Collectif «SAUVONS LE TOGO»
DECLARATION LIMINAIRE DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU 02 MAI 2012
Le Collectif «SAUVONS LE TOGO», après une analyse minutieuse de l’évolution de la situation sociopolitique au Togo depuis un certain temps, constate avec regret l’autisme et la détermination du pouvoir en place à cristalliser l’impunité, à persister dans la malgouvernance et à vouloir opérer un passage en force lors des prochaines élections, le tout dans un environnement sociopolitique fortement crispé, avec comme points d’orgue la falsification du Rapport de la CNDH, la Crise à l’université de Kara, la prétendue dissolution du RPT et ses conséquences sur la vie politique.
SUR LE RAPPORT DE LA CNDH
Le 18 février 2012, le gouvernement togolais a rendu public une version falsifiée du rapport de la CNDH relatif aux actes de torture commis sur les 32 accusés dans l’affaire de la tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État.
Suite à ce comportement caractéristique de gangstérisme d’Etat, il y a eu une forte protestation des organisations de la société civile et des formations politiques, pour demander, non seulement que les auteurs de cette falsification soient identifiés et punis, mais aussi que les tortionnaires fassent l’objet de poursuites pénales, et surtout que le gouvernement qui s’est rendu coupable d’une telle forfaiture puisse purement et simplement rendre le tablier.
A la suite de cette condamnation tous azimuts sur le plan national, beaucoup d’organismes internationaux ont également fustigé ce scandale.
C’est ainsi que le 21 février 2012, l’Union Européenne a exprimé sa vive préoccupation et a demandé des clarifications afin d’éviter que cette situation ne nuise au climat de confiance et d’apaisement indispensable au processus de démocratisation et à la tenue d’élections libres et transparentes.
Malgré ce tollé général, le pouvoir de Faure GNASSINGBE a cru devoir mettre aux oubliettes le Rapport de la CNDH ainsi que ses recommandations.
A ce jour, force est de constater que les tortionnaires agréés de la République courent allègrement les rues, menacent et narguent leurs victimes et l’ensemble de la population togolaise.
La conséquence directe de cette impunité notoire et caractérisée est que certains d’entre eux comme le Général Mohamed Atcha TITIKPINA, Chef d’Etat Major de l’Armée togolaise, participent, sans être inquiétés, aux différentes manifestations sur les plans national et sous-régional.
D’autres encore, en l’occurrence le Commandant OUADJA, Chef du Groupement de la gendarmerie de Kara, s’illustre en chef d’orchestre des répressions systématiques et barbares des manifestations somme toute légitimes des étudiants de l’Université de Kara.
SUR LA CRISE A L’UNIVERSITE DE KARA
Les étudiants de l’Université de Kara ont engagé des actions pour la satisfaction de leurs revendications d’ordre académique et matériel dont le bien-fondé a été reconnu par tous, y compris le gouvernement togolais qui s’est engagé à les satisfaire.
Cependant, ces engagements n’ayant pas été tenus dans les délais fixés, les étudiants de l’université de Kara ont pris des initiatives en vue d’obtenir du gouvernement la satisfaction de leurs revendications. Ces initiatives ont fait l’objet de répressions systématiques, à l’instigation du commandant OUADJA, chef du groupement de la gendarmerie de Kara, par les militaires para-commandos du camp Général AMEYI, déguisés en gendarmes, en violation des franchises universitaires.
Les étudiants AGNITE Massama, BITSIOUDI Birénam, SIGUIBA Mohamed, ALINKI M’Clawa, PASSOKI et bien d’autres, tous membres de l’UNEET ont été arrêtés, brutalisés, jetés à la prison civile de Kara et relâchés sous pression et sans autre forme de procès. Il est à noter que l’étudiant TALIKI Tchaou, gravement atteint à la tête a reçu des soins intensifs au CHU Kara.
Par ailleurs, le Collectif condamne le fait que le commandant OUADJA, à l’instar d’autres autorités de notre pays, ont recours à la manipulation de la fibre ethnique pour interdire aux étudiants de Kara, au motif qu’ils seraient de l’ethnie Kabyè, le droit de grève, de manifestation et de réunion, en violation flagrante de notre Constitution qui interdit formellement de tels propos divisionnistes.
SUR LA VOLONTE DU GOUVERNEMENT D’ORGANISER LES PROCHAINES ELECTIONS AU PAS DE CHARGE
Au sujet de la question de la révision du code électoral, le ministre de l’Administration territoriale, Pascal Akoussoulèlou Bodjona a déclaré, « Il n’y a pas de passage en force, mais une absence de bonne volonté de certains partis ».
Il poursuit que « … Dans tous les cas le gouvernement se devait de prendre ses responsabilités face aux impératifs de temps. Et n’oubliez pas, toutes les initiatives qui ont été prises par le gouvernement pour discuter justement de ces réformes du code et d’autres textes avec les partis politiques se sont soldées par un échec… »
Le Collectif « SAUVONS LE TOGO », réaffirme qu’en dehors du pouvoir en place, aucun parti politique n’a été associé à la rédaction de cet avant projet de loi portant code électoral.
Il est important de rappeler que les réformes à entreprendre dans le cadre des récentes négociations politiques, se sont toujours heurtées au manque total de volonté du pouvoir en place qui continue de recourir à des manœuvres dilatoires en ce qui concerne leur adoption et leur mise en œuvre.
Contrairement à ce qu’affirme le Ministre l’Administration territoriale, porte parole du gouvernement, en maintenant la date des prochaines élections législatives et locales au mois d’octobre 2012, le Gouvernement s’illustre dans une véritable provocation qui prouve à suffisance la volonté délibérée du pouvoir de rééditer un passage en force dans l’organisation à pas de charge des élections. Pour preuve, le gouvernement a introduit au parlement, contre toute attente, et de façon unilatérale, un projet de code électoral.
Par ailleurs, il est avéré que depuis deux (02) mois, le gouvernement a unilatéralement engagé au niveau de la CENI, l’organisation des élections, alors qu’elle doit être recomposée telle que prévue par les Recommandations de la Mission d’Observation de l’Union Européenne de 2007 et 2010.
Les tâches ci-après sont en cours d’exécution :
– Elaboration d’un budget prévisionnel de Douze (12) Milliards, par la CENI embryonnaire et illégitime en vue du financement des prochaines élections;
– Emprunt de 1500 kits électoraux de la RD-Congo dont 975 en voie de conditionnement pour être déployés sur le terrain;
– Attribution du marché de révisions des listes électorales à la société européenne ZETES sans appel d’offre;
– Conclusion unilatérale et discrète des contrats d’avec des experts étrangers en vue de revisiter les lois électorales à la place des principaux acteurs sociopolitiques du pays.
Ainsi donc, en arguant dans son interview que « Nos partenaires ont un regard technique et neutre sur ce code et qu’en revanche, les propositions que les partis politiques vont apporter peuvent être partisanes et intéressées », le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales, porte-parole du Gouvernement, fait preuve d’une véritable duplicité, de mauvaise foi et de mépris à l’égard des acteurs politiques. A supposer même que les propositions des partenaires peuvent paraître neutres comme le prétend le ministre, il est impératif, pour rechercher le consensus tant clamé par le gouvernement, que de telles propositions soient soumises à l’appréciation préalable des principaux acteurs concernés, car l’exercice du droit de vote dans ce cas précis incombe au Togolais et non aux partenaires.
SUR LA RESPONSABILITE DES PARTENAIRES : UN SILENCE COMPLICE ET COUPABLE
A l’issue de la douzième session du dialogue politique entre le Gouvernement Togolais et l’Union Européenne, l’Ambassadeur de l’Union Européenne au Togo a déclaré entre autres que si les réformes n’étaient pas mises en place, si les assurances d’un processus crédible n’étaient pas en place, il est certain que l’UE n’accompagnerait pas financièrement le processus car ce sont ces réformes qui sont le meilleur garant des élections crédibles et transparentes.
Le Collectif « SAUVONS LE TOGO », réitère que l’Union Européenne devrait aller au-delà de cette simple déclaration en attirant ouvertement l’attention du gouvernement sur le risque sérieux qu’il fait courir à l’ensemble du peuple togolais en voulant unilatéralement organiser des élections aux lendemains incertains perpétuant ainsi le cycle infernal « élections – contestations – répressions – négociations ».
Loin de négliger l’apport technique des partenaires, le Collectif note avec regret que ce soit ces partenaires qui se substituent aux acteurs politiques en procédant, de connivence avec le gouvernement, à la révision des textes électoraux, ce qui dénote de leur silence complice et coupable.
SUR LA PRETENDUE DISSOLUTION DU RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS
A l’issue du Cinquième Congrès Extraordinaire du RPT, les Togolais ont été plongés dans une véritable confusion politique caractérisée par l’usage abusif et fantaisiste des termes « fusion-création-dissolution » dudit parti.
Cette confusion s’illustre à plusieurs niveaux de l’appareil étatique :
– D’abord, il est à relever que le président de République, Faure Essozimna Gnassingbé, est le président du RPT et a été investi par ce parti comme candidat à l’élection présidentielle de mars 2010. A ce titre, la disparition de ce parti ne peut ne pas avoir de conséquences sur la mandature actuelle.
– Ensuite, l’actuel gouvernement étant formé sur la base de l’Accord intuitu personae RPT/UFC, il reste évident que la disparition d’une des parties à cet accord le rend automatiquement caduc de même que le gouvernement qui en est issu. Par conséquent, l’actuel gouvernement doit purement et simplement rendre le tablier.
– Enfin, les membres du bureau de l’Assemblée Nationale étant élus sur proposition de leurs partis respectifs conformément au règlement intérieur de ladite Assemblée, il devient une évidence que le parti n’existant plus, ce bureau devra être impérativement recomposé.
Toutes ces conséquences restent les mêmes en ce qui concerne tous les organes et institutions (CPDC et CENI) dans lesquels le RPT est représenté.
SUR LE PARTI EN CREATION : UNIR
Aux termes des dispositions de l’article 12 de la loi du 12 avril 1991, portant charte des partis politiques, la création de tout parti politique est constatée par :
– L’adoption des statuts rédigés sur papier libre, contenant entre autres indications, la dénomination du parti politique, ses objectifs, son siège, ses organes, les dispositions concernant ses ressources, la dévolution de ses biens en cas de dissolution volontaire ou judiciaire ;
– L’élection des dirigeants ;
La réunion constitutive fait l’objet d’un procès-verbal comportant entre autres éléments, les noms, prénoms, profession et adresse des dirigeants. Il est annexé à ce procès verbal la liste des fondateurs avec mention de leurs noms, prénoms, date et lieu de naissance, profession, domicile.
En outre, l’article 16 de la même charte dispose : « Le parti politique acquiert la personnalité morale à compter de la date de sa déclaration au ministère de l’intérieur. Toutefois il ne pourra exercer d’activités publiques qu’à compter de la publication au journal officiel ou dans un organe de presse au Togo ».
Il est donc surprenant, voire ahurissant que malgré ces dispositions, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales, soutient ce qui suit :
«Les fondateurs de ce parti peuvent bien faire des concertations internes ou des démarches explicatives auprès de ses membres pour indiquer le bien fondé de la démarche, ce n’est pas interdit. Jusqu’à preuve du contraire, UNIR n’a pas fait de meeting public ou d’autres activités comme l’installation de bureaux. Je ne vois donc pas en quoi ce mouvement est dans l’illégalité. »
A supposer, comme l’affirme le Ministre de l’Administration Territoriale, que UNIR ait fait l’objet d’une prétendue déclaration, ces responsables ne peuvent légalement exercer d’activités publiques.
Or depuis le 16 avril 2012, sans avoir obtenu et publié un récépissé, le président provisoire du parti, et sa suite sont en campagne d’information et de sensibilisation au nom de ce parti avec les moyens de l’Etat.
Plus grave, des messages publicitaires sont diffusés et publiés sur les médias publics et privés sans que la HAAC, ne daigne réagir. De même, des posters et affiches à l’effigie de ce parti et de son président provisoire sont érigés dans le pays sans aucune injonction de l’administration municipale ni du ministère de l’administration territoriale.
SUR LA REPRESSION BARBARE DE LA CEREMONIE DE PROFESSION DE FOI DU COLLECTIF
La répression sauvage et barbare de la cérémonie de profession de foi organisée le 27 avril 2012, par le COLLECTIF « SAUVONS LE TOGO », à la place de l’indépendance démontre à suffisance que le pouvoir reste dans la logique des violations des droits des citoyens.
Malgré la disparition du RPT, longtemps accusé de ces pratiques rétrogrades et décriées, nonobstant le discours du chef de l’Etat à l’occasion de la commémoration du 27 avril 2012 appelant tous les togolais civils comme militaires à plus de citoyenneté, il est dommage que les forces de l’ordre continuent de faire un usage disproportionné et intentionnel de la force à l’égard des citoyens aux mains nues.
Il est donc regrettable que le gouvernement, fidèle à ses habitudes de travestir les faits, tente d’imputer aux manifestants, la responsabilité des dégâts occasionnés par la répression.
Le Collectif « SAUVONS LE TOGO » rend le Gouvernement entièrement responsable de ces dégâts dans la mesure où la horde d’agents de sécurité dépêchés sur les lieux n’avaient qu’à assurer la sécurité des manifestants.
Le Collectif appelle à nouveau les populations à prendre massivement part le samedi 05 mai 2012 à 11 heures à la cérémonie de profession de foi au pied du monument de l’indépendance.
En définitive, le Collectif «SAUVONS LE TOGO» reste persuadé qu’un gouvernement qui se livre à la falsification d’un rapport élaboré par une institution constitutionnelle, protège les tortionnaires, réprime des manifestations pacifiques, profane le monument de l’indépendance, refuse d’opérer consensuellemment les réformes visant la normalisation de la vie politique et la transparence des élections, viole la constitution et les lois de la république est disqualifié à organiser des élections crédibles et à conduire les affaires de la nation.
Fait à Lomé, le 02 mai 2012
Pour le Collectif,
Le Coordinateur
Me Ata Messan Zeus AJAVON
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