29/03/2024

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Le Bilan ou l’autopsie d’un régime dictatorial africain

ON A ÉCHOUÉ… UN ANCIEN MINISTRE DE LA DICTATURE PARLE

L’auteur du livre « On a échoué », Charles Djungu-Simba, vient de la RDC Congo-Kinshasa. Le récit qu’il nous présente est une description de la dictature qui a sévi dans son pays du temps de Mobutu. Écrit en 1991, durant les périodes chaudes de contestation du monopole du parti unique en Afrique, le livre de Charles Djungu reste toujours d’actualité quinze ans plus tard.

Au fil des pages, on a comme l’impression de vivre les évènements du Togo de l’avant et l’après Eyadéma .Tellement la ressemblance est notable.
Patanate – qui veut dire le pont qui unit deux rives (page 80) – est la fille métisse née de l’union de Ndalumanga et de Monique.
Dans une lettre d’une rare violence, Patanate interpelle son père sur un certain nombre de sujets liés à la vie familiale et à la politique etc.
Entre autres questions, la fille pense que son papa ne doit pas servir de caution à un régime vomi et honni. Leur abandon (elle et sa maman) par son père la met également en colère.

Ainsi, dès les premières pages du livre de Charles Djungu-Simba, nous sommes témoins d’un conflit entre un père et sa fille, matérialisé dans une correspondance. Le papa de Patanate est originaire du Bali qui a pour capitale Salambô. Au Bali, règne un régime de terreur, arbitraire et corrompu dirigé d’une main de fer par le Grand Caïman. Nous supposons qu’il s’agit là d’une allusion au léopard (Mobutu), fauve dévoreuse de son peuple comme l’est la plupart des dictateurs installés à la tête des États africains avec la complicité des puissances étrangères.

Bref, le Bali est une république bananière où les dignitaires font la loi de la minorité. Ce qui nous paraît intéressant dans le livre de Charles Djungu, c’est l’attitude du Papa de Patanate, un baron du régime. Dans sa réponse à sa fille, on découvre un homme nouveau qui change de camp et de veste. Il quitte le mal et rejoint les rangs des patriotes. L’ancien ministre écrit que le pouvoir s’arrache et que le régime du Grand Caïman a échoué. Ce système mis en place par le Grand Caïman est surtout caractérisé par la débauche et la prostitution.

Dans le livre, on peut se rendre compte de l’importance des règles de la clandestinité et surtout de l’organisation. Déjà, alors qu’il était ministre de l’intérieur, il aide et favorise l’implantation d’une organisation clandestine dénommée le Colba (page 43). Le Colba qui est un front uni, s’est fixé comme objectif:
– de combattre le mensonge, un vénin qui a paralysé le société baliloise, « de redonner espoir aux hommes et aux femmes qui connaissent par cœur le chapelet de la faim, le kaléidoscope de la misère. La priorité, c’est de vivre, c’est de retrouver la dignité humaine, c’est nous développer, c’est développer le Bali par les Balinois et les Balinoises (page 64)
– d’expliquer aux populations que si elles ne mangent pas à leur faim, que s’ils n’arrivent pas à se soigner, à se vêtir, à envoyer leurs enfants à l’école, à l’université, c’est parce qu’une poignée de gens les exploite. Les gens qui vivent aux crochets de l’État, logés, nourris, enivrés, blanchis, véhiculés par l’argent des impôts que paient les paysans et les villageois.(page 65 ).Le Colba veut faire comprendre à tous les Balinois qu’ils ont été utilisés jusqu’ici comme des cobayes pour servir toutes les aventures colonialistes… le combat politique du Colba, c’est de faire de tous les balinois de l’intérieur comme de l’extérieur des compatriotes mieux des citoyens. La démagogie, même professionnelle est fatalement désarmée devant un vrai citoyen.
– les convaincre qu’on doit mettre fin à tout cela.

Ayant fait le constat d’échec de la dictature, l’ancien ministre a empêché la succession par le ou les fils du Grand Caïman à sa mort et favorisé l’arrivée du mouvement populaire.

La morale de l’histoire, les Togolais ne doivent-ils pas s’inspirer de tels écrits pour s’organiser? On ne le dira jamais assez, sans organisation conséquente, il n’y aura pas de changements démocratiques. Et l’on se contentera des changements de façade comme celui qu’on a connu, après la mort de Eyadéma. L’alternance, moteur de la démocratie est toujours le fruit d’une organisation politique efficace.

Réflexion de lecture tirée de On a échoué de Charles Djungu-Simba K. Éditions L’Harmattan

Bruxelles, le 03 janvier 2006
Mouta Wakilou Maurice Gligli