Par Godwin TÉTÉ
« Fish smells from the head » [= « Le poisson pourrit par la tête »] (Dicton britannique)
« La vérité n’est jamais agréable à tous et… ceux qui la disent, ou simplement la cherchent, doivent être prêts à souffrir pour elle ». Jean MARCHAL
La misère généralisée, endémique, du peuple togolais, n’a plus besoin d’être démontrée, tant elle crève les yeux. Aussi, dans une conférence en date du 30 avril 2013, Me Yawovi Apollinaire AGBOYIBO dit-il :
« Selon les chiffres rendus publics par le Ministère de l’économie et des finances, en prenant 10 Togolais par région, on est ahuri par la proportion des personnes très pauvres. En voici le tableau :
• 5 personnes sur 10 (53,9 %) dans la région maritime
• 6 personnes sur 10 (64,7 %) dans la région des plateaux
• 7 personnes sur 10 (68,4 %) dans la région de la Kara
• 8 personnes sur 10 (80,2 %) dans la région centrale
• 9 personnes sur 10 (90,8 %) dans la région des savanes
Il suffit d’aller à l’intérieur du pays, de visiter chacune des régions et de regarder autour de soi, pour mesurer à quel point, les populations sont effectivement de plus en plus pauvres pendant que continue de s’enrichir la minorité de riches que le Chef de l’État eut l’air de dénoncer dans son message à la nation à l’occasion de la célébration du 27 avril 2012.
Or, pour peu que les pouvoirs publics se décident à agir, les centaines de milliards de francs CFA annuellement compromises auraient pu servir à développer économiquement le pays et à améliorer les conditions de vie des Togolais.
Il n’est pas surprenant que les populations affamées commencent à s’irriter et refusent de supporter indéfiniment une situation de plus en plus intenable. » (Cf. mon ouvrage Autopsie du développement pernicieux – Le cas du Togo. (1963-2013). Annexe I, p. 71-86, Ed. L’Harmattan, Paris, 2013].
Pour renverser une telle aberrante et triste situation, il va sans dire qu’il faut une alternance et un changement politiques chez nous. Mais, Bon Dieu (!) pourquoi cette alternance et ce changement ne parviennent-ils guère à advenir depuis 1990 ?! Eh bien ! Parce que l’écrasante majorité de la classe politique togolaise n’est point préoccupée par le bien-être de notre peuple. Elle ne pense qu’à ses propres intérêts, à ses propres privilèges, à ses propres ambitions égocentriques ! Cependant que tous les vrais grands esprits qui ont aidé leurs peuples respectifs à aller quelque peu de l’avant dans l’Histoire apparaissent comme des hommes et des femmes nobles, désintéressés ; qui ont fait don de leur personne ; qui ont fait preuve d’une abnégation totale !!!
Au jour d’aujourd’hui, nous pouvons scinder notre classe politique en trois catégories, de la manière suivante.
I. CEUX À QUI LA FRANÇAFRIQUE A CONFIÉ LA GESTION DE NOTRE PAYS DEPUIS L’ASSASSINAT DE SYLVANUS E. K. OLYMPIO
Pour ceux-ci, « on ne laisse pas tomber par terre un pouvoir politique qui vous échoit… » Qui vous échoit même le plus sauvagement, le plus illégitimement possible ?! Alors, ils se cramponnent mordicus aux rênes du pouvoir, de père en fils !… Mais de quelle culture universaliste ont-ils tiré ce CREDO ?! Cette interrogation se justifie surtout quand on se souvient que le premier dépositaire de ce pouvoir frisait l’analphabétisme ! Ensuite, un tel credo est faux, archi faux ! Dans l’Antiquité, Lucius Cornelus SULLA (alias SYLLA) : 138-78 av. Jésus-Christ, dut intervenir pour sauver… sa patrie : Rome, et fut proclamé Empereur ; puis, une fois toutes choses rentrées dans l’ordre, il retourna à ses oignons… Et ce, à deux bonnes reprises ! [Cf. François Hinard, SYLLA. Ed. Fayard, Paris, 1985]. Sous nos yeux, Léopold Sédar SENGHOR, Nelson MANDELA, Amadou Toumani TOURÉ, John Jerry RAWLLINGS, ont quitté le pouvoir de leur propre gré, alors qu’avec l’appui de l’Armée, ils auraient pu y demeurer indéfiniment !
Non ! Seul le Peuple est détenteur de la souveraineté nationale. Oui ! On a beau s’adosser à une armada prétorienne, la « présidence à vie » est un intolérable archaïsme au XXIe siècle !!!
II. J’ADMETS VOLONTIERS QUE LE ROITELET FRANÇAFRICAIN DOIT DÉGUERPIR, À LA SEULE CONDITION QUE CE SOIT MOI QUI LE REMPLACE DANS LE FAUTEUIL PRÉSIDENTIEL !
La deuxième catégorie est un conglomérat aux contours fluctuants, insaisissables. Elle a dit adieu (!) à l’UNION SACRÉE qui a permis à nos anciens d’arracher notre souveraineté internationale. Chacun pour soi, Dieu pour nous tous ! Telle est sa devise. On se tire des balles « réelles » dans les jambes ! Chacun se place des peaux de banane sur la voie de chacun ! On s’allie – s’il le faut – au pouvoir en place ; tout en vociférant qu’on est « opposant » (!!!) Pour asseoir ses prétentions « nationales », on se réfère à son ethnie et/ou à sa région (au XXIe siècle encore !) ; on brandit des expériences et des compétences politiques douteuses (pour ne pas dire exécrables !) ; on laisse entendre qu’on est capable de sauver le Togo grâce à des millions ou des milliards de dollars qui gisent sur ses comptes bancaires ici et là… Que sais-je de plus ? C’est à croire que nos devanciers, qui n’étaient pas du tout bardés de diplômes académiques ronflants mais creux en termes d’éthique, étaient, de loin, plus patriotes que nous !!! En effet, ironie de l’Histoire, le Moïse, le principal guide de la longue marche du Peuple togolais à son indépendance, Sylvanus E. K. Olympio n’aura pas participé à l’acte fondateur de cette indépendance, c’est-à-dire aux élections-référendum du 27 avril 1958. En effet, le leader incontesté des patriotes togolais radicaux se trouvait interdit de vote à cause d’une condamnation de toute évidence plutôt politique que judiciaire.
Néanmoins, à l’annonce des premiers résultats du scrutin, dans la nuit du 27 au 28 Avril, le pugnace envoyé des Nations unies, Max H. Dorsinville organise un contact entre le Haut-Commissaire de la République Georges Spénale et ledit Leader. À partir de cet instant, on aurait pu imaginer que ce gouverneur allait tout de suite pressentir Sylvanus E. K. Olympio comme Premier Ministre. Eh bien ! Pas du tout ! Le Haut-Commissaire propose la primature à Fousséni Mama, arguant qu’en sa qualité de Kotokoli, il peut servir de pont entre le « Nord » et le « Sud ». (Toujours les sempiternels « Nord » et Sud » !!!) Ce fut une offre d’autant plus étrange que le pressenti fut lamentablement battu à plate couture aux dites élections- référendum.
Fousséni Mama décline poliment cette offre. Il répond qu’il est exact qu’il a nombre d’amis personnels parmi ses compatriotes du « Sud », mais qu’il ne saurait assumer le rôle que le gouverneur veut lui faire jouer.
Le Haut-commissaire se tourne alors vers Sêvi Paulin Akouété et lui tient le langage suivant : « Vous êtes chef syndicaliste. Vous pouvez dès lors drainer les travailleurs derrière vous. Prenez donc la primature. » Mais l’interlocuteur répond ceci : « Entre le syndicalisme et la politique, il existe, pour le moins, une nuance… »
Maintenant, c’est le tour de Jonathan Adzesi Kokou Savi De Tové. Georges Spénale espère que ce vétéran de la vie politique togolaise va accepter, de gaîté de cœur, son cadeau en en l’occurrence empoisonné. Mais il se fait expliquer que, dans le CUT, il y a une hiérarchie au niveau de la direction, et donc qu’il ne saurait accéder à la requête du gouverneur français au Togo.
Alors, le Haut-commissaire s’adresse à notre célèbre avocat Anani Ignacio Santos. Celui-ci lui répond : « Ici chez nous, là où est la tête, on ne coiffe pas le genou » (Proverbe éwé.) En clair, le leader naturel de la lutte indépendantiste du Peuple togolais n’est autre que Sylvanus Kwami Epiphanio Olympio. C’est bel et bien à lui que revient naturellement la fonction de Premier Ministre.
Le gouverneur rétorque : « Mais Sylvanus Olympio est encore sous l’effet d’une ‘’condamnation judiciaire’’ ! » « Oui, mais vous, en tant que Haut-commissaire de la France, vous avez pleine latitude de l’amnistier ! », réplique Anani Santos. Je connaissais, de vieille date, ces données relevant de la petite histoire, mais sous forme de rumeurs. Elles m’ont été confirmées par Oswald Ajavon : un bon maître de l’histoire du Togo, le 18 juillet 2000.
Au demeurant, Jean de Menthon écrira plus tard : « Toujours inéligible pour avoir détenu, en 1954, un compte bancaire à Accra, Olympio n’était pas député. Le Haut-commissaire dut néanmoins le proposer comme Premier Ministre à l’investiture de l’Assemblée. Un moment fut envisagée une alliance entre Olympio et Mama Fousséni, le Ministre d’État sortant, l’allié musulman de Grunitzky. Ce dernier réussit à détourner son ami de cette réconciliation partielle ; » (Cf. À la rencontre du… Togo, Ed. L’Harmattan, Paris, 1993, p. 127.)
Et ce sera de guerre lasse, à contrecœur, que Georges Spénale retournera à Sylvanus E. K. Olympio… qu’il amnistiera et nommera Premier Ministre
Voilà une très belle leçon d’abnégation, de patriotisme ! A contrario, je suis personnellement porté à penser que l’assassinat de Sylvanus E. K. OLYMPIO aura été – du moins un tant soit peu – favorisé par la zizanie fatale intervenue très tôt, trop tôt (!) entre le CUT et la JUVENTO, à savoir dès la proclamation de la victoire du 27 avril 1958… À bon entendeur, salut !
III. LA TROISIÈME CATÉGORIE DE NOTRE CLASSE POLITIQUE AUJOURD’HUI
Elle est constituée par ceux qui incarnent véritablement les véritables aspirations de notre Peuple ; ceux qui, contre vents et marées, se battent vaillamment pour la réalisation desdites aspirations. D’autres peuples sont passés par des sentes plus étroites que la nôtre, et ont fini par réussir… Nous pouvons, nous aussi, finir par réussir. Avant de nous « unir » éventuellement avec qui que ce soit, démarquons-nous délibérément ! Améliorons constamment notre auto-organisation. Revoyons périodiquement notre Stratégie et nos tactiques. Nous inspirant de nos anciens, nous avons à COLLER à notre Peuple et à COLLER notre Peuple à nous ! Continuons à peaufiner notre Projet de Société… et surtout notre Programme de Gouvernement… Et, par notre Foi, notre Courage et nos Sacrifices, nous Vaincrons !!!
Paris, le 25 septembre 2014
Godwin TÉTÉ
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