Par Tido BRASSIER
Le taux de participation proche de 95 % lors des législatives du 14 octobre 2007 au Togo, ainsi que le climat d’apaisement virtuel qui a régné au cours de la campagne électorale, ont permis aux observateurs du scrutin dont l’Union Européenne et la CEDEAO d’aller vite en besogne en déclarant que «ces élections sont crédibles, démocratiques, transparentes et globalement satisfaisantes, malgré quelques dysfonctionnements estimés à 5 %».
La déclaration des observateurs de l’Union Européenne au sujet du scrutin du 14 octobre concerne exclusivement la mobilisation du peuple togolais qui aurait pu s’abstenir de voter, vu le passé électoral de notre pays, et le degré d’implication des leaders de l’opposition démocratique qui ont pu circuler librement lors de la campagne législative sur toute l’étendue du territoire national. Tout démocrate peut en faire autant en saluant cette première au Togo, où élection est synonyme de répression. C’est dans ce sens que l’Union Européenne a surtout insisté sur «le déroulement pacifique» du scrutin et non pas les résultats, qu’elle s’est abstenue de commenter pour le moment.
Dès lors, c’est compter sans savoir que les loups qui se sont déguisés en agneaux pendant la campagne, n’attendaient que la déclaration de ces institutions, surtout celle du représentant de l’Union Européenne qui a financé le scrutin pour passer à l’acte. Il s’agit alors pour le RPT de mettre en rôle le plan préparé à partir de son refus préalable d’authentification des bulletins de votes par des signatures au verso, d’en arriver à la pénurie organisée des timbres spéciaux dans les bureaux de votes pour frauder massivement.
La technique est très simple, contrairement à ce qu’on peut penser. Selon les diverses analyses et les informations recueillies sur place, le pouvoir procède en deux temps.
Dans un premier temps, il créé des conditions impossibles à gérer avec arrogance et provocation, pour affaiblir les mécanismes de contrôle mis en place de façon consensuelle, c’est ce qu’on appelle la technique de la duplicité.
Dans un deuxième temps, pour inverser ce qui est préparé la nuit dans le laboratoire RPT par rapport au scrutin normal de jour connu de tous, le pouvoir fait monter de plusieurs crans le climat de suspicion venant de ce cafouillage déjà lattent pour généraliser la confusion afin de faire passer la fraude. C’est dans ce contexte trouble, que le RPT s’attribue le nombre de siège voulu, allant de la majorité absolue à la majorité écrasante comme en 2005.
Cette situation trouble qu’il a créé, c’est le refus d’authentification des bulletins de vote par des signatures, c’est aussi la pénurie des timbres spéciaux d’authentification des bulletins dans les bureaux de vote le jour du scrutin, ce qui lui permet de facto d’invalider plusieurs bulletins votés en faveurs de l’UFC sans raison, c’est-à-dire arbitrairement. Et tout cela sera mis sur le dos du manque de scellés sur les urnes rapportés au siège de la CENI, pour compliquer la tâche aux uns et aux autres pour en arriver à diviser les membres de cette institution entre eux. Les requins nagent toujours dans les eaux troubles, comme tout prédateur sauvage guidé par l’instant de conservation, ce qui est héréditaire et génétiquement prouvé.
En réalité, il s’agit pour le RPT de préparer deux sortes d’élections: la première, en plein jour avec l’opposition et l’opinion nationale en acceptant les observateurs internationaux, ce qui est une façade cachant la ruse. Cette première qui se déroule aux vues de tous, permet au pouvoir de capter tout ce qui se passe en jouant le jeu de la transparence et des médias, afin d’étudier minutieusement les éléments fondamentaux nécessaires à la fraude, pour pouvoir les dupliquer après coup, c’est à dire la disparition des stocks de timbres, les bulletins de votes, les fiches de procès verbaux, et maîtriser la technique des scellés des urnes. Vient ensuite le temps de la deuxième phase, qui est la vraie-fausse élection préparée tout seul au laboratoire de la duplicité, qui remplacera tout simplement la première phase, c’est-à-dire la vraie élection dès lors que la nuit tombera. Et une fois ce tour de passe-passe joué, le pouvoir donne le feu vert pour la proclamation du résultat, de préférence la nuit, pour ainsi éviter cette fois ci la contestation populaire et les caméras de télévision.
L’interdiction faite aux journalistes de la presse écrite et en ligne de rapporter les résultats des urnes dans leurs rédactions, alors qu’ils étaient nombreux à être témoins des dépouillements transparents réalisés après la fermeture des bureaux de vote le soir du 14 octobre, est un complot contre l’Etat de droit et la démocratie au Togo. C’est le cœur du complot, le véritable verrou contre la fraude électorale que le pouvoir a réussi à faire sauter dès le départ, en maitrisant seul le processus. Les journalistes sont libres et indépendants. De ce point de vue, ils constituent un contre pouvoir d’investigation, de recherche, dans un souci de transparence. C’est pour cette raison que le pouvoir a réduit à néant l’indépendance et l’action du premier ministre Yaovi Agboyibo pour le rendre aphone, soumis, et inactif. L’homme ne savait pas à quel point il sera finalement humilié et ridiculisé avec 4 députés seulement au terme de cette transition, alors qu’il sait pertinemment au fond de lui que les Togolais lui ont confié plus de sièges que le RPT lui en attribue. En se bagarrant contre ses alliés naturels de l’opposition pour obtenir à n’importe quel prix la primature sans prendre garde au système, l’homme du CAR avait programmé son inertie politique à l’image de Kodjo et Ayéva dont le cumul des résultats représente 0,00 %. Les voilà maintenant tous piégés comme des débutants.
Voilà à quoi ressemble le RPT de la junte militaire des Gnassingbé qui n’a rien à battre de la demande d’alternance du peuple togolais depuis quatre décennies de dictature.
Une campagne électorale nettement colorée en jaune-palmier, seul indicateur tangible et perceptible de la vérité sortie des urnes le 14 octobre 2007 au Togo, le RPT ne peut pas prétendre à une quelconque victoire dont on se moque déjà dans les coulisses diplomatiques.
Ayons une vue d’ensemble des chiffres par rapport à 3 Millions d’électeurs, pour comprendre l’ampleur de la fraude.
S’agissant des 5% de dysfonctionnement dénoncé par l’Union Européenne, par rapport à une masse électorale estimée à 3 Millions de Togolais, ce sont 150.000 électeurs qui n’ont pas pu exercer leur devoir civique du fait des pénuries de timbres. Ce qui représente 2 fois la ville de Sokodé qui est la deuxième grande ville du Togo (70.000 habitants), ou encore, 3 fois la population de la ville de Kara (47.000 habitants), et 4 fois celles d’Atakpamé (42.500 habitants) et Kpalimé (38.500 habitants), enfin, 5 fois la ville de Dapaong (30.000 habitants) – Données démographiques MFE en 2004.
L’Union Européenne devrait se rendre compte que 5% de dysfonctionnement représente en France la ville de Nîmes dont l’effectif de la population est très exactement 150.000 habitants. Elle devrait savoir également que ce dysfonctionnement qu’elle a constaté représente 2 fois la population de la ville de Créteil en France qui est de 87.000 habitants, soit 9 fois la ville de Fontainebleau en région parisienne (15.000 habitants). Enfin, 150.000 électeurs, c’est le 1/20ème de la masse d’électeurs au Togo. Quand 10.000 bulletins élisent un député dans le nord, cela représente 15 sièges volés dans cette partie du pays. Peut-on accepter une telle situation en Europe?
Selon la déclaration du Vice-président de l’UFC, Patrick Lawson, les bulletins votés en faveur du parti dans les circonscriptions électorales de Tchaoudjo, Bassar, et Amou, qui ont été annulés par le pouvoir, représentent 12.964 suffrages pour réduire le nombre de sièges lui revenant dans ces localités, sans compter les annulations à Lomé.
L’Union européenne doit rattraper sa bourde en acceptant le principe d’un audit indépendant supervisé par une partie neutre, en l’occurrence les Experts de l’ONU. En l’absence d’un arbitrage de l’ONU, il convient de reprendre toute l’élection dont la fraude et les méthodes dépassent les limites du raisonnable. Il est claire qu’une nouvelle crise vient s’ajouter à celle déjà vieilles de 15 ans, le peuple Togolais est toujours en crise avec les tenants du pouvoir qui organisent et amplifient sa pauvreté. Dans de telles conditions, l’aide au développement va droit au gaspillage. L’audit doit déterminer les responsables du vol ou pénurie des timbres dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Elle doit déterminer également, les raisons qui justifient ces nombreuses annulations de bulletins qui sont la conséquence directe de la pénurie de timbres. Elle doit enfin situer les responsabilités du pouvoir en ce qui concerne le manque de scellés sur de nombreuses urnes.
Pour conclure, faisons le pari d’une arithmétique de base :
3.000.000 d’électeurs correspondent à —————– 81 sièges
X électeurs ont voté pour ———————————50 sièges
Le produit des Moyens est égal au produit des extrêmes
X = 3.000.000 X 50 / 81
X= 1.851.851 électeurs ayant voté pour le RPT après 40 ans dictature, c’est archi faux ! ! !
Par Tido BRASSIER
Paris, le 24 octobre 2007
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