Le GRAD, en ce début d’année, a choisi pour toutes les Togolaises et pour tous les Togolais, la santé, la paix, la joie, la prospérité et, surtout, le changement auquel ils aspirent ardemment. Il reste persuadé que 2008 sera l’année d’un nouveau système que nous appelons de tous nos vœux. Cela nécessite au préalable que chacun fasse une introspection pour chasser de son cœur toutes sortes de vielles choses accumulées en vue d’adapter ses comportements et ses modes de fonctionnement à notre désir commun de vivre ensemble dans l’amour et dans la paix. Il nous faut dès lors, cultiver les valeurs fondamentales qui peuvent nous inspirer ou, mieux encore, nous rassembler. Pour le GRAD, tout ceci n’est possible que si le Togolais retrouve sa dignité. En vous souhaitant une bonne et heureuse année 2008, le GRAD est heureux de pouvoir partager avec vous ses idées sur la reconquête de la dignité.
La reconquête de la dignité du citoyen togolais
Le Groupe de Réflexion et d’Action pour le Dialogue la Démocratie et le Développement (GRAD), continue de porter son regard critique sur la délicate situation socio politique du Togo, surtout au lendemain des élections législatives du 14 octobre 2007. Il fait les constats et les recommandations suivants:
1. La classe politique est décrédibilisée car, elle semble se préoccuper peu de l’intérêt général. Ses principaux acteurs sont plus passionnés par les avantages et privilèges attachés à leurs fonctions. Ils s’efforcent même d’institutionnaliser ces privilèges tout en cherchant à se préserver de toute alternance au poste. Leur devise «j’y suis j’y reste peu importent les résultats acquis», les rend allergiques à tout ce qui s’apparente à la diversité. Ils affectionnent les cumuls de postes et de mandats.
2. Les nouveaux prétendants, sans stratégies propres ni programmes, s’associent, sans état d’âme, à tout ce qu’on leur propose. Et, pourtant, nous ne sommes plus au temps du parti unique où le choix de la carrière politique était pratiquement imposé. Aujourd’hui, devenir d’abord Ministre, même sans portefeuille, semble être l’objectif primordial. Mais, pour ce qu’on doit faire pour l’avènement de la démocratie et pour l’émancipation de notre chère patrie devient une préoccupation mineure et rejetée à plus tard, aux calendres grecques.
3. La Chefferie traditionnelle, de plus en plus déconsidérée par les autorités politiques, manque de moyens appropriés et d’encadrement adéquat. Son autorité s’est effritée au fil du temps, au point que la population ne lui accorde plus aucun crédit. Elle est de moins en moins acceptée par celle-ci qui voit en elle une institution manipulée.
4. La jeunesse est synonyme d’insécurité. Elle est considérée comme le facteur déstabilisant pour la société. On ne lui témoigne aucun égard et on se plait à évoquer son manque de civisme et ses errements politiques. Elle est traitée de frondeuse inconséquente, de manipulée, d’incontrôlée, de liseuse de motion, mais jamais de chercheuse d’emploi sécurisé. On se refuse de l’écouter, de l’amener au dialogue et aux débats sérieux sur les enjeux du pays. Ainsi, le mot jeunesse rime avec la rue et la violence.
5. Le débat est, au niveau de l’Etat, très personnalisé comme au temps du parti unique. Dans les discours officiels, c’est le chef seul qui initie et décide de tout. C’est sous son impulsion, et mieux, avec son implication personnelle, que tout se fait. Est-ce un aveu d’incompétence des collaborateurs, une preuve d’humilité ou la reconnaissance d’une dette morale envers le Chef? On ne saurait le dire.
Il en résulte:
1. Le concept galvaudé de la démocratie
2. L’achat de conscience qui s’est généralisé et touche à toutes les couches sociales.
3. Les récupérations qui font recette
4. Le vote du citoyen togolais qui se fait davantage sans conviction pour des personnes et non pour des programmes qui d’ailleurs sont rares
5. le culte de la personnalité qui reprend et qui ne cadre pas avec la démocratie.
Ces faits extrêmement graves interpellent tout Togolais à une réflexion de fond sur les raisons qui ont conduit à ces actes et sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
Le Togo est un pays multiethnique et multiculturel. Quelle richesse incommensurable pour ce petit pays! C’est ainsi qu’il faut le comprendre, l’accepter et œuvrer à y réduire les discriminations de tout genre afin de permettre à ses fils de vivre ensemble. Malheureusement les problèmes y sont nombreux. Le plus important et seul dénominateur commun se trouve être la paupérisation généralisée à laquelle ont conduit la population les quarante années de gestion calamiteuse du Togo.
La pauvreté: source de perte de l’estime personnelle
Les richesses sont aujourd’hui dans les mains d’une minorité qui demande à la majorité des efforts qu’elle se refuse elle-même de faire. Ainsi, l’écart se creuse chaque jour davantage entre riches et pauvres. La situation et l’ampleur de la pauvreté rapportées dans l’étude diagnostique de 1994 et les différentes enquêtes QUIBB (Questionnaire Unifié des Indicateurs de Base du Bien-être) révèlent une évolution inquiétante du phénomène. De nombreuses familles vivent dans la précarité et dans une extrême pauvreté. 72 % de la population sont pauvres et 57 % le sont à l’extrême avec des seuils de revenus respectifs de 90 000 F. CFA (164 équivalents US dollars) et de 70 000 F. CFA (127 équivalents US dollars) par an. La plus récente enquête QUIBB, réalisée en juillet/août 2006, montre que l’incidence de la pauvreté monétaire est de 61,7 % de la population soit environ 3.242.257 individus repartis dans 535.486 ménages. La pauvreté est plus accentuée en zones rurales (79,9 %) où l’incidence est de 74,3 %. Elle touche plus les femmes, les enfants de bas âges, les vieillards et les enfants abandonnés, les handicapés, les chômeurs et les personnes déplacées. En terme géographique, les pauvres se concentrent dans les régions, maritime et des Plateaux qui totalisent, tous deux, 44,6 % des pauvres du pays suivi des régions Centrale et Kara et de la région des Savanes où l’incidence est la plus élevée (90,5 %). Un documentaire produit avec l’appui de la Banque mondiale est difficile à visionner en raison d’images pénibles à voir. C’est une offense à nos valeurs car, pour les Togolais, «un individu pauvre vit aux dépens des autres et est synonyme de perte de l’estime personnelle». Voilà pourquoi le Togolais, victime de l’indigence, ne se respecte plus et ne respecte plus son voisin. Ce n’est donc pas de gaîté de cœur que les citoyens vendent leur conscience. Que leur faudrait-il pour reconquérir leur dignité perdue ?
La démocratie: un concept universel
Le GRAD se demande, si, au Togo, on peut faire de la politique en restant digne de la confiance des autres, en témoignant de la fidélité et de la solidarité envers ses compatriotes, et par-delà, de la nation ? Pour le GRAD, vouloir la démocratie et l’Etat de droit, est un engagement qui requiert beaucoup de lucidité, c’est-à-dire, percevoir les problèmes, leur apporter les solutions adéquates, faire preuve de courage, d’honnêteté et de respect envers tous ceux qui nous font confiance et, surtout, être solidaires avec eux. Il s’agit, au demeurant, de se mettre à leur service sans se prévaloir de ses propres intérêts immédiats. La démocratie, concept universel, ne saurait se limiter à une simple rhétorique, lorsque l’on sait, soi-même, qu’on est prêt à la brader à n’importe quel prix, avec ce risque de la transformer en un self-service qui ne correspond pas à l’attente des citoyens. Le GRAD pense qu’il est de l’intérêt des pouvoirs publics de voir le changement tant souhaité par le peuple aboutir. Que faire et pourquoi y a-t-il tant de difficulté à y parvenir ? Le GRAD pense que nous disposons, aujourd’hui, de suffisamment de recul, pour évaluer la part de responsabilité des différents acteurs de la classe politique et de la société civile dans l’échec de notre processus démocratique et les conséquences de cet échec. Car, comme le dit le penseur TCHOUANG, «la plupart des hommes politiques qui assurent le Gouvernement de ‘’ l’Etat ‘’ voient les avantages du système instauré.., mais non ses défauts, en sorte qu’ils s’abandonnent à la fortune dans le Gouvernement d’une nation. Ainsi, la ruine est presque certaine : on a à peine une chance sur dix mille de s’en tirer».
Quel est aujourd’hui notre idéal?
Rappelons qu’il y a eu ici dans notre pays des Togolais qui se sont montrés dignes. Le cas, entre autres, «des déportés de Mango», au début des années 20, qui ont été conduits hors de leur milieu pour avoir refusé de signer avec les colons français des accords contraires à leur conviction. C’est un exemple de dignité à suivre.
Une meilleure prise en charge de l’administration de l’Etat
L’effet de cette pauvreté se sent même au niveau de l’Etat. Le manque de responsabilité, clairement définie et bien assumée, engendre des comportements peu orthodoxes qui faussent la règle du jeu. En effet, est-il besoin, que des fonctionnaires des Institutions de Bretton Woods réunissent presque tout le cabinet ministériel pour lui rendre compte des conclusions de leur mission. Cette particularité togolaise amène à s’interroger sur l’organisation réelle de notre administration. Il n’est pas rare de voir les Politiques se substituer aux techniciens qui eux ne font que de la figuration. Un homme politique soucieux du bien commun doit réunir des qualités exceptionnelles, être un organisateur sachant motiver les hommes et un éducateur hors ligne à travers son comportement et ses exemples pratiques.
Il est temps de localiser clairement la responsabilité finale des décisions et d’établir une complémentarité entre les fonctions et entre les hommes. Le Togo doit se prendre en charge et s’affirmer vis-à-vis des institutions étrangères pour ne pas tirer prétexte de tout échec éventuel du programme du gouvernement pour dire aux Togolais que c’est le FMI et la Banque Mondiale qui ont dicté au Togo le programme. Dans ce contexte, il aurait été plus sage d’avoir une vision et un programme conséquent à soumettre et à discuter avec les partenaires en développement plutôt que d’attendre de ces derniers les directives sur ce que nous devons faire pour notre propre développement. Cela rendra la tâche plus facile pour les parties en présence et donnera plus de sens à la souveraineté du pays qui a un contenu au-delà du mot.
Soulager la misère et rendre le Togolais digne
Le Togo vient d’initier, avec le concours des institutions de Breton Woods, un programme de réduction de la pauvreté qui doit, en principe, permettre de corriger les symptômes les plus criants et d’enrayer la misère en pesant sur les facteurs qui y conduisent et en apportant les moyens pour en sortir. Les attentes des populations tournent autour de trois points : le soutien dans le domaine social : (éducation, santé, eau potable, approvisionnement en produits de premières nécessité), la promotion de l’emploi des jeunes, activités génératrices de revenus, accès au crédit), la promotion de la bonne gouvernance qui débouche sur plus de justice, moins de corruption et une équité dans la récompense de l’effort de chacun.
La situation politique a quelque peu évolué avec les élections législatives du 14 octobre 2007. Les résultats du scrutin montrent clairement, au-delà de leur interprétation officielle, que les Togolais ont voté pour le changement de politique. La nouvelle Assemblée qui en est issue doit fonctionner et poursuivre les reformes institutionnelles et constitutionnelles prévues dans l’Accord Politique Global (APG). Les partis qui ont gagné ces élections doivent assumer leur entière responsabilité et favoriser les dites reformes notamment : la mise en place du Sénat, de la Cour des Comptes, du Conseil Economique et Social. Ils doivent veiller à l’assainissement économique et financier (loi des finances et loi des règlements des finances), revoir les mécanismes générateurs de recettes et œuvrer à instaurer le dialogue à tous les échelons entre pouvoirs publics et les secteurs privés et communautaires. Par ailleurs, ils doivent se préoccuper de l’élaboration et de l’application des lois sur la décentralisation avant les élections locales.
Voilà pourquoi, tous ceux qui prônent le changement doivent honorer leurs promesses et relever le défi de reconstruire le pays et d’y réduire la pauvreté. Il faut pour cela des reformes assorties de politiques cohérentes et intégrées et un marché de travail prospère. Il faut s’attaquer à l’inégalité.
C’est pourquoi avant de se réjouir de la reprise de la coopération, il faut au préalable se convaincre que notre réussite dépendra de nous-mêmes et non des autres. L’argent des bailleurs ne sera en définitif qu’un appoint ou un catalyseur. La véritable tâche qui nous incombe c’est de nous doter d’un système qu’il nous faut bâtir. La réussite de nos objectifs économiques et sociaux passe par la prise de conscience des gouvernants et aussi des gouvernés. La primauté et l’importance de la bonne gouvernance sont fondamentales et constituent, au reste, des préalables à cette réussite. Les reformes à engager doivent avoir comme priorités : la mise en place des institutions opérationnelles, l’instauration d’une réelle transparence si l’on veut mettre fin à la corruption, et promouvoir le respect des droits de l’homme et de la démocratie. La culture de rendre compte doit désormais s’insérer dans nos mœurs.
Aujourd’hui, la majorité des Togolais parle du découpage électoral comme si c’est le talon d’Achille, car elle estime que c’est un point qu’il va falloir aborder avec toute l’attention requise. En effet, l’équité des prochaines échéances électorales en dépend énormément. Dans le nouveau gouvernement, le portefeuille de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales est confié à une personnalité du RPT, parti qui est le grand vainqueur des élections législatives. Est-ce pour souligner l’importance de ce ministère dans l’organisation des futures élections locales que celui-ci est érigé en Ministère d’Etat ? Le GRAD qui attache une grande importance à ces élections pour la promotion de la démocratie à la base, invite tous les Togolais à rester attentifs et vigilants aux propositions et aux changements qui vont leur être soumis à cet égard et à s’opposer à ceux qui n’iraient pas dans le sens de l’équité.
Lomé le 4 janvier 2008
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