16/04/2024

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Yawovi Agboyibo:  » Ce qui s’est passé au Burkina va changer les données au Togo « 

Par Christophe Boisbouvier
Diffusion : jeudi 6 novembre 2014

Maître Yawovi Agboyibo est président d’honneur du Comité d’action pour le renouveau au Togo (CAR)

Une semaine après la chute de Blaise Compaoré, les quinze chefs d’État d’Afrique de l’Ouest doivent se réunir ce jeudi à Accra, au Ghana, pour discuter de la situation au Burkina Faso. Comment réagissent à cet évènement les populations d’Afrique de l’Ouest ? Au Togo, maître Yawovi Agboyibo est la grande figure de l’opposition modérée. Président d’honneur du CAR, le Comité d’action pour le renouveau, il a été Premier ministre de Faure Gnassingbé de 2006 à 2007.

RFI : Yawobi Agboyibo bonjour. Que vous inspire la chute du régime de Blaise Compaoré ?

Yawobi Agboyibo : Il ne faut pas surestimer les qualités et les atouts personnels dans la gestion d’un pays. J’ai eu à côtoyer le président Blaise [Compaoré]. J’avoue que c’est un homme de grande qualité et il a surestimé les limites de ses qualités personnelles. Parce que ses qualités ne suffisent pas seules pour bâtir un Etat. Il faut qu’on ait en place un système de gouvernance.

RFI: Et pour une bonne gouvernance faut-il l’alternance ?

Ah oui ! Mais après tant d’années passées à la tête de l’Etat burkinabè ce n’était pas sain que le président Blaise [Compaoré] ait cherché à manipuler la Constitution pour pouvoir rester.

RFI: Le départ de Blaise Compaoré c’est une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle pour le Togo ?

Ce n’est pas sans raison que le monde entier s’est réjouit du départ de Blaise ! C’est incontestablement une bonne nouvelle pour tous les Togolais.

RFI: Et pourquoi ?

Parce qu’il faut quand même que la République ait une raison d’être. On ne va pas vivre dans une République comme dans une monarchie ! Et ce qui s’est passé au Burkina Faso s’apparente davantage à une monarchie qu’à une République !

RFI: Est-ce que cette révolution populaire peut avoir une résonance dans votre pays, le Togo ?

Ah oui ! Je crois que nécessairement on peut en tirer des leçons au Togo ! Parce que si on essaie de regarder de près, les causes elles sont là. Il y a la question de la longévité au pouvoir, mais il y a surtout la question de la manière de gouverner les richesses nationales de façon à ce que toutes les couches [sociales] puissent en jouir au même titre.

RFI: Du côté du pouvoir, chez vous, on dit que le Togo n’a rien à voir avec le Burkina Faso car depuis 2003 il n’y a plus de limitation du nombre de mandats présidentiels.

… Nous avons été à Ouagadougou en 2006. Un accord a été signé. Cet accord contient un certain nombre de prescriptions, dont celle concernant la limitation du mandat. Donc que ce soit au Burkina ou au Togo, la nécessité de limiter le mandat présidentiel s’impose partout !

RFI: L’accord politique global signé entre le pouvoir et l’opposition togolaise en 2006 prévoyait la limitation du nombre de mandats présidentiels ?

Oui, c’était un des points importants de réforme à opérer. Personne ne le nie !

RFI: Cet accord n’a jamais été appliqué

Oui !… En fait il y a eu trop d’hésitations. Et jusqu’à ce jour ce n’est pas fait. C’est dommage… Et je crois que partout et dans toutes les couches sociales, tout le monde s’attend à ce qu’on tire des conséquences de ce qui s’est passé au Burkina pour procéder aux réformes.

RFI: Est-ce qu’en pratique ce qui s’est passé au Burkina change les conditions de l’élection présidentielle au Togo dans quelques mois ou pas ?

Ah oui ! Je crois qu’on ne peut pas, dans une situation de flou institutionnel qui est celle du Togo à ce jour… Parce que, au fond, on sait qu’il y a un certain nombre de réformes à opérer avant toute élection et toutes les tendances de l’opposition réclament cette gouvernance. Le pouvoir en est conscient. Il y a un texte qui a été envoyé à l’Assemblée, cela signifie qu’il faut ces réformes. Je ne vois pas comment on peut s’y dérober en étant à la tête d’un Etat qui entend être pris au sérieux.

RFI: Oui, mais ça ne va pas empêcher le président Faure Ngassingbé de se représenter dans quelques mois pour un troisième mandat !

Il est trop tôt pour dire que le président Faure n’a pas tiré des leçons de ce qui s’est passé au Burkina. Le président Faure sait qu’il y a une nécessité d’être à l’écoute de son peuple et d’être à l’écoute des événements qui se passent partout sur le continent et ailleurs. Cela fait des années qu’on voit des élections sans issue. Moi je suis de ceux qui sont convaincus que ce qui s’est passé au Burkina va changer les données au Togo avant les élections.

Et j’ai observé avec intérêt qu’on essaie de dégager du processus d’assainissement de la situation au Burkina Faso, les militaires. Et cela vaut pour tous les pays ! La force ne peut pas être l’instrument dominant de commandement et de construction d’un Etat moderne !

RFI: Est-ce que vous serez candidat à l’élection présidentielle de l’année prochaine ?

Vous savez, il y a des passionnés, je dirais même des malades du pouvoir. Moi je suis un passionné de la gouvernance. Qu’est-ce qui faut faire pour que les richesses nationales soient équitablement partagées ? C’est ça ma passion. Donc le problème de savoir si on va être candidat ou pas, ça c’est le problème du destin. Je n’y consacre pas l’essentiel de mon énergie.

RFI: Et si vous n’êtes pas candidat est-ce que vous soutiendrez le candidat Jean-Pierre Fabre ?

Vous savez, on ne peut pas dans une situation marécageuse chercher à être candidat, chercher à être président. Il faut d’abord assainir le marécage…