Par Monique Mas
L’ancien parti unique, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) garde la place du vainqueur dans le gouvernement Edem Kodjo rendu public lundi, nuitamment. Mais la continuité n’empêche pas certains changements. Fidèles serviteurs du défunt Eyadéma, le général Assani Tidjani cède la Défense à un deuxième fils Gnassingbé, Kpatcha Gnassingbé, tandis que Pitang Tchalla abandonne le portefeuille de la Communication, qui est aussi celui de la Formation civique, à un autre militant RPT, Kokou Tozoun. Pour sa part, le président du petit Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR), Zarifou Ayeva sera chargé de défendre l’image du Togo au ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine.
Edem Kodjo préconisait un gouvernement d’union nationale «le plus large possible». Faure Gnassingbé en avait imposé les limites en rejetant la plate-forme présentée par la Coalition de l’opposition au début du mois. La nomination d’Edem Kodjo avait d’ailleurs pour objectif de ne plus entendre parler d’un cahier de revendications jugé exorbitant dans les allées du pouvoir. Avant de reconnaître Faure Gnassingbé comme chef de l’Etat, la Coalition attendait de lui qu’il se mue en partenaire. Et cela pour négocier un changement en profondeur du mode de pouvoir instauré par son père quatre décennies plus tôt. Sacré président un peu hâtivement en février dernier par des militaires qui ne répondent qu’à la famille d’Eyadéma, Faure Gnassingbé estime visiblement que «la messe est dite», depuis le 24 avril. En installant son frère Kpatcha à la tête de l’armée, il confirme l’importance du rôle de ce dernier dans les événements de ces derniers mois. Pour leur part, les Togolais avaient déjà pris l’habitude de surnommer Kpatcha Gnassingbé «le vice-président».
Avant de s’asseoir dans le fauteuil présidentiel, Faure Gnassingbé gérait les affaires de la famille dans les phosphates, mais aussi dans des secteurs plus novateurs comme la téléphonie mobile. La fin biologique prévisible de Gnassingbé Eyadéma menaçant, il avait commencé son apprentissage de l’administration politique du Togo comme ministre des Mines, de l’équipement et des télécommunications. Kpatcha Gnassingbé dirigeait quant à lui la Société d’administration des zones franches (SAZOF), un rêve de paradis fiscal pour entreprises étrangères. A eux deux, les frères Gnassingbé occupaient l’espace économique utile aux intérêts de leur vaste famille. Ce sont eux qui tiennent désormais le haut de l’affiche politico-militaire du Togo.
Un ministère dévolu à la sécurité
Chargé de l’Administration territoriale et de la décentralisation, l’ancien ministre de la Justice, Katari Foli-Bazi conserve le ministère de l’Intérieur. Il lui avait déjà été confié, par intérim, le 22 avril dernier lorsque son précédent titulaire, le lieutenant François Esso Boko, avait publiquement demandé le report du scrutin présidentiel, en dénonçant un «processus électoral suicidaire». Celui-ci ne l’a finalement pas été pour les partisans de Faure Gnassingbé. Le chef de l’Etat a toutefois jugé utile de créer un ministère nommément dévolu à la Sécurité et confié au chef d’état-major adjoint de l’armée, le colonel Pitalouna-Ani Laokpessi. La Justice est tombée dans l’escarcelle d’un transfuge de la Coalition de l’opposition, Me Abi Tchessa, chef d’une petite formation, le Pacte socialiste pour le renouveau (PSR). De son côté, la présidente du Barreau de Lomé, Me Loretta Massan Aquétey est chargée des Droits de l’homme, de la démocratie et de la réconciliation, vaste programme dans lequel finalement personne n’est à contre-emploi, Gilbert Kodjo Atsu, le président d’un mouvement de jeunes, la Nouvelle dynamique populaire (NDP), recevant le secrétariat d’Etat chargé de la promotion des jeunes, auprès du ministre de la Jeunesse et des Sports.
A la nomination d’Edem Kodjo, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Zarifou Ayéva, avait prudemment commenté : «le bon choix, c’est le chef de l’Etat qui peut le définir. Le choix a été fait et c’est au fil des temps qu’on connaîtra sa validité». Après des années dans l’opposition, Zarifou Ayéva en était arrivé à la conclusion que «à l’heure actuelle, nous devons accepter de discuter, afin d’apporter nos idées, car ce gouvernement est la seule alternative crédible et rassurante pour les Togolais. Nous devons éviter de poser des conditions». C’est ce qu’il disait en avril dernier pour justifier sa position vis-à-vis du gouvernement «d’union nationale» proposé par Faure Gnassingbé. C’est la «seule porte de sortie» de la crise au Togo, estimait alors Zarifou Ayéva. Cette porte, Faure Gnassingbé l’a refermée derrière lui, non sans la claquer, au nez de la Coalition de l’opposition.
[RFI->www.rfi.fr]
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