25/04/2024

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Togo: Pour une transition indispensable

Pour le Clan Gnassingbé, le 13 est un chiffre fétiche qui porte bonheur et protection. Cette superstition n’a pas fonctionné dans la tentative du coup d’Etat présumé du 13 avril. Mais Faure Gnassingbé en a profité pour embastiller ses frères: Kpatcha, Essolizam, Bagoubadi, etc. En procédant ainsi, il révèle au grand jour les querelles intestines et la décomposition avancée du Clan. Il est à observer que cette tentative était précédée par un autre coup d’Etat, symbolique, à la Cour constitutionnelle qui a recalé le projet de reforme du code électoral du gouvernement.

En quête d’une légitimité introuvable à la suite de la captation sanglante du pouvoir, où surtout Kpatcha avait joué un rôle déterminant, Faure n’avait pas besoin de cet événement qui fragilise son pouvoir déjà bancal. Dans ce contexte la présidentielle de févier 2010 est incertaine quant à son organisation et à son issue.

En effet, le parti au pouvoir est conscient de son incapacité à remporter une élection sincère, transparente et non violente. Dans cette optique, la tentative de coup d’Etat serait une manœuvre dilatoire pour anesthésier les Togolais et mettre en place une stratégie de fraude. Or la configuration politique actuelle rend celle-ci difficile et aléatoire. Le Clan n’a plus ses soutiens tant internes (notamment l’armée et le corps judiciaire) qu’externes (en l’occurrence la France). Depuis le départ de Chirac, l’idée que le Clan Gnassingbé ne puisse plus être au pouvoir a fait son chemin en France, et surtout au Togo et même au sein du Clan où Kpatcha serait le symbole manifeste. Si la présidentielle de 2010 est organisée, elle serait ouverte et la victoire probablement à la portée de l’opposition. A cet égard, malgré sa popularité réelle, le leader du principal parti d’opposition, Gilchrist Olympio, ne rassure pas aussi bien à l’intérieur qu’extérieur.

A l’intérieur. Par exemple, il est dommage que Gilchrist Olympio évite cette réalité incontournable qui est que, l’armée majoritairement composée d’hommes du nord du pays, est l’épicentre de la dictature des Gnassingbé. A ces militaires, Gilchrist ne propose aucun projet concret et semble les ignorer. Considérés comme privilégiés de la dictature Eyadema, les habitants du nord qui veulent aussi le changement comme tous les Togolais, s’interrogent. La composition du Bureau national de l’UFC à l’issue de son congrès de juillet 2008 renforce leurs interrogations et leurs inquiétudes. La défection de Marc Palanga, d’Amah Gnassingbé, d’Antoine Bodjona et de Seydou Issa ne saurait justifier ce manque d’ouverture du parti qui se traduit aussi au niveau du Groupe de réflexion de sa Fédération internationale qu’Eric Armerding vient de constituer au sein de la diaspora. Ce groupe est exclusivement composé du Clan Olympio, ce qui apporte de l’eau au moulin des extrémistes du RPT comme Gilbert Bawara.

A l’extérieur. La France est disposée à travailler avec Gilchrist Olympio: la preuve est qu’il a été reçu par Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie, et Bruno Joubert, «Monsieur Afrique» de l’Elysée. Cependant, elle n’entend pas signer à Gilchrist Olympio un chèque en blanc à partir du moment où sa formation qui est majoritaire dans le pays n’a pas su rassembler toute l’opposition, ainsi que les diverses personnalités publiques autour d’elle. Dans ces conditions, comment peut-il convaincre nos partenaires au développement qui ne voient en lui aucun gage de stabilité dans ses choix politiques ? L’Union européenne est également dans ce même état d’esprit d’hésitation que la France. Aussi longtemps que Gilchrist Olympio restera dans une position clanique, incapable de transcender les clivages ethniques et le mépris historique de la caste bourgeoise côtière envers la plèbe et le pays profond, qu’il le veuille ou non, il devient un des termes de l’équation politique togolaise: l’alternance au pouvoir.

Après une dictature presque quinquagénaire, il est illusoire de croire que les seules popularité et onction électorale suffisent à jeter les bases d’un régime démocratique. Parce qu’il y a une forte pétrification des enjeux, des attentes et des frustrations qui peut devenir explosive et incontrôlable si un travail sérieux n’a pas été effectué. Jusqu’à ce jour Gilchrist Olympio, qui ne sait pas ce qu’il veut et ne sait pas ce qu’il ne veut pas non plus, ne semble pas conscient de cette réalité, pourtant énorme qui devait interpeller tout homme politique averti. Son accession au pouvoir risque d’entraîner beaucoup de désillusions. Pour les uns ce sera l’heure de la contre-revanche du sud, sinon du clan Olympio, et pour les autres l’heure de la contre-action, avec tous les ingrédients d’une implosion possible.

Dans la confusion actuelle, une transition est la voie indiquée. Nous pensons que Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’UFC, et François Boko, ancien ministre de l’Intérieur sont à même de la conduire. Les deux sont complémentaires et représentent une nouvelle génération d’hommes politiques en phase avec les réalités de notre pays. Ce tandem a le mérite de rassurer et les Togolais dans leur grande majorité en dépassant le clivage nord-sud, et l’armée, et aussi la France, voie de passage obligée pour qui veut sérieusement accéder au pouvoir dans un pays africain francophone. Si Faure Gnassingbé est cohérent avec son message de somnambule à la nation du 17 avril déclarant que «jamais plus la politique ne doit faire couler le sang au Togo», il ne lui reste qu’une seule chose : la démission pour que cette transition se fasse le plus pacifiquement possible dans l’intérêt de tous les Togolais.

Paris, le 20 avril 2009
Aregba Waste (Bordeaux)
Brassier Tido (Paris)
Comi Toulabor (Bordeaux)