togolais.
Et sans ciller, Faure Gnassingbé poursuit son discours en parlant de confiance, d’intérêt supérieur de la nation, de sécurité, paix justice et stabilité. Parole de militaire de l’un, parole de Président investi de l’autre, paroles qui, somme toute, ne valent pas un pet de lapin.
Tout ce que les différents artisans de cette pantomime ont réussi à montrer à la face du monde, c’est que :
1) la constitution, qui est le texte fondamental de la République n’est pour eux rien de plus qu’un bout de papier avec lequel ils se torchent, une fois qu’ils ont réalisé leurs coups bas. Que dire alors des engagements écrits moins solennels, voire des promesses verbales ?
2) toutes les institutions du pays, assemblée nationale et cour suprême y compris sont de vils instruments au service du clan Gnassingbé qui se sert des uns et des autres à sa guise et jette après usage ?
Il appartient désormais au peuple togolais de faire comprendre à Faure et à sa clique de voyous que les pratiques du régime RPT n’ont plus de place dans « l’avenir radieux » qu’il s’apprête à conquérir de haute lutte, au terme d’un combat sans merci pour « briser partout chaînes et traîtrise »
La rédaction letogolais.com
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