Dans l’affaire Ministère Public contre [Claude Ameganvi->https://www.letogolais.com/article.html?nid=250], la cour d’appel avait initialement rédigé une décision de relaxe, décision motivée par le fait que les déclarations de Julien Ayih à l’audience de la cour d’appel le 21 novembre 2002 disculpaient totalement le prévenu. Le 2 décembre 2002 à Lomé II , domicile du plaignant, une autre décision a été rédigée de toute pièce qui porte la peine de prison ferme de quatre à six mois.
Pourquoi le verdict initialement prévu pour le 28 novembre a-t-il été reporté au 2 décembre ? Pourquoi prévenus, avocats et public ont-ils dû attendre de 8 heures à près de 11h30, ce lundi 2 décembre 2002, l’arrivée de Mr Abdoulaye Yaya, président de la Cour d’appel de Lomé ? Pourquoi le Président Yaya paraissait-il si embarrassé en vidant son délibéré, déchiffrant péniblement le texte griffonné d’un verdict que la cour s’était donnée quatre jours supplémentaires pour rédiger ? Pourquoi la cour a-t-elle confirmé et aggravé la peine infligée par tribunal de première instance, alors qu’après l’audition des prévenus le 21 novembre, le même Président Yaya avait posé à la défense la question de savoir « alors pourquoi ?», c’est-à-dire pourquoi Claude Ameganvi a-t-il été arrêté, détenu, condamné par la Chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé et pourquoi comparaissait-il devant la cour d’appel ?
Toutes ces questions trouvent leur réponse dans [la plaidoirie que Maître Jonas Sokpoh->https://www.letogolais.com/article.html?nid=581]avait consacrée à la question de Mr Yaya ainsi que dans les tractations et pressions qui sont à l’origine de la décision inique et incongrue rendue par la cour d’appel de Lomé le lundi 2 décembre 2002.
La cour d’appel avait rédigé pour la date initialement fixée une décision de relaxe des prévenus. La décision était motivée par le fait qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre Claude Ameganvi qui se trouvait totalement disculpé par les déclarations de Julien Ayi lors de son interrogatoire à la barre. Ayant eu vent de l’intention de la cour d’appel de relaxer purement et simplement Claude Ameganvi, le Procureur Général, Mr Dabré Gbandjagba s’en alla faire rapport au plaignant, le général Gnassingbé Eyadéma soi-même, maître de Lomé II, du Togo et de toutes les âmes qui y vivent. Se vantant d’avoir frappé fort en demandant, dans son réquisitoire que la peine de prison ferme soit portée de 4 mois à 3 ans et demi, l’avocat général oubliant – ou peut-être ignorant – qu’il n’est pas l’avocat (du) Général s’est lamenté de n’être point suivi par les juges du siège.
Le président de la cour d’appel fut donc convoqué à Lomé II où il reçut menaces, accusations de haute trahison et instruction idoines du plaignant, lequel n’a rien voulu entendre des explications que le commis a tentait en vain de lui donner sur les éléments essentiels du dossier. Eyadéma voulait une condamnation ferme et bien longue pour Claude Ameganvi, point-barre. Aidé par les conseillers qui émargent quotidiennement à la résidence du Dictateur, « le commis » a dû rédiger, à son corps défendant, une autre décision qu’il soumit à son retour au palais de justice à ses deux conseillers qui n’étaient pas invités à la curieuse délibération unilatérale du « premier magistrat » du Togo.
Après avoir attendu de 8 heures à 11h l’arrivée du président, comme les prévenus et la foule, les deux conseillers ont assisté, pantois et sans moufter, à la lecture détaillée d’une sentence qu’ils ont pourtant prise à leur compte, sans avoir contribué à sa rédaction. Selon des témoins présents à la lecture du verdict, la prestation du Président de la cour ressemblait à celle des ces prisonniers que l’on montrait au public dans les années 70-80. Trébuchant sur chaque phrase ou presque, ces repentis déchiffraient « des déclarations spontanées » par lesquelles ils avouaient avoir rédigé et diffusé des tracts dans le but de mettre un terme à la politique de paix, de stabilité et de concorde nationale menée par le Général. Les habitudes de la maison ont décidément la vie dure.
Aujourd’hui plus qu’hier, ce qui est grave c’est que les plus hautes instances judiciaires du Togo se sont volontairement et délibérément mises dans la position de prisonniers. Les uns, par peur des représailles ou par manque de courage, les autres pour leur carrière, leur confort matériel, ou par fidélité à un homme qui depuis bientôt quarante ans s’est assis et trône sur les libertés et les droits de ses concitoyens, au mépris du droit. Les magistrats togolais sont devenus otages d’un homme qui dicte sa loi à une institution judiciaire transformée en exécutant de [sa stratégie de la terreur->https://www.letogolais.com/article.html?nid=18] en instrument d’une répression plus discrète et peut-être plus présentable aux yeux de la communauté internationale.
Et l’on a voulu faire croire à la face du monde, que ces magistrats, incapables de dire le droit qui relève de leur unique domaine de compétence et pour lequel ils ont prêté serment, ont été capables d’organiser en un temps record et en toute indépendance, des élections législatives transparentes auxquelles le peuple togolais aurait massivement participé.
Pauvre peuple togolais, comme ton sort nous fend le cœur !
La rédaction
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