Par Hélian MENSAH
Dans un [communiqué de la ZETES->www.zetes.com/english/dynamic/getitem.cfm?fuseaction=getitem_public&item_num=5841] publié sur son site internet, la société belge annonçait que le gouvernement togolais l’avait désigné comme « opérateur unique pour l’enregistrement biométrique de ses électeurs. Selon les termes de ce communiqué, Zetes affirmait que « le recours se justifiait pour des raisons de rapidité et d’efficacité, en vue de respecter la date fixée » (à savoir le 24 juin 2007. Or, à ce jour, les kits prévus pour le recensement des électeurs et qui ont été empruntés auprès de la RDC ne sont pas prêts.
En effet, les tests effectués à Bruxelles au siège de ZETES en présence d’experts de LA CENI et du PNUD se sont révélés infructueux. C’est désormais un secret de polichinelle, ces élections n’auront pas lieu le 24 juin. Selon des informations en notre possession, la prochaine réunion du Comité de suivi qui aura lieu le vendredi 11 mai à Ouagadougou entendra une communication de la CENI sur le chronogramme et le budget électoral. Comment en est on arrivé là ?
L’idée de procéder à l’enregistrement des électeurs à la manière RDC a été préconisée par Louis Michel. Cette proposition faite à l’UFC a été saisie au bond par ce parti qui l’a défendu avec force. Cette méthode d’enregistrement des électeurs qui semble fiable à première vue comporte plusieurs risques dès lors que les différents acteurs n’ont aucune maîtrise sur la collecte des données enregistrées et que la société ZETES qui fournit le logiciel en a la seule maîtrise, comme ce fut le cas en RDC. En outre, ZETES qui a remporté le marché d’enregistrement des électeurs en RDC est une société belge, pays dont est originaire le Commissaire européen Louis Michel qui est un grand soutien de Kabila et de Faure Gnassingbé.
Louis Michel, on le sait a été un des artisans de l’élection de Kabila en RDC. Mais il fallait le faire proprement, c’est-à-dire avoir une caution technologique. Puisque la méthode a réussi en RDC, pourquoi ne pas la mettre en œuvre au Togo, pays dont on sait qu’il est plus petit que le Congo démocratique. C’est ainsi que Louis Michel suggéra à son ami Gilbert Bawara, l’homme de toutes les basses manœuvres du clan Gnassingbé, d’opter pour ZETES dans la mise en œuvre du recensement électoral et l’établissement du fichier électoral.
GILBERT BAWARA ET LOUIS MICHEL ONT PRIS DE COURT LA CENI
De cette manière, le gouvernement, plutôt, Gilbert Bawara et Louis Michel ont pris de court la CENI en optant pour l’emprunt des kits et en concluant des contrats de gré à gré avec ZETES. L’attribution des marchés de développement des logiciels et kits et de réinitialisation de ces kits au mépris de toute règle de transparence complique actuellement les travaux de la CENI. Bien qu’elle soit l’institution centrale chargée de l’organisation des élections, elle n’a pas encore connaissance du contenu des contrats que les ministres Bawara et Ahoomey-Zunu ont négociés et signés avec la société belge ZETES avec laquelle elle est obligée de travailler.
Aujourd’hui, il y a certaines tâches à réaliser que la société ZETES ne veut pas faire en arguant qu’elles ne sont pas contenues dans le contrat. Avec l’appui du gouvernement, elle va jusqu’à imposer certaines choses à la CENI. Par exemple, dans le cadre du recensement, la question des centres préfectoraux de traitement de données qui fait partie du schéma arrêté par la CENI pour assurer la confection du fichier électoral fiable. Il doit y avoir dans les 30 préfectures et dans la commune de Lomé des centres qui auront pour mission de traiter d’abord les données à leur niveau avant de transférer les résultats à la CENI auprès de laquelle une structure nationale. C’est avec le soutien du gouvernement (Bawara et Ahoomey-Zunu), que ZETES ne veut pas s’exécuter et souhaite que tout se fasse directement au niveau national. Bien que tout cela soit prévu dans le budget, le gouvernement veut sauter cette étape. Selon certaines indiscrétions, la centralisation directe des résultats sur le plan national a été à l’origine de nombre d’anomalies en République Démocratique du Congo. Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui cette volte-face du gouvernement ? N’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter ?
Le vendredi 04 mai dernier, la facilitation a dépêché une mission au Togo. Celle-ci a eu une séance de travail avec les membres de la CENI pour s’assurer de l’évolution de ses tâches. Les deux émissaires burkinabés étaient accompagnés par les ministres Gilbert Bawara et Ahoomey-Zunu. Au cours de cette rencontre, les membres de la CENI ont évoqué les difficultés auxquelles elle fait face, difficultés parmi lesquelles cette affaire de contrat que l’institution chargée d’organiser les élections ne maîtrise pas. Cette révélation n’a pas été du goût des ministres qui sont sortis de leurs gonds. Leurs réactions auraient été excessives. Les échanges ont été houleux entre les ministres et certains membres de la CENI. Gilbert Bawara et Ahoomey-Zunu se seraient acharnés à défendre les intérêts de ZETES. Allez-y comprendre quelque chose. Les deux ministres auraient balayé d’un revers de la main le projet de la constitution des centres préfectoraux du traitement des données. Ils ont offert un spectacle triste devant les émissaires du facilitateur. C’est en bloc que les membres de la CENI auraient déploré cet état de chose. Durant toute la rencontre, ils auraient défendu l’autonomie de leur institution en refusant qu’on leur impose des options contraires à celles qu’eux-mêmes ils ont arrêtées à l’issue de leur délibération.
LA CENI FAIT FACE A DE SERIEUX PROBLEMES
Présentement, la CENI fait face à de sérieux problèmes du fait de la non disponibilité des ressources financières. Il n’y pas de réponse aux appels de fonds. Conséquence, les tâches que doit exécuter cette institution ont du plomb dans l’aile. Par exemple, l’installation des Commissions Electorales Locales Indépendantes (CELI) nécessite au moins 200 millions FCFA. Mais la CENI n’a reçu que 41 millions soit moins du quart du budget. Aussi le réaménagement que le gouvernement apporte au Code électoral oblige-t-il l’institution à différer l’installation de ces CELI. « Avec quel code va-t-on travailler avec les membres des CELI ? Cet réaménagement vient perturber nos travaux », susurre-t-on à la CENI.
Au moment où la CENI manque de fonds pour exécuter effectivement ses nombreuses tâches, le gouvernement ne cesse d’honorer prestement son contrat de gré à gré avec la société belge ZETES. Elle aurait déjà encaissé plus de 2 milliards FCFA. Tout se passe comme si certains ministres ont quelque chose à gagner auprès de cette société. Aucun membre de la CENI n’a eu connaissance du contrat passé avec ZETES.
En réalité, ce sont les bailleurs de fonds et l’Etat togolais qui devraient pourvoir la CENI en moyens financiers. Jusqu’à présent, les partenaires n’ont pas bouclé leur contribution. Et selon certaines indiscrétions, c’est le gouvernement qui ne donnerait pas assez d’assurance à ceux-ci. Il paraît que depuis janvier dernier, un projet a été élaboré entre l’Union Européenne, le PNUD, le Gouvernement et la CENI. Mais jusque-là, le gouvernement ne fait aucun effort pour formaliser ce cadre de coopération.
Depuis quelques semaines, des techniciens formés par le PNUD sont à pied d’œuvre sur le site de la Foire Togo 2000 pour le reconditionnement des kits. Après ce travail, ceux-ci seront déployés sur le terrain lors du recensement pour assurer la maintenance. Mais jeudi 03 mai dernier, il y a eu un arrêt de travail du fait d’un malentendu sur le contrat non transparent que le gouvernement a eu avec ZETES. Ces techniciens n’ont pas été clairement informés sur leur situation et malgré la longue distance qu’ils parcouraient, ils n’étaient pas payés. Normalement, c’est ZETES qui reçoit les frais de reconditionnement, qui doit les payer. Mais il semble que dans le contrat, il n’en est rien et que c’est le gouvernement et la CENI qui doivent payer ces techniciens qui font le travail pour lequel la société ZETES est payée. Bizarre n’est-ce pas ? Sur plus de 2 milliards que ZETES a touché, il y a au moins 1 milliard pour cette affaire de reconditionnement des kits. Que fait-on avec ces fonds ? Ça sent la magouille. Cette société a le beurre et on lui donne encore l’argent du beurre.
Somme toute, on dénote chez tous les membres de la CENI une volonté affichée de bien faire et d’organiser une fois au Togo un scrutin transparent. Mais le gouvernement représenté par les deux ministres entraîne cette institution sur une pente glissante. Ce que révèle l’affaire ZETES, c’est l’absence d’une maîtrise des événements par le premier ministre. Bawara se comporte bel et bien en premier ministre bis. Il agit sans concertation avec Agboyibo.
LE 5 AOUT, DATE DU SCRUTIN ?
La réunion Comité de Suivi du 11 mai aura un ordre du jour chargé au regard des tâches fixées au gouvernement et à la CENI le 12 avril dernier à Ouagadougou. Notamment, « le Comité a souligné l’urgence pour la CENI de finaliser, en accord avec l’opérateur ZETES, dans le délai maximum d’une semaine, le chronogramme des opérations électorales. »
Vendredi, la CENI proposera au Comité de suivi, la date du 5 août 2007 pour la date du scrutin. Le recensement électoral débutera le 8 juin et d’achèvera le 6 juillet. A l’examen, ces dates ne sont pas très réalistes. En effet, on le sait, la réinitialisation des kits n’est pas achevé. Les tests d’acceptation du logiciel de recensement ne sont pas achevés. Sans compter qu’il faut quelques jours pour former les techniciens qui procèderont à l’enregistrement des électeurs. En outre, il faut une campagne efficace de sensibilisation de la population afin de lui redonner confiance dans le suffrage universel.
Entre le 6 juillet (date de la fin du recensement et le 5 août, date du scrutin, il reste à peine 4 semaines pour les recours et la publication définitive du fichier électoral. Manifestement, la date du 5 août pose problème ; il est urgent que la CENI publie un chronogramme satisfaisant et qui permette un processus transparent et ouvert à tous.
La rédaction letogolais.com
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