Par Vénavino DALVES
Dans des régimes à administration centralisée, à fortiori dans les dictatures, le préfet, représentant de l’Etat reste le « dépositaire de l’autorité de l’État dans le département ». La préfectorale est au Togo avec l’armée les deux pierres angulaires de la dictature. Voilà pourquoi le remplacement des préfets était fortement exigé par les partis d’opposition, surtout en cette période préélectorale. Cependant, les mouvements observés au niveau de la préfectorale ne présagent rien de bon. Les nominations ou changements d’affectation sont à cet égard très instructif quant aux stratégies du pouvoir : gestion ethnique et clanique du pouvoir, double langage et contournement des engagements pris.
En effet, un décret pris en Conseil des ministres du mercredi 20 juin 2007, nomme les 31 présidents des Commissions électorales locales indépendantes (CELI) et treize nouveaux préfets sur les trente et une préfectures que compte le pays. En raison du mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne retenu pour les élections législatives, la préfecture est érigée en circonscription électorale. Et les CELI ont en charge la mise en œuvre du processus électoral dans les préfectures. La composition de ces commissions locales est favorable numériquement au RPT. Sans compter qu’elle est assistée d’une commission technique composée comme suit :
– Le représentant du préfet ;
– Le représentant du maire pour la commune de Lomé ;
– Le commandant de la brigade de gendarmerie, à défaut, le chargé du commissariat de police du chef-lieu de la préfecture ;
– Le commissaire central de police pour la ville de Lomé ;
– Le chef de détachement des gardiens de la sécurité du territoire ;
– Le chef service des télécommunications à défaut, celui des postes ;
– un (01) informaticien ou statisticien ;
– Un (01) représentant de la chefferie traditionnelle.
En outre, Faure Gnassingbé et son parti, le RPT ont verrouillé cette structure locale de la CENI en désignant unilatéralement les présidents de ces institutions locales (des magistrats), en violation des dispositions du Code électoral.
En effet, la liste des magistrats proposés pour la présidence des CELI n’est pas une initiative collective de la CENI comme le dispose le Code électoral (article28). Contournant les prérogatives de l’Assemblée plénière de la CENI, son Président a convenu avec le ministre de la justice de cette liste de magistrats, uniquement constitués de magistrats du parquet dont on connaît la dépendance totale à l’égard du pouvoir.
Au surplus, on constate aisément que ces nominations sont inspirées par une démarche ethno-régionaliste (tribaliste), car sur les 31 présidents nommés, 22 sont de la région septentrionale du Togo alors que seulement 9 sont de sa région méridionale. La méthode choisie et les actes posés montrent que le pouvoir actuel se situe dans la continuité d’un régime dont le rapport de l’ONU (Août 2005) nous dit qu’il est caractérisé par « une gestion ethnique et clanique du pouvoir » (point 2.2 du Rapport Diène-Arbour , d’Août 2005).
Cette stratégie du verrouillage et du contournement est aussi manifeste dans la désignation des préfets. En pire parfois ! Les mouvements observés ne portent que sur treize préfectures sur les 31 que compte le pays. Sont concernées, à titre principal, les préfectures des régions méridionales du pays, considérées par le RPT comme les fiefs de l’opposition démocratique. Tous les préfets du Nord du pays sont maintenus en place alors qu’ils ont été mis en cause dans l’organisation, en période électorale, de la terreur, des intimidations, arrestations arbitraires, assassinats et autres bourrages d’urnes sur les populations dans ces régions que le RPT considère faussement comme ses fiefs.
C’est essentiellement pour ces raisons que des partis de l’opposition démocratique ont exercé de fortes pressions pour qu’ils soient remplacés. Signalons par ailleurs qu’il est tout à fait remarquable que les préfets militaires de l’Oti et du Moyen-Mono n’aient pas été remplacés dans ces préfectures où ils terrorisent à l’extrême les populations. A titre d’exemple de préfets maintenus en fonction et qui se comportent comme de véritables potentats locaux, citons les préfets de Blitta, de Soutouboua, de la Kéran, MM. Atcholi Aklesso, Takouda Blèza et Koura Dzato. Allagbé Kokou Bayédjé, qui fut préfet du Zio a été muté dans la préfecture de l’Amou. Cet homme est notoirement connu dans sa région de départ comme le commanditaire de violences graves contre les populations pendant la période où il fut en place dans le Zio.
Voici donc, ci-dessous, les nominations faites :
Sur proposition de la CENI, sont nommés présidents des CELI :
— 1. Circonscription électorale de Tône : AYEVA Tchatchibara
— 2. Circonscription électorale de Kpendjal : BAYETIN Yobé
— 3. Circonscription électorale de Tandjouaré : ALI Essodom
— 4. Circonscription électorale de l’Oti : LARE Mondo
— 5. Circonscription électorale de la Kéran : KLOUGAN Yao
— 6. Circonscription électorale de Doufelgou : ADJESSOM Komi
— 7. Circonscription électorale de la Binah : SIOU Koffi
— 8. Circonscription électorale de la Kozah : AWIDJOLO Toutourème
— 9. Circonscription électorale de l’Assoli : EDJOLEVO Kossi
— 10. Circonscription électorale de Dankpen : TOKE Kokou
— 11. Circonscription électorale de Bassar : KONDO Ouro-Gnao
— 12. Circonscription électorale de Tchaoudjo : IBRAHIM Awal
— 13. Circonscription électorale de Tchamba : TCHAKOURA Sanoka
— 14. Circonscription électorale de Sotouboua : KADANGA Tchalim
— 15. Circonscription électorale de Blitta : LAMBONI Kanfitiémi
— 16. Circonscription électorale de l’Est-Mono : POYODE Essolisam
— 17. Circonscription électorale de l’Ogou : NAYO Karenkou Awoulmère
— 18. Circonscription électorale de l’Amou : BAKAÏ Batombou
— 19. Circonscription électorale du Haho : KOEZI Ankou
— 20. Circonscription électorale du Moyen-Mono : GNON-MANLEY Gbati
— 21. Circonscription électorale de Wawa : POUTOULI Abli
— 22. Circonscription électorale de Danyi : MAWAMA Talaka
— 23. Circonscription électorale d’Agou : DJANGUENANE Likrimam
— 24. Circonscription électorale de Kloto : TCHAGBA Idrissou
— 25. Circonscription électorale de l’Avé : LETABA Bahama
— 26. Circonscription électorale du Zio : ABDOU-SALAMI Moutawakilou
— 27. Circonscription électorale de Yoto : ABOTCHI Ouwolowonassé Yao-Kouma
— 28. Circonscription électorale de Vo : d’ALMEIDA Kodjo
— 29. Circonscription électorale des Lacs : GBADOE Edoh
— 30. Circonscription électorale du Golfe : POKANAM Nounguine
— 31. Circonscription électorale de Lomé-Commune : SOGOYOU Pawélè
Au titre du ministère de l’Admnistration territoriale, sont nommés préfets et sous-préfets :
— Préfecture du Golfe : Mr DADJA Boronkome
— Préfecture des Lacs : Mr ADOSSI Kossi
— Préfecture de Vo : Mr GANGAN Kokou Agbédidi
— Préfecture de Yoto : Mr TOUDEKA Gado Komlan
— Préfecture de Zio : Mr KOUVAHEY Ludovic Ekoué
— Préfecture de l’Ave : Mr AGBOMADJI Charles
— Préfecture d’Agou : Mr NOUNYAVA Kokou
— Préfecture de Kloto : Mr LEMOU Pilakani
— Préfecture d’Amou : Mr ALLAGBE Kokou Bayédjé
— Préfecture de l’Ogou : Mr TCHANGANI Awo
— Préfecture de Wawa : Mr AGBEDJI Moulé Komlan
— Préfecture de l’Est-Mono : Mr KONTE Watarma
— Préfecture de Tone : Mr MOSSIYAMBA Ali Seydou
— Sous-préfecture de Kpélé-Akata : Mr GUEDEMEKPOR Kokou Ayéva
— Sous-préfecture de Cinkassé : Mr NABAGOU Kangoume
L’affaire des préfets illustre à nouveau le refus du RPT de jouer le jeu de la transparence et d’accepter l’alternance politique. Aucunes concessions significatives ou majeures qui nous inciteraient à la confiance ne sont faites. Faure Gnassingbé est davantage cohérent et il met en œuvre un conseil que lui prodigua son père : ne pas perdre le pouvoir à tout prix au risque de ne plus jamais le retrouver ! Il est temps que la classe politique médite ces propos et adopte des stratégies appropriées.
La rédaction letogolais.com
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