26/04/2024

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TOGO : Akitani-Bob s’autoproclame président élu face à Gnassingbé proclamé officiellement

Par Noël Kokou Tadégnon

LOME, 27 avr (IPS) – Emmanuel Akitani-Bob, le candidat de la coalition de l’opposition radicale, s’est autoproclamé président élu du Togo, mercredi, au lendemain de la proclamation officielle de Faure Gnassingbé par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Akitani-bob, a déclaré, à partir d’une maison de Lomé, la capitale togolaise, où il vit actuellement en clandestinité, qu’il avait remporté les élections dans toutes les localités du Togo, sauf à Kara, le fief de la famille Gnassingbé. Il a indiqué qu’il était prêt à une confrontation des chiffres avec la CENI.

Les résultats de l’élection qualifiée de  »truquée » sont contestés par l’opposition qui a appelé ses partisans et la population à la  »mobilisation et à la résistance », dénonçant une nouvelle élection qui leur  »a été volée ». De nouvelles émeutes ont éclaté, mercredi matin à Lomé, au lendemain la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle de dimanche qui consacre la victoire de, le candidat du parti au pouvoir.

Déjà après l’annonce des résultats mardi par la CENI, de violents affrontements avaient opposé des militants de l’opposition aux forces de l’ordre dans certains quartiers considérés comme les fiefs traditionnels des opposants, notamment à Bè, dans le sud de Lomé.

Une douzaine de manifestants ont été tués par balles et plusieurs autres blessés entre mardi et mercredi, selon des sources hospitalières.

Selon les résultats annoncés mardi par Kissem Tchangai Walla, la présidente de la CENI, Faure Gnassingbé a obtenu 1.327.537, soit 60,22 pour cent des suffrages.

Il devance Emmanuel Akitani-Bob, le candidat de la coalition de six partis de l’opposition radicale, qui a réuni 841.797 voix, soit 38,19 pour cent. Il est suivi de Harry Olympio, un candidat de l’opposition modérée, crédité de 12.033 voix, soit 0,55 pour cent de voix.

Selon la présidente de la CENI, 2.288.279 électeurs ont voté sur 3.599..306 inscrits. Le taux de participation a été de 63,57 pour cent.

 »La CENI tient à préciser qu’elle n’a pas tenu compte des urnes détruites par les manifestants à l’issue du scrutin », a déclaré Walla qui a ajouté :  »Au vu des résultats, est proclamé provisoirement élu le candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT) », le parti au pouvoir.

 »Je suis très content du résultat que nous venons d’apprendre », a indiqué aux journalistes Komi Sélom Klassou, le directeur de campagne de Faure Gnassinbgé.

Selon lui,  »Le président a dit que sa victoire serait la victoire du peuple togolais. Vous pouvez être sûrs qu’il tendra la main à tous les citoyens pour qu’ensemble, on puisse bâtir un Togo dans la stabilité ».

La réaction de l’opposition, qui a dénoncé des  »fraudes massives » aussi bien dans les opérations de révision des listes électorales et de distribution des cartes d’électeur qu’au cours du vote lui-même, dimanche, est totalement différente et ne s’est pas fait attendre.

Jean Pierre Fabre, le secrétaire général de l’Union des forces du changement (UFC), et membre de la coalition de l’opposition, a déclaré à IPS :  »Nous ne nous laisserons pas faire. Nous ne sommes pas près d’accepter cela pour une énième fois qu’on nous vole notre victoire », a-t-il ajouté.

L’UFC est le parti de Gilchrist Olympio, le leader historique de l’opposition au défunt président général Gnassingbé Eyadema. Selon Fabre, il sera très difficile de contrôler les militants et la population qui sont  »très en colère ».

 »On nous a volé notre victoire », scandaient de jeunes gens surexcités un peu partout dans les rues de la capitale. Ils ont déclenché de violentes manifestations à travers la ville, notamment dans les quartiers favorables à de l’opposition.

Ces jeunes ont installé des barricades et enflammé des pneus sur les principales artères et carrefours de Lomé. Les forces de l’ordre étaient également visibles mardi soir dans les rues, quadrillant la ville et tentant d’intervenir pour dégager les barricades et chasser les manifestants en lançant des grenades lacrymogènes.

 »Nous allons mener la vie dure à ces voleurs », a confié à IPS, Célestin Soké, un apprenti tailleur âgé de 28 ans. Comme lui, plusieurs jeunes ont pris d’assaut les rues de la capitale.  »Nous allons multiplier les barricades, nous allons rendre le pays ingouvernable », a-t-il affirmé.

Pourtant, le nouveau président proclamé élu, Faure Gnassingbé, a appelé à l’unité, se déclarant  »président de tous les Togolais » et renouvelant sa volonté de former un gouvernement d’union nationale pour tenter de ramener le calme à Lomé où le climat quasi-insurrectionnel est susceptible de se dégrader considérablement, selon des observateurs locaux.

Toutefois, le leader de l’opposition en exil, Gilchrist Olympio, a rejeté l’offre, qualifiant l’élection de  »mascarade » entachée par de  »fraudes massives et grossières ». Il a également refusé l’appel lancé, dans la même perspective, par le chef de l’Etat nigérian, Olusegun Obasanjo, à Abuja, lundi, la veille de la proclamation des résultats de l’élection togolaise.

Pour Olympio, seul un  »accord politique » entre le pouvoir et l’opposition, qui permettrait de réviser tous les textes juridiques du Togo et d’organiser de nouvelles élections libres et transparentes dans un délai de six mois à deux ans, pourrait calmer la situation dans ce pays d’Afrique de l’ouest marqué par le régime dictatorial de feu Gnassingbé Eyadema pendant 38 ans.

Par ailleurs, de nombreux magasins, tenus notamment par des Libanais, ont été saccagés et pillés par des assaillants. Des manifestants s’en prenaient également aux Français pour dénoncer la position de la France, jugée partiale et favorable à une  »élection manipulée », selon eux, pour maintenir le fils de l’ancien président.

Faure Gnassingbé avait pris le pouvoir, avec le soutien de l’armée, peu après l’annonce du décès de son père, le général Eyadema, le 5 février, avant de se retirer sous les pressions de la communauté internationale.

De leur côté, des milliers de partisans de Gnassingbé ont manifesté également dans le nord de la capitale. Venus nombreux dans des cars convoyés du nord du Togo, fief des Gnassingbé, ces supporteurs étaient armés de gourdins et de machettes, et tenaient à se rendre dans le quartier de Bè, pour en découdre avec les militants de l’opposition. Mais, ils ont été bloqués par les forces de l’ordre. De la frontière ghanéenne qu’ils ont traversée et qui occupe une partie de la ville de Lomé, de nombreux opposants togolais lancent des appels à la résistance.

Plus de 1.000 Togolais fuyant les violences provoquées par la contestation des résultats, se sont réfugiés depuis mardi au Bénin, selon la mairie de Grand-Popo, ville béninoise frontalière contactée par IPS, mercredi.

Pourtant, Cheick Oumar Diarra, le secrétaire exécutif adjoint de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) forte de 15 pays membres, a déclaré que les élections de dimanche remplissaient les conditions d’un scrutin libre et démocratique, et que les quelques irrégularités constatées ne pouvaient pas remettre en cause la crédibilité des résultats.

La CEDEAO a envoyé 150 observateurs pour surveiller le déroulement des élections dans des milliers de bureaux de vote éparpillés sur toute l’étendue du pays.

Adoté Ghandi Akwé, président de la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH) et président du collectif des associations et syndicats de la société civile, ne partage pas l’avis de la CEDEAO.  »Les résultats n’ont pas répondu aux aspirations des populations, et c’est pour cela que le pouvoir n’a pas voulu que les gens assistent aux dépouillements, en violation du code électoral », a-t-il dit à IPS.

‘Initiative 150’, une organisation non gouvernementale (ONG) togolaise, avait dénoncé les conditions de déroulement des élections du 24 avril. Dans une déclaration, l’ONG a dénoncé de nombreuses tentatives de mise en place d’urnes bourrées, et qui ont réussi dans les bureaux dont l’accès a été refusé aux délégués de l’opposition.

L’ONG ajoute :  »Au cours du scrutin, de nombreuses personnes ont été trouvées en possession de sacs contenant des cartes d’électeurs et des bulletins pré-remplis au nom du candidat Faure Gnassingbé. Dans plusieurs bureaux de vote, plusieurs personnes ont introduit dans l’urne » des dizaines de ces bulletins.

 »Lors du dépouillement, des miliciens cagoulés ont, par la violence, enlevé des urnes qui, conformément à la loi, auraient dû être dépouillées en public », affirme l’ONG.

Selon l’ONG confirmée par des journalistes étrangers qui ont couvert les élections,  »les moyens de communication ont été délibérément perturbés, voire interrompus » le jour des élections.

Le quotidien privé béninois ‘La Nouvelle Tribune’ estime, mercredi dans un éditorial, que cette mesure visait à  »éviter le scénario sénégalais du décompte parallèle des voix en 2.000 » par des partis de l’opposition et des organisations indépendantes.

 »Le centre des saisies des données électorales de la coalition de l’opposition a été entièrement saccagé par des individus cagoulés », selon l’ONG. (FIN/2005)