19/04/2024

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Afrique empire colonial perpétuel ?

Par Armand ADOTEVI (*)

Durant de longs mois, sur tous les tons et au moyen de tous les modes que les outils modernes de communication permettent, le candidat de l’UMP affirma à la France entière et accessoirement à la communauté internationale que si les françaises et les français lui faisaient l’honneur de l’élire à la plus haute fonction de l’État, ce sera l’avènement d’une modification significative dans la pratique politique en (sic) « rupture » avec les pratiques politiques du passé.

À Bamako, à Cotonou, le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle asséna ses vérités aux africains au nom de la « rupture » !

Dans l’affaire relative à la tentative d’enlèvement de Cent Trois (103) enfants mineurs Tchadiens par préméditation, usage de manœuvre, abus de confiance et soustraction d’enfants mineurs à l’autorité parentale l’infraction est constituée sur le fondement des dispositions prévues en matière pénale par le Code pénal Tchadien.

La juridiction Tchadienne saisie a donc autorité pour *connaître de cette affaire, *mener toutes investigations utiles et *dire le droit par application des dispositions de la loi pénale de la République du Tchad, pays dans lequel l’infraction a été commise.

Cependant, dès lors qu’un Accord en matière judiciaire lie le pays où l’infraction a été commise et le pays dont les auteurs présumés de l’infraction détiennent la nationalité, il y a lieu à ne pas occulter les termes de l’Accord.

Ayant pris le soin de compulser le contenu de l’Accord en matière judiciaire signé entre la France et le Tchad le 06 Mars 1976, je ne distingue ni ne lis en aucune de [ses] dispositions qu’en matière pénale, dans le cadre de l’ouverture d’une instance judiciaire, l’autorité judiciaire de l’une ou l’autre des Parties États signataires, aurait l’obligation de d’emblée se dessaisir au profit de la partie État dont est originaire le ou les auteurs présumés d’une infraction.

Bien au contraire, je lis à l’article 11 une exception expressément formulée en les termes ci-après : « … l’entraide judiciaire en matière pénale peut être refusée si l’État requis estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté … ; à l’ordre public … ».

Ainsi, le fondement de l’exception qu’argue la Partie État Française, s’agissant de l’incompétence d’un Tribunal Tchadien ou possiblement d’un privilège de juridiction à son bénéfice est tendancieux en ce que dès son énonciation, l’article 11 fixe les limites de l’entraide judiciaire. La disposition contractuelle ne souffre de nulle interprétation à division variable. Le moyen développé par l’autorité Française au soutien de sa demande est irrecevable en ce d’une part, l’atteinte à la souveraineté est avérée et prend appui sur des déclarations intempestives bafouant la souveraineté du Tchad ; d’autre part, l’atteinte à l’ordre public est caractérisée par des *manifestations sur la voie publique, des *revendications populaires médiatisées, la *mobilisation publique des parents abusés, depuis la révélation à l’opinion publique Tchadienne de l’infraction commise sur le territoire Tchadien.
Je lis à l’article 29 de l’Accord qu’une extradition d’un ressortissant de l’une ou l’autre Partie État contractante est possible si le ou les mis en cause est ou sont d’une part, définitivement condamnés et d’autre part sous réserve du consentement du ou des mis en cause. En l’état de l’instance pendante, la Partie État Française procède par appréciation fallacieuse de la disposition contractuelle dont s’agit.

Dès lors qu’à ce stade : de *l’enquête judiciaire ; des *investigations en cours ; et plus généralement des *investigations tendant à une bonne, parfaite et complète administration de la justice, il n’y a ni condamnation définitive, ni recueil du consentement des mis en cause.

En conséquence, la Partie État Française à l’Accord est particulièrement mal fondée en cours d’instance à tirer un moyen de fait ou de droit de l’Accord en matière judiciaire, qui viendrait au soutien d’une demande immédiate et instantanée d’extradition de ses ressortissants mis en cause dans le cadre d’une infraction en matière pénale réalisée sur le territoire Tchadien.

Aux termes de l’article 49 en son alinéa C : l’Accord en matière judiciaire, a prévu ce que ci-après : « … l’extradition est refusée … -c) Si les infractions ont été commises en tout ou partie sur le territoire de l’État requis … ».

Nul ne pouvant valablement prétendre que l’infraction n’a pas été commise en tout ou partie sur le territoire Tchadien, la demande de la Partie État Française à l’Accord ne pourra prospérer.

L’article 6 de l’Accord en matière judiciaire entre la République du Tchad et la République de France, s’agissant des commissions rogatoires internationales, stipule : « l’État requis peut refuser une commission rogatoire si celle-ci n’est pas de sa compétence ou s’il estime qu’elle est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public ». C’est pourquoi, si la délivrance d’une commission rogatoire d’ores et déjà actée par le juge d’instruction français saisi a pour objet de noyauter ou de faire valoir in fine une prééminence de juridiction tendant au dessaisissement du juge Tchadien, il y aurait flagrance à l’atteinte de la souveraineté ainsi qu’à l’ordre public du Tchad.

De tout ce qui précède tirer de l’Accord en matière judiciaire liant la République Française et la République du Tchad, c’est à bon droit que l’opinion publique Tchadienne s’est émue, aussi il n’y a lieu à interprétation vaporeuse de l’Accord dont s’agit tant leurs termes sont d’une incontestable clarté et exempts de caractère léonin.

Dès lors, le moribond Premier Secrétaire du Parti Socialiste ainsi que toutes celles et tous ceux qui requièrent sans discernement l’extradition en France des membres de l’association l’Arche de Zoé, ne sauraient être qualifiés autrement que d’affligeants irresponsables et de néo-colonialistes notoires !

S’agissant du Président de la République Française, théoricien de la « rupture » et qui vraisemblablement se considère comme le centre de l’univers, il est particulièrement mal venu à exprimer un « souhait » sur sa préférence de voir les membres de l’association l’Arche de Zoé jugés en France.

Vous observerez que le « souhait » exprimé par le Président de la République Française s’agissant de sa préférence pour la saisine d’une juridiction Française, fut dans un premier temps faussement respectueux des formes et usages diplomatiques ; puis soudain, il forma un « souhait » qui sur le fond et par décryptage revêt dare-dare un caractère d’irrespect, d’ingérence et de pression qui se décline crescendo.

Les pays d’Asie du Sud-Est ainsi que ceux du Golfe Arabo-persique ont en ce qui les concerne de façon constante adoptés une position de fermeté totale vis-à-vis des Français et autres Européens auteurs de crime de pédophilie, de truanderie ou autre trafic de stupéfiant dans leur pays. Les auteurs occidentaux de ces crimes et délits sont maintenus in situ, soumis au régime pénitentiaire local, comparaissent par-devant la juridiction locale compétente et sont jugés conformément aux lois en vigueur dans ces pays. Ils y exécutent généralement leur peine sans aucun privilège.

S’agissant des pays d’Afrique, la France et plus généralement l’occident procèdent par injonction ; aussi, les Chefs d’États de pays d’Afrique sont l’objet de pression en tous genres et/ou reçoivent-ils des leçons que le seigneur blanc prodigue à ses vassaux noirs.

Pour rappel : Combien sont les Africains qui l’année dernière en transit à l’aéroport de Madrid furent victimes d’actes racistes violents perpétrés par la police Espagnole ? Ils furent copieusement brutalisés, bastonnés et humiliés !

Nonobstant un amoncellement de faits qui accablent largement les dirigeants de l’association l’Arche de Zoé et quelques-uns de leurs accompagnateurs dont il apparaît au fil des jours qu’ils ou elles étaient habités d’intention équivoque (par exemple la journaliste de France 3 Méditerranée qui souhaitait recueillir l’un des enfants enlevés), nombreux sont encore celles et ceux au Parti Socialiste et ailleurs en France qui continuent de pérorer !

« J’irai chercher les autres quoi qu’ils aient fait» promet le Président de la République Française le 06 Novembre 2007 à l’opinion publique française. Pareille prétention excessive qui confine à une étendue surestimation de soi est inquiétante … (l’on n’échappe pas à ses démons) ! Les Français agissant en Afrique comme dans une foire, comme dans un cirque, comme dans un empire colonial perpétuel, le Président Français croit pouvoir narguer la République du Tchad et [son] institution judiciaire avec ce genre de déclaration absolument désobligeante !

Madame la Secrétaire d’État aux affaires étrangères et aux droits de l’homme, l’Afrique à papa n’a-t-elle pas encore de beaux jours devant elle … sans rupture ?

Pour celles et ceux qui pensaient que les pays d’Afrique sont crédités d’une quelconque considération en occident, la réalité est cruelle ! Si considération il y a [elle] n’est souvent que de pure convenance protocolaire ou d’opportunité.

Se peut-il qu’un africain auteur présumé d’une infraction pénale sur le territoire français soit extradé au titre d’un privilège de juridiction tierce par application d’un -Accord d’entraide judiciaire – vers son pays en Afrique pour y être jugé ?

Pour mémoire : Il y a quelques années, le chauffeur de l’ancien Ambassadeur du Zaïre en France, roulant à vive allure avec à bord du véhicule diplomatique Monsieur l’Ambassadeur qui se rendait en la résidence privée de feu le Maréchal Mobutu sise à Saint-Jean Cap-Ferrat, occasionna un accident de la circulation mortel sur une route des Alpes-maritimes en France. En dépit de son statut d’Ambassadeur couvert par l’immunité diplomatique, en dépit de la convention de Genève et en dépit de l’accord d’entraide judiciaire liant la France et le Zaïre, l’ancien Ambassadeur du Zaïre en France quoique rappelé dans son pays fut après moult pressions exercées par la France sur le Zaïre, livrer à la France.

L’ancien Ambassadeur le sieur Ramazani Baya répondant des actes de son préposé comparu par- devant une juridiction française (à Nice) fut jugé en France, fut condamné en France et exécuta sa peine en France !!!

Vis-à-vis de l’Afrique tout, tout et tout est continuellement permis avec des airs de supériorité, de mépris et d’arrogance ! Nombreux sont les domaines qui concourent à s’interroger sur le sens de la relation France-Afrique.

Par Armand ADOTEVI
*Juriste d’affaires
ado_hoff.consulting@yahoo.fr