20/04/2024

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Patrick Lawson : « Le peuple togolais est pris en otage par un pouvoir clanique.. »

L’actualité politique au Togo est dominée ces derniers temps par le vote de la loi de finances 2009, la modification unilatérale du code électoral par le gouvernement, les problèmes de corruption… Dans une interview exclusive qu’il nous a accordée, le premier Vice-président de l’UFC, Patrick Lawson revient sur ces sujets brûlants de l’heure et aborde aussi l’actualité africaine marquée par les élections au Ghana et le décès et la succession de Lansana Conté en Guinée.

Le 4 décembre dernier, Pascal Bodjona, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales a eu une rencontre d’échanges avec les partis signataires de l’APG sur les questions d’intérêt national comme le Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation, la recomposition de la CENI…Au sortir de cette rencontre, l’UFC avait promis étudier les sujets à l’ordre du jour et faire des propositions. Mais à la grande surprise des populations, le Gouvernement a adopté en conseil des ministres du 17 décembre un projet de loi portant modification du Code Electoral. Votre réaction ?

Partick Lawson : D’abord, je voudrais souligner que l’Union des Forces de Changement (UFC) n’a jamais promis, au Ministre de l’Administration Territoriale, de faire une quelconque proposition. Elle a, pendant la réunion du 4 Décembre et en présence des autres partis politiques signataires de l’Accord Politique Global (APG), confirmé ses positions concernant les quatre points à l’ordre du jour : la composition de la CENI, le cadre permanent de dialogue et de concertation, le statut de l’opposition, le financement public des partis politiques. Nos propositions ne sont pas nouvelles. Elles sont connues de tous puisque nous les avons écrites et publiées à maintes reprises. En ce qui concerne la CENI, nous avons dit que sa composition doit refléter la configuration de la classe politique, issue des résultats officiels des élections législatives du 14 octobre 2007. Nous avons par ailleurs précisé que la structure d’une nouvelle CENI ainsi que sa composition relèvent de la mise en œuvre consensuelle des réformes institutionnelles et constitutionnelles prévues à l’APG. Il n’appartient donc pas à un seul parti, en l’occurrence le RPT responsable de la crise politique qui mine notre pays depuis tant d’années, d’imposer aux autres signataires de l’APG son diktat. Le RPT doit comprendre que les années noires du parti unique sont révolues et que son unilatéralisme radical compromet gravement les efforts de sortie de crise dans notre pays. Il est urgent que le pouvoir fasse preuve de responsabilité et de patriotisme, pour que les discussions nécessaires aux réformes Constitutionnelles et Institutionnelles prévues par l’APG commencent et aboutissent sans délai.

Au sujet des réformes politiques, l’opposition représentée au Parlement n’arrive pas à s’accorder sur la façon dont elles doivent être menées. Pendant que le CAR indique que ces réformes doivent être discutées au sein du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation, l’UFC soutient qu’elles doivent relever des prérogatives du Comité de Suivi. Ces divergences de point de vue ne risquent-elles pas de faire échouer le processus ?

Partick Lawson : Pour nous, la mission du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation, conformément à l’APG, est de prévenir par la concertation et le dialogue, la récidive des situations qui ont conduit à la crise actuelle. Quant au règlement de la crise actuelle, il est précisément l’objet de l’APG qui, à cette fin, a déjà mis en place ses propres mécanismes, notamment, le Comité de Suivi qu’il suffit de réaménager pour l’adapter. C’est tout à fait normal que le CAR soutienne le décret du gouvernement de Maître Agoyibo portant création d’un Conseil National de Concertation et de Dialogue Politique (CNCDP). Nous considérons, à l’UFC, que le CNCDP du CAR comporte des insuffisances que nous devons identifier et corriger de manière consensuelle. . Ce que nous retenons, c’est que tout comme l’UFC, le CAR a rejeté fermement l’unilatéralisme du RPT.

Les partis signataires de l’APG estiment qu’ils doivent être eux aussi associés aux questions touchant la Nation. Comprenez-vous leurs inquiétudes ?

Partick Lawson : Je comprends parfaitement leurs inquiétudes. En effet, pour discuter valablement, dans un cadre à vocation consultative, des questions d’intérêt national, il faut la participation d’une grande partie de la classe politique et de la société civile, de sorte que tout ce que le pays compte de personnalités ou groupes de pression, puisse s’exprimer.
Le 9 Décembre, a été célébrée dans le monde, la journée de la lutte contre la corruption. Le gouvernement togolais a organisé à cette occasion, une cérémonie au Palais des Congrès où le fléau a été fustigé. Au Togo, on le sait, la corruption est particulièrement prononcée et tend à se généraliser. Alors, pensez-vous que c’est la meilleure manière de combattre le phénomène ?

Partick Lawson : Si le régime RPT pense pouvoir encore abuser l’opinion nationale et internationale, il se trompe lourdement. Les populations Togolaises ainsi que nos partenaires en développement connaissent parfaitement la politique de duplicité permanente, de double langage, de saupoudrage et de mesures dilatoires de ce régime réfractaire au changement.

Quel crédit accorder à cette manifestation soporifique à l’adresse des bailleurs de fonds, quand on sait que depuis plus de quatre décennies, le Togo connaît une évolution désastreuse et dramatique de son économie nationale faite de corruption, de pillage, de gabegie, de clientélisme, de déprédation des finances de l’État ?

Partick Lawson : Le Groupe Parlementaire UFC a for justement, dans son explication de vote lors de l’adoption du projet de loi de finances exercice 2009, dénoncé « la collecte d’une part importante des ressources publiques, notamment celles provenant des sociétés publiques, par des voies détournées et des moyens illégaux, pour atterrir ailleurs que dans les caisses de l’Etat ». Il est patent pour tous les Togolais que c’est le pouvoir lui-même qui organise et nourrit la corruption dans ce pays.

Selon vous que faut-il faire pour lutter efficacement contre ce fléau ?

Partick Lawson : Il ne suffit donc pas d’organiser des manifestations avec des discours creux et leur chapelet de bonnes intentions pour régler le problème de la corruption au Togo. Il faut que le gouvernement donne le bon exemple en répondant aux exigences de rigueur, d’orthodoxie et de transparence dans la gestion des finances publiques. Il faut également que les dirigeants véreux, véritables fossoyeurs des entreprises publiques soient poursuivis et punis, au lieu d’être encouragés par de nouvelles responsabilités plus juteuses.

Dans la foulée de cette célébration, Monsieur Abalo Pétchélébia, accusé par l’un de ses pairs de corruption, a été nommé président de la Cour Suprême, la plus haute juridiction de l’Etat. Etes-vous de l’avis de ceux qui pensent que cette nomination constitue un frein au programme de modernisation de la justice enclenché par le gouvernement ?

Partick Lawson : En aucun cas, la corruption ne doit être considérée comme un exploit méritant une quelconque promotion. Comme je viens de le dire, régime actuel nourrit et se nourrit de la corruption, de la gabegie, du pillage, du clientélisme, favorisant une maffia qui siphonne systématiquement les richesses de notre pays. Il s’agit bien d’un problème très grave qui gangrène nos institutions, ainsi que tous secteurs d’activité de notre pays. Seule une volonté politique affirmée pourra limiter les dégâts.
Une frange de la population semble déçue par l’opposition parlementaire car elle estime que les députés ne prennent pas à cœur leurs préoccupations. Que répondez-vous à ces critiques ? Que faites-vous pour améliorer la situation des populations ?

Partick Lawson : Je comprends parfaitement les préoccupations de nos populations qui, en votant massivement pour le changement lors des dernières législatives, ont mis tout leur espoir en nous. Malheureusement, avec seulement 27 députés, l’UFC ne peut pas réaliser tout ce qu’elle souhaite pouvoir mettre en œuvre pour le bien-être des populations togolaises. Je dois préciser ici que la mission des parlementaires c’est de voter les lois et de contrôler l’action gouvernementale. Les décisions se prenant à la majorité, imaginez la frustration des députés de l’UFC qui se battent en vain pour plus de justice sociale, pour la transparence dans la gestion des finances de l’Etat, pour l’amélioration du quotidien des populations togolaises. C’est le lieu de rendre un vibrant hommage aux députés de l’opposition parlementaire qui malgré leur minorité en siège due à un découpage inique, à une stratégie d’annulation arbitraire des bulletins de vote, font un travail remarquable. Je salue leur courage, leur ténacité et leur sens du devoir.

Un mot peut-être sur la première partie des élections qui viennent de se dérouler au Ghana où la maturité des Ghanéens a été saluée de par le monde.

Partick Lawson : D’abord je voudrais féliciter le peuple Ghanéen pour son sens aigu de la démocratie et souhaiter bonne chance aux deux candidats qui restent en lice pour le second tour. Vous savez, il suffit d’aller faire un tour à Accra pour mesurer l’ambition des dirigeants ghanéens pour leur pays ainsi que les bienfaits de la démocratie sur l’évolution de tout un peuple. Le peuple Togolais est aussi mature et responsable, mais il est pris en otage depuis quatre décennies par un pouvoir clanique, archaïque, autoritaire, violent, et réfractaire à tout changement. Un pouvoir qui n’a aucune ambition pour ce pays.
Tout pour les membres du clan, rien pour le peuple que l’on gratifie de quelques maigres subsides à la veille des élections. Ainsi, le gouvernement se désengage au profit du chef de l’Etat, qui comme au temps moyenâgeux vient avec « ses propres deniers » en aide à ceux qu’on maintient en dessous du seuil de la pauvreté pour les besoins de la cause. Puis on distribue par ci par là des cahiers à l’effigie du prince, on affecte des microcrédits financés par la bourse présidentielle etc… Les Togolais sont matures et responsables. Ils ne se laisseront pas prendre à ce jeu d’un autre âge.

Pensez-vous que l’alternance est possible au Togo en 2010 ? Que fait l’UFC dans ce sens ?

Partick Lawson : Les populations togolaises ont toujours soutenu l’UFC par leur vote massif aux diverses élections auxquelles elle a participé. Elles le feront encore plus massivement en 2010 pour porter le candidat de l’UFC, Gilchrist Olympio, à la magistrature suprême de notre pays. Certes nous savons que le pouvoir en place, coutumier de la fraude et des coups de forces, utilisera tous les moyens injustes et illégaux pour conserver le pouvoir. Mais cette fois-ci, la voix du peuple togolais sera celle de Dieu. L’UFC n’a pas les moyens d’Etat pour commencer la campagne électorale, un an avant l’ouverture officielle de la campagne. Le chef de l’Etat Faure Gnassingbé et son directeur de campagne Houngbo sillonnent, depuis quelques semaines, le pays de long en large, au frais des populations togolaises, distribuant toute sorte de dons et payant à prix d’or des conseillers en communication.

Que pensez-vous du vote de la loi de finances exercice 2009 ?

Partick Lawson : Le Président du Groupe parlementaire UFC a très bien exprimé, dans son explication de vote, les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas voter l’adoption de ce projet de loi de finances exercice 2009. En effet, ce projet de budget manque totalement de cohérence, de transparence et de crédibilité. En ce qui concerne les recettes, on note qu’au lieu de mobiliser la totalité des ressources budgétaires conformément aux procédures légales, une part importante des recettes fiscales et en capital provenant de certaines sociétés, notamment publiques, atterrissent ailleurs que dans les caisses de l’Etat ! Les dépenses restent fantaisistes, notamment au niveau du budget de la présidence de la République, avec plus de 20 milliards de F.CFA en dépenses de matériels en quatre ans (soit plus de 5 milliards de dotation annuelle reconduite depuis 2006). En outre, l’argent du contribuable continue d’être jeté en pâture aux sociétés publiques contraintes à la ruine par des dirigeants véreux qui ne sont nullement inquiétés.

Pendant que les parlementaires de l’opposition UFC, CAR votaient contre ce budget, un député de l’UFC de surcroît Délégué national à la Jeunesse s’est abstenu. Comment expliquez-vous ce dysfonctionnement ?

Partick Lawson : Cela est inacceptable. Le budget est l’instrument significatif et quantifiable de l’organisation sociale, économique et financière que propose un gouvernement sur une année budgétaire. En quoi le budget proposé par le gouvernement et voté par l’ensemble des députés du RPT corrige les écueils politiques et financiers rencontrés en 2008. Des vœux pieux qui ne voient même pas le 1/3 se concrétiser et d’une façon effective : ce budget est conçu pour endormir ceux qui peuvent encore l’être, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2010. Les dépenses du cabinet de la présidence prouvent à souhait que ce n’est pas la résolution des problèmes sociaux et financiers qui préoccupent le pouvoir en place : gabegie et dilapidation à l’IFG, FER, douanes, etc. Saupoudrage en direction des populations démunies et affamées : vie chère ; gratuité de l’école biaisée ; premiers soins de santé partout au Togo inexistants ; des dons sporadiques et calculés en prévision de la présidentielle de 2010. De plus, une opposition qui se bat pour la concrétisation de la démocratie, qui lutte contre la corruption, la gabegie doit toujours respecter la discipline pour espérer obtenir des mutations qualitatives, en ce qui concerne les débats fondamentaux qui engagent la vie de la nation sur une longue période. L’UFC ne peut que désapprouver profondément cette attitude d’une inconséquence terrible.

Vous avez évoqué, au cours des débats sur le rapport de la loi de finances, que cela fait 14 mois que vous avez demandé un certificat de nationalité sans satisfaction à ce jour. Qu’en est-il exactement ?

Partick Lawson : Qui peut le croire dans « le Togo Nouveau » avec un « Homme nouveau » ! En fait, si j’ai évoqué mon cas personnel (1er Vice-Président de l’UFC ; Député de la Nation ; Président de la Commission du Développement Economique et de l’Aménagement du Territoire, etc.), c’est pour mieux m’interroger sur ce que doivent subir les « illustres togolais inconnus » venus de « Kamtchatka ou de Matusalem ». En effet, le dépôt de ce dossier et de rectification de mon certificat de Nationalité date de Septembre 2007 à l’époque où M. Polo Sela était ministre. Rien n’y fit. Lorsque que M. Kokou Tozoun est revenu, je suis retourné le voir. Des éléments complémentaires m’ont été demandés. Du Préfet des Lacs vers qui j’ai été envoyé pour la transmission de ce dossier jusqu’à M. Pekemsi Directeur du Service des Nationalités, je n’ai jamais pu connaître les raisons de cette rétention. Le Sieur Pekemsi m’ayant renvoyé plusieurs fois chercher les éléments complémentaires…et que j’ai toujours fournis ! Des ministres, surtout celui de la Justice ont commencé à éviter mes appels sur ce dossier. Rares sont les décideurs politiques dans ce pays, qui ne soient informés de ce dossier. La dernière trouvaille est de me dire tranquillement et sans sourciller, que j’ai trop de prénoms et qu’il faut les réduire. J’ai acquiescé. Et depuis 6 mois encore déjà, plus rien. Je considère que c’est l’illustration de l’arbitraire, des brimades dont le régime est friand.
Etant togolais et ayant du sang de ceux qui ont fait du Togo, une nation, ce sang qui coule dans mes veines, fera qu’un jour, je rentrerai en possession de mon certificat de Nationalité. En attendant, il faut éviter ces tortures d’un autre temps aux autres citoyens togolais.

Question d’actualité, quelle est votre analyse à chaud sur la situation en Guinée ? Après le décès du Gal Président Lansana Conté ?

Partick Lawson : C’est un sentiment de perplexité pour une situation faustienne. En réalité, lorsque j’ai vu sur les écrans d’une chaîne étrangère, la dame Adrienne Diop, l’une des artisanes du drame togolais de 2005, intervenir au nom de la CEDEAO pour donner des leçons aux « putschistes » et les rappeler à la légalité constitutionnelle, je me suis dit que le Monde change, mais les hommes qui sont à la base des maux de l’Afrique sont toujours les mêmes.

Où étaient tous ces hommes et femmes quand la Constitution guinéenne était maintes fois violée et le peuple guinéen martyrisé ? Ont-ils pu énoncer tout simplement le principe du droit d’ingérence ?

Partick Lawson : Où se trouve aujourd’hui la légitimité ? Est ce avec un Parlement dont le « mandat populaire » est depuis périmé et dont le Président a été « nommé » plutôt que élu par ses pairs ? Ou c’est avec un Premier Ministre illégitime, parce que putatif ?
Loin d’approuver l’irruption des jeunes officiers dans la vie politique guinéenne – d’ailleurs, ce n’est pas la 1ère fois dans l’histoire de la Guinée et ne l’oublions pas – je ne peux cependant m’empêcher de dire ceci : ils sont un mal nécessaire. Les peuples africains, et singulièrement guinéens les observent. Seul un dénouement heureux justifiera s’ils ont agi dans l’intérêt Supérieur de la Nation. Et c’est ce que pour ma part, je leur souhaite. Réussir à réorganiser la société guinéenne, à préparer dans des conditions optimales des élections démocratiques et enfin organiser des élections libres et équitables dans l’intérêt des populations guinéennes. Pour qu’à jamais, on ait de nouveau recours à la force pour rétablir les droits légitimes du peuple guinéen.

Quel mot à l’endroit des populations démunies en cette période de fêtes ?

Partick Lawson : Espoir et Espérance. Les fondateurs de ce pays qui nous a vu naître, intercèderont pour nous tous, auprès du tout Puissant pour que la fin de nos malheurs enfin vienne. Que les 2 années qui viennent soient celles de la bénédiction divine afin que le peuple Togolais puisse rentrer dans l’Espérance. Bonne année à tous les togolais, civils et militaires. Que Dieu bénisse le Togo.

Propos receuillis par Komlan AMETEPE
Publiié le 29/12/08 dans LIBERTE