26/04/2024

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Togo : Les difficultés de l’industrie touristique togolaise

Par Tido BRASSIER

Dès les années 1960, avec la construction de l’hôtel Le Bénin, le premier gratte-ciel togolais, ce géant de 7 étages en bordure de mer, le Togo a connu son plein régime en matière touristique jusqu’en 1990, l’année du déclin programmé de ce secteur par le système Rpt et le dictateur Gnassingbé père.

Nous verrons dans un premier temps, comment ce secteur fut lancé, les indicateurs économiques qui ont accompagné son développement, les avantages liés à l’environnement, ensuite, les inconvénients qui ont précipité son déclin, ainsi que l’imposture des politiques d’incompétences du système Rpt et les hommes non formés nommés par le dictateur père à la tête du Haut Commissariat au Tourisme pour exécuter le délit de « sabotage économique » du Togo.

Nous verrons également la gestion opaque et clanique, le népotisme, l’arbitraire et le système de corruption mis en place qui caractérisaient la gestion du Haut Commissariat au Tourisme, sa faillite financière qui a entrainé la fermeture des circuits et hôtels du Togo. Une gestion sans traçabilité des opérations financières, des mouvements de fonds sans écriture comptable.

De 1960 à 1980, soit pendant vingt ans, période qui correspond aux phases de lancement, de développement et de maturité d’un produit sur le marché, œuvre réalisée par Sylvanus Olympio, dont le point de départ fut la construction de l’hôtel Le Bénin, le tourisme togolais est vite rentré dans une telle croissance que le secteur privé en est largement bénéficiaire. Ils étaient nombreux, nos compatriotes les plus entreprenants devenus propriétaires de petits et moyens hôtels qui « poussaient » partout comme des champignons en temps de pluie, dont l’hôtel Tropicana, l’hôtel Ahodikpé et de nombreux autres petites structures de maisons individuelles à étages avec parking et jardins privés.

A longueur de journée, la ville de Lomé est comparable à un melting-pot où Européens, Américains, Canadiens, et autres nationalités sillonnaient les quartiers à la découverte des merveilles de notre culture typiquement togolaise.

Cette présence massive de touristes liée à l’environnement politique stable a généré de nombreux emplois en amplifiant la croissance économique par une relance extraordinaire de la consommation d’une façon continue jusqu’en 1990.

Pendant cette période, l’artisanat a connu un essor exceptionnel, les domaines tels que la sculpture, la peinture, ont bénéficié non seulement de la rentabilité de l’activité économique, mais aussi la créativité des artistes nationaux dont les carnets de commandes augmentaient de façon constante.
Les Togolais se rappellent certainement du centre culturel Hôtel Tognéviadji dans la rue du commerce où se déroulaient de nombreux spectacles, un endroit où se croisaient les artistes, le savoir, la créativité, l’émotion, et la sensation de la scène.

Ainsi, le développement de l’économie informelle était proportionnel à l’activité touristique, la restauration en plein air tenue par les bonnes femmes de Lomé vendant du riz, du foufou, du haricot et diverses sauces locales attiraient la curiosité des touristes qui aimaient se nourrir comme les Togolais pour changer des pommes de terre et du camembert ordinaire.

En matière de croissance liée à la relance de l’activité économique, sur tout secteur confondu, informel et non informel, il faut prendre en compte tout ce qui est livré aux hôtels en termes d’approvisionnement dont les fruits et légumes, ainsi que les fameuses cuisses de grenouilles qui sont une demande particulière de la clientèle internationale de luxe.
La demande du marché concernant les cuisses de grenouilles est toute une niche commerciale tenue par les jeunes de Lomé qui ratissent à longueur de journée après l’école, les marres et marigots à la recherche de grenouilles pour gagner un peu d’argent et il n’y a aucun complexe à travailler pour aider ses parents.
Les pêcheurs de Lomé livrent langoustes et divers poissons aux hôtels dont la demande augmente toutes les saisons. Les manufactures de vêtements tenues par les femmes produisent de nombreux boubous, robes, jupes et pantalons dans les motifs fantaisistes variés aux couleurs tropicales pour leurs ambiances festives à l’africaine.

L’activité touristique nocturne est largement dominée par les nombreuses boites de nuits tenues par des Togolais et des étrangers dont les recettes se situent 50.000 et 100.000 francs CFA par nuit selon les saisons.

Le tourisme a également contribué au développement de l’activité rurale, car nombreux sont les paysans qui ont développé à côté de leur culture de maïs et d’ignames, la production du charbon de bois et l’élevage pour satisfaire la demande des hôtels et des ménages.

Il est important de conclure cette première analyse par le fait que la consommation liée à l’essor de l’industrie touristique entre 1960 et 1980, est d’une telle densité que tout Togolais entreprenant ou actif dans le domaine du « business » trouvait à faire, et les « Hommes de Développement » ont émergé partout sur le territoire national. La diaspora n’avait plus qu’un seul rêve à réaliser, celui de rentrer au pays pour s’insérer dans le tissu économique bouillonnant.

A partir des années 80, le cycle de vie de l’industrie touristique togolaise en tant que produit et service lancés depuis 1960, et qui a connu une croissance spectaculaire, va amorcer sa phase de déclin, c’est la caractéristique de vie de tout « business » gagnant, dont la politique produit dépend des aléas du marché.
Les Ingénieurs marketing post universitaires reconnaissent tous que le cycle de vie d’un tel secteur porteur sur le marché s’essouffle au-delà de vingt années de maturité, ainsi, il y a lieu de relancer l’activité économique par la création d’une valeur ajoutée pour redynamiser le produit.

Ainsi, au lieu de développer la capacité attractive du Togo en matière de tourisme, le dictateur et le système Rpt, vont se lancer dans la politique des grands travaux sans aucun intérêt pour la population, en l’occurrence, la construction des hôtels tels que : Sarakawa et le 2 février disproportionnés par rapport à l’environnement et au plan d’urbanisme de Lomé.
Vu les noms que ces deux hôtels portent, nous voyons bien que nous sommes dans un cadre politique stricte et non touristique, le tout habillé par l’arbitraire qui caractérise depuis toujours le régime despotique des Gnassingbé au Togo.

On aurait pu encore s’arrêter à la construction de l’hôtel de la paix, puis développer nos régions touristiques et les infrastructures d’accès pour équilibrer le développement national. Mais pour arriver à la prédation de ce secteur rentable, le dictateur et ses complices vont créer le Haut Commissariat au Tourisme à l’image de l’OPAT en ce qui concerne les produits agricoles du Togo et de rentes tels que le café et le cacao, pour mettre en place un système de corruption nationale qui va leur permettre de vider toutes les caisses de l’industrie touristique du Togo, en mettant tous les acteurs de cette chaîne de réussite sur la paille.

Toutes les richesses produites par le complexe hôtelier togolais en termes de recette, s’agissant de l’hôtel Le Bénin, l’hôtel de la paix, l’hôtel Sarakawa, l’hôtel du 2 février, l’hôtel Kara, l’hôtel du 30 août etc. sont détournées vers Lomé 2 qui est la résidence du dictateur Eyadéma via le Haut Commissariat au Tourisme. Il faut savoir à cet effet, que c’est le dictateur lui-même qui nommait par décret présidentiel le Haut Commissaire au Tourisme pour que ce dernier applique sa politique de prédation des richesses nationales.

Ainsi, de prédation en prédation, ces nombreux hôtels ne sont plus entretenus, les caisses étant vides, les directeurs – gérants – managers ne pouvaient plus honorer les contrats de maintenance des ascenseurs, escaliers mécaniques, les factures d’eau et d’électricité, ni les autres prestations de services liées à l’activité touristique. L’hôtel Le Bénin sera fermé et transformé plus tard en centre d’apprentissage pour les commis en cuisine et pâtisserie.
Les jeunes qui fournissaient poissons, langoustes, fruits et légumes, cuisses de grenouilles aux hôtels se retrouvaient brusquement rattrapés par l’oisiveté.

Le service exigé par la clientèle internationale n’étant plus de qualité, ces hôtels aux normes de 3, 4 et 5 étoiles de luxe sont descendus en réalité à une étoile si l’on compare le complexe hôtelier togolais à celui du Kenyan par exemple.
Moralité, les touristes n’ont pas de « billes » à mettre dans l’improvisation surtout concernant leurs vacances qui sont sacrées.

On assista alors dans les années 80, au dépôt de bilan des hôtels les uns après les autres, à commencer par l’hôtel Tropicana dirigé par un groupe Germano-togolais, ensuite les autres initiatives privées dont l’hôtel Concordia à Kpalimé sont tombés en ruine, portes et fenêtres murées.

L’hôtel de la paix, l’hôtel Sarakawa, et l’inutile hôtel du 2 février, en lieu et place d’un dépôt de bilan dans les années 80, les dirigeants du système Rpt ont préféré confier leur exploitation aux groupes internationaux dont Accor, sans véritable politique touristique, la preuve en est que Monsieur Georges T. Brown, PDG du groupe au Togo avait claqué la porte au nez du dictateur togolais en 1986.

La prédation des ressources nationales et la corruption organisée en réseaux mafieux par le système Rpt et le dictateur père mettaient fin à l’industrie touristique togolaise dans les années 1990 sur toute l’étendue du territoire national.

En 2002, certains Tour Opérateurs et Agences de Voyages parisiens avaient créé le circuit Togo-Bénin, commençant par la cité lacustre de Ganvié, puis le royaume d’Abomey et autres sites béninois, et finissant par le Togo. Une fois ce produit lancé sur le marché, les initiateurs se sont aperçus avec regret, qu’il fallait amputer très vite, la partie togolaise du produit, du fait des informations rapportées par la plupart des clients européens : il s’agit de l’éternelle insécurité politique. Les sites touristiques de Kpalimé, ville située à 110 Km de Lomé dont la durée du voyage est comprise entre une et deux heures, se réalise dans les faits au-delà de quatre ou cinq heures à cause de ces nombreuses fouilles de militaires, policiers, gendarmes et douaniers, qui rackettent au passage les touristes et les honnêtes voyageurs Togolais allant ou revenant de l’intérieur du pays.

Si la transition issue de la conférence nationale souveraine de 1992 à Lomé, était allée à son terme légal, le Togo serait sans doute aujourd’hui, un pays démocratiquement stable comme le Bénin et le Ghana, avec une économie nationale prospère, et l’industrie touristique tournerait à plein régime en créant de milliers emplois.

Tous ces problèmes ont été évoqués aux assises de la conférence nationale dans le souci de redynamiser l’économie nationale par la relance de l’activité dans ce secteur porteur de croissance, cela suppose, une véritable gestion transparente de toutes les sociétés d’Etat, pour que les Togolais profitent des retombées économiques et surtout de la redistribution des richesses nationales par la baisse des impôts sur l’activité économique, la baisse des prix du carburant, plus d’éclairage public, et d’autres nouvelles infrastructures.

Ce qui permettra aux touristes du monde entier de revenir en toute confiance et de contribuer à au développement au Togo (grâce à leurs devises), c’est de mettre fin à la mauvaise gouvernance. Le tourisme et la dictature n’ont jamais fait bon ménage.