18/04/2024

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Le Togo ne changera donc jamais : Confusion lors du dépouillement des votes

Les résultats donnent une large victoire au parti au pouvoir

Le Togo ne changera donc jamais ! » : la population de Lomé, la capitale, qui espérait que « cette fois, les bons résultats sortent », oscillait entre consternation et crainte, mercredi 17 octobre au soir, alors que la télévision nationale avait interrompu ses programmes pour annoncer les résultats provisoires et partiels des élections législatives de dimanche.

La ville, acquise à l’opposition, a accueilli avec incrédulité l’annonce de la victoire massive du parti présidentiel, le Rassemblement du peuple togolais (RPT, l’ex-parti unique). Par prudence, l’ambassade de France, elle, conseillait d' »éviter toute sortie inutile ».

Venant après quinze ans de scrutins entachés de fraudes et de violences, ce vote financé par l’Union européenne (UE) devait marquer aussi la rupture avec quatre décennies d’une dictature soutenue par la France. Il doit aussi aboutir à la levée des sanctions qui privent ce petit pays, en piteux état, d’une partie de l’aide européenne, et rétablir un minimum de stabilité là où la faillite économique et la violence ôtent à la jeunesse toute perspective.

Selon les résultats proclamés, le RPT du président Faure Gnassingbé, fils du général Eyadéma mort en 2005, disposerait, seul, de la majorité. L’Union des forces de changement (UFC), de l’opposant Gilchrist Olympio, remporterait l’essentiel des autres sièges. Le vote, marqué par un taux de participation proche de 95 %, confirmerait le clivage entre le sud, bastion de l’UFC, et le nord, conservateur, contrôlé par le régime.

L’échec des autres partis, associés au pouvoir depuis un an, devrait rendre difficile la reconduction de l’actuel gouvernement d’union nationale. Le résultat, monocolore, pourrait compromettre la libéralisation du régime, dominé par l’armée et la famille Gnassingbé.

L’honnêteté du processus électoral, est contestée par l’UFC qui a dénoncé des « irrégularités de nature à modifier profondément les résultats ». Tandis que le RPT considère que son triomphe achève de le « légitimer », l’UFC exige la reprise du dépouillement marqué, selon elle, par des « annulations massives » de bulletins favorables à ses candidats. Isolée et brouillonne, la formation hésite à en appeler à la rue, marquée par le souvenir des quelque 500 morts consécutifs aux protestations post-électorales de 2005.

Plusieurs éléments nourrissent des soupçons : la renonciation, au cours du vote, au système d’authentification pour empêcher l’achat de voix, l’interdiction faite aux radios de diffuser des résultats locaux… Sans parler du découpage électoral en vertu duquel 10 000 électeurs du nord du pays élisent un député alors qu’il en faut 100 000 à Lomé. Cela n’a pas empêché les observateurs de l’Union européenne, qui ont financé le scrutin de dimanche, d’en saluer la « transparence », à quelques « imperfections près ».

La confusion qui a régné lors du dépouillement dans la capitale n’est pas faite pour dissiper ces doutes. Devant les centres de compilation engorgés, les membres des bureaux de vote ont monté la garde jour et nuit sur des urnes dispersées çà et là, rarement scellées. « Les autorités veulent que nous rentrions chez nous et que nous laissions les policiers surveiller les urnes. Mais nous n’avons pas confiance et nous resterons jusqu’au bout », expliquait nerveusement, lundi soir, un assesseur, persuadé que l’attente était organisée à dessein pour minimiser le score de l’opposition.

Dans une salle de la préfecture de Lomé, des responsables débordés tentaient, mardi, de résoudre un casse-tête : que faire des urnes abandonnées par des présidents de bureau rentrés chez eux, fatigués d’attendre depuis le soir du vote « sans rien à manger » ?

Par Philippe Bernard

LE MONDE du 18.10.07