25/04/2024

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Togo : De la problématique du quartier Adéwi à Lomé

« Au XXIe siècle…, « la conscience ethnique », contre laquelle notre illustre Frantz Fanon nous a vivement mis en garde, devrait être déjà… transcendée ! » Par Godwin Tété

Afin de : i) faire connaître le plus largement possible les manifestations populaires de fin de semaine de l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement), du FRAC (Front Républicain pour l’Alternance et le Changement), du CST (Collectif « Sauvons le Togo ! »), et de la Coalition Arc-en-ciel ; et ii) conscientiser au mieux les habitants de notre capitale Lomé, les dirigeants de ces structures en sont arrivés à décider de mener ces manifestations alternativement dans chacun des différents quartiers de cette ville.

À cet effet, ils ont choisi de démarrer leur marche pacifique du samedi 15 septembre 2012 à partir du quartier Adéwi (ou Adéwikomé) – sis au nord-est de la capitale. Mais ce jour-là, des nervis kabiyè soudoyés sans doute et notoirement encadrés par des forces de répression RPTO-UNIRistes, s’attaquèrent violemment aux pacifiques manifestants. Et le soleil se coucha ce 15 septembre écoulé sur bon nombre de blessés (dont un jeune homme avec une oreille coupée !) qui se retrouvèrent dans des cliniques.

Le vendredi 21 subséquent, nos combattants de la liberté tentèrent de reprendre, à partir d’Adéwikomé, leur manifestation réprimée dans le sang le 15 précédent, mais en vain, le pouvoir en place l’ayant formellement et physiquement… empêchée. Et il a fallu attendre le samedi 20 octobre courant pour que le pouvoir gnassingbéen ose autoriser la marche à clôturer par un meeting. Et ce, en raison de la foi, de la détermination, de la pugnacité de ces combattants !!! Oui ! Seule la lutte paie !!!

Mais pourquoi donc toutes ces tracasseries, tous ces atermoiements, toutes ces intimidations ?!

Comme on le sait, chez nous, les villages, les villes, les quartiers, les campements, etc., portent souvent le nom du premier personnage important à y avoir élu domicile. C’est ainsi le quartier Deckon – au cœur de Lomé – tire son appellation du patronyme du redoutable Commissaire de Police Cosme Deckon, (originaire de Grand-Popo si je ne m’abuse). Quant à Adéwi, il s’agit du Colonel Robert Kidjandan Adéwi (de l’ethnie kabiyè). Personnage haut en couleur, il aura pris une part très active des tractations nocturnes qui auront abouti à l’assassinat du Père de la Nation togolaise Sylvanus Olympio le 13 janvier 1963 .

Il va sans dire qu’à l’époque, l’espace vital s’était déjà épuisé dans la vieille ville de Lomé. Si bien que les nouveaux venus (du septentrion) du Togo se devaient de s’installer dans les périphéries de notre capitale. Et ce, par « affinité ethnique ». Voilà pourquoi, de facto, Adéwikomé va se trouver occupé majoritairement par des concitoyens kabiyè. Voilà aussi la raison pour laquelle le RPT/UNIR va estimer que cette zone de Lomé constitue pour lui « une chasse gardée »… de droit gnassingbéen – où il peut s’autoriser à faire la pluie et le beau temps !

Mais nous sommes ici tout simplement confrontés à la fameuse vraie/fausse question nord-sud que l’auteur des présentes lignes a stigmatisée ailleurs ; qui gangrène la vie socio-politique sur la Terre de nos Aïeux depuis les premières heures de l’ère coloniale ; qui aura été exacerbée systématiquement par Gnassingbé Eyadéma ; qui aura été fomentée et exploitée pour diviser les Togolais et régner sur eux ; que le RPT/UNIR perpétue encore sous nos yeux !

À ce propos, voici un cas typique que j’ai vécu dans ma peau, dans mon cœur, dans mon esprit il y a maintenant plus de vingt ans, et que je narre à nouveau textuellement comme suit.

« Au début de mars 1992, le président du bureau du HCR, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, imagina une opération visant l’éducation de nos concitoyens du Togo profond au concept de démocratie… Cette opération consistait à dépêcher à l’intérieur du pays de petits groupes de Hauts Conseillers de la République, pour des discussions sur place avec les populations, relativement au thème ci-devant évoqué.

L’organe législatif de transition fut alors éclaté en un certain nombre (approprié) de groupes. Pour ma part, je me retrouvai dans celui dirigé par Zarifou Ayéva et qui était chargé de la Région centrale.

Tout se passa très bien au cours de notre tournée sauf à Sotouboua et Blitta. En effet, le 19 mars, nous avons frôlé le pire à Sotouboua où un quarteron de véritables nervis du RPT nous empêcha matériellement d’accomplir notre mission. Mieux, il était sur le point de porter atteinte à notre intégrité corporelle. Mais nous fûmes sauvés de justesse par le Préfet qui était parfaitement au parfum du plan pervers tramé contre nous… Plus précisément, l’endroit où se tenait notre réunion permit au Préfet de nous sauver in extremis.

Je suggérai, mais en vain, que nous retournions à Lomé, étant donné qu’il ne manquait plus que l’étape de Blitta à notre périple. Le lendemain 20 mars, les mêmes énergumènes, qui étaient très bien au courant de notre itinéraire…, nous attendaient de pied ferme à Blitta. Or, ici, le lieu de notre rassemblement n’était plus de nature à permettre notre protection…

Je fus le premier à recevoir un gros coup de pierre à la hanche gauche. Mes collègues qui tardèrent sur les lieux furent copieusement malmenés, blessés. Notamment Zarifou Ayéva à qui les nervis avaient promis qu’il ne rentrerait pas vivant à Lomé…

Violemment frappé à la nuque, Zarifou tomba par terre et s’évanouit quelques fractions de seconde ; les malfrats étaient sur le point de l’assommer lorsqu’un jeune gendarme (ou policier), fort vraisemblablement un Kabiyè…, dégaina son pistolet et ainsi arrêta les criminelles mains des assaillants qui auraient pu s’avérer fatales à notre frère Zarifou Ayéva ce 20 mars 1992.

Pendant des années entières, je sentirai encore la trace du coup de pierre qui m’a été asséné… »

Dieu merci, la situation a toutefois quelque peu évolué depuis lors dans la partie septentrionale… de notre pays. Positivement. Cependant, au regard de ce à quoi nous assistons ces jours-ci, s’agissant d’Adéwikomé, il y a lieu de se poser l’éternelle question de Vladimir Ilitch Lénine : « Que faire ?! »

Aux fins de résoudre cette vraie/fausse question nord-sud chez nous – question à la fois insidieuse, pernicieuse et porteuse d’épouvantables conflits – l’auteur du présent article a avancé quelques suggestions au chapitre VII de son opuscule y relatif, imprimé par les Éditions Haho (Lomé, Togo) et susmentionné. À cet égard, des états généraux systématiquement consacrés à ce thème apparaissent comme instamment requis. À organiser tôt ou tard !

De toutes les façons, en vue de gommer radicalement et définitivement cette question, l’oligarchie qui régente actuellement notre pays – ainsi que ses suppôts avérés – doivent quitter la scène politique togolaise, ici et maintenant !

À ce sujet, il nous faut trois choses fondamentales, essentielles, cruciales : de la Détermination, encore de la Détermination, toujours de la Détermination !!!

Combattants togolais de la Liberté !
Par notre Foi, notre Courage et nos Sacrifices, la Nation togolaise Renaîtra !!!
Ablodé ! Ablodé ! Ablodé nogo !!!

Paris, le 21 octobre 2012

1- Cf. Evalo Wiyao, 13 janvier 1963 – 13 janvier 1967. Pourquoi ? Ed. NEA, Lomé, 1997, pp. 64-65 ; ou Godwin Tété, Le régime et l’assassinat de Sylvanus Olympio (1960-1963), Ed. NM7, Paris, 2002, pp. 113-115.
2- Cf. Godwin Tété, LE TOGO – La vraie/fausse question nord-sud. Ed. Haho, Lomé, 2007.
3- Cf. Godwin Tété, Histoire du Togo – La longue nuit de terreur (1963-2003) Vol. 1. Ed. Auteurs du Monde, Paris, 2006, pp. 339-340.