MEMORANDUM
Sur le refus du pouvoir RPT/UNIR de procéder aux réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales préconisées par l’APG
La nécessité des réformes politiques au Togo s’est imposée d’une manière formelle et consensuelle, sous l’égide de l’Accord Cadre de Lomé (ACL), mis en place en 1999 avec l’assistance de l’Union Européenne (UE), pour remédier au déficit démocratique aggravé par l’élection présidentielle de 1998 qui, d’après la Commission de l’UE, était ‘’sortie de son cadre légal’’. De plus, non content de se soustraire à la mise en œuvre de l’ACL, le régime RPT en place, a multiplié les violences politiques et les coups de force qui l’ont conduit, en 2002, à modifier unilatéralement la Constitution togolaise, adoptée massivement par référendum, 10 ans plus tôt, en 1992.
Le 14 avril 2004, sous la pression des populations et de la classe politique togolaises et acculé par les sanctions de la communauté internationale pour déficit démocratique et violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le régime RPT s’est vu contraint de prendre devant l’UE à Bruxelles, une série de 22 engagements visant à débloquer la situation, notamment à travers un dialogue national structuré et crédible.
D’atermoiements en atermoiements, le régime RPT n’a mis en œuvre aucun des 22 engagements lorsque, le 5 février 2005, le Général-président au pouvoir est déclaré mort, dans une confusion totale. Les coups de force se multiplient et se succèdent en cascades aux plans militaire, politique, constitutionnel, parlementaire, gouvernemental et électoral. Résultat : 400 à 500 morts selon le rapport Doudou Diène d’Etablissement des Faits des Nations-Unies, plus de 1000 morts selon des organisations de défense des droits de l’homme, des milliers de blessés et de mutilés, des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées.
Devant un tel drame, c’est tout naturellement que les pressions se sont faites lourdes et pressantes tant au plan interne qu’externe, pour amener le parti au pouvoir et le gouvernement, les partis de l’opposition et des représentants de la société civile à ouvrir, en juillet 2006, conformément aux 22 engagements pris à Bruxelles, un dialogue national visant à ‘’restaurer la paix, la sérénité et la confiance mutuelle’’ et à favoriser l’organisation d’élections justes, transparentes et démocratiques.
Ce dialogue intertogolais, qui s’est déroulé sous la facilitation du Président Blaise Compaoré, Président du Faso, et en présence des représentants de la CEDEAO et de l’Union Européenne, en qualité d’observateurs, a abouti à la signature, le 20 août 2006, d’un Accord Politique Global (APG). La substance majeure de cet Accord est constituée par les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales, que les parties prenantes s’engagent à poursuivre à travers un dialogue politique permettant leur adoption et leur mise en œuvre sur une base consensuelle.
Mais une fois l’APG signé, les partis de l’opposition se heurtent au manque total de volonté du pouvoir RPT –transformé en UNIR– d’engager les réformes prescrites. Si bien que tous les scrutins organisés après la signature de l’APG connaissent le même sort : violences, irrégularités et fraudes massives.
Aujourd’hui, il y a lieu de constater que 10 ans après s’être engagé auprès de l’UE à organiser des élections locales dans un délai d’un an, le gouvernement togolais n’a encore mis en place aucun calendrier pour la tenue de cette consultation. Il y a également lieu de constater que 8 ans après la signature de l’APG, les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales préconisées, demeurent toujours lettres mortes, malgré les nombreux engagements pris par le gouvernement devant le peuple togolais, devant la communauté internationale, devant les Chefs d’Etat de la CEDEAO et, tout récemment, à la veille des élections législatives de juillet 2013, devant les Chefs d’Etat du Nigéria et de la Côte d’Ivoire, Goodluck Jonathan et Alassane Dramane Ouattara. Au total, il y a lieu de constater le refus obstiné du régime RPT/UNIR de réaliser les réforme politiques.
Au cours des rencontres de juillet 2013 entre le pouvoir et l’opposition, sous l’égide de Mgr Nicodème BARRIGAH, Président de la CVJR, et M. Robert WHITEHEAD, Ambassadeur des USA représentant le G 5 (France, RFA, USA, UE et PNUD), le gouvernement togolais s’était engagé à ouvrir un dialogue avec l’opposition togolaise, juste après les élections législatives.
Or depuis ces élections, le gouvernement n’a entrepris aucune initiative visant le respect de l’engagement pris.
Voilà pourquoi, en sa qualité de chef de file de l’opposition, le Président national de l’ANC, M. Jean-Pierre FABRE, a, par lettre en date du 14 février 2014, demandé au Chef de l’Etat de faire prendre des dispositions urgentes en vue de la tenue du dialogue politique prévu par l’APG, pour l’adoption et la mise en œuvre consensuelles des réformes politiques.
Dans sa réponse, le Chef de l’Etat préconise l’Assemblée nationale comme cadre de ce dialogue, tout en demandant au Premier Ministre d’engager une consultation sur la question avec les principaux acteurs politiques. Le maintien d’une pression populaire et les efforts des partenaires du Togo en vue du respect de l’APG, conduisent à l’ouverture de discussions politiques entre les partis représentés à l’Assemblée nationale.
Malgré la facilitation de Mgr BARRIGAH et ses tentatives pour réunir au moins le consensus sur les questions faisant l’objet de recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), ces discussions se sont soldées par un échec patent. Il s’agissait du énième échec délibérément organisé par le pouvoir RPT/UNIR, après les échecs des discussions et dialogues politiques des CPDC successifs.
C’est dans la confusion générale qui a suivi ce fiasco, alors que le déferlement des populations dans les rues reprenaient de plus bel, que le gouvernement –et non le Chef de l’Etat comme le prévoit la Constitution– envoie à l’Assemblée nationale, un premier projet de loi de révision constitutionnelle comportant, notamment, la limitation du mandat présidentiel et la recomposition de la Cour Constitutionnelle, puis, en complément, un deuxième projet de loi comportant le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour l’élection du président de la République.
Il ne s’agit en réalité, que d’une mascarade de tentative de réforme, vide de toute bonne foi et délibérément orchestrée par le pouvoir RPT/UNIR. Car, aussi bien en commission qu’en séance plénière, les députés de la majorité parlementaire RPT/UNIR, en accord avec le gouvernement, se sont acharnés à rejeter le projet, dévoyant ainsi l’esprit et la lettre de l’APG et créant une situation d’impasse qui risque de dégénérer en un nouveau bain de sang d’ici la prochaine élection présidentielle.
En effet, en signant l’APG, les parties prenantes reconnaissent sans équivoque que les mesures iniques, antidémocratiques et d’exclusion , introduites unilatéralement par le RPT dans la Constitution, dans les lois et procédures électorales ainsi que dans la composition et le fonctionnement des institutions qui interviennent dans les processus électoraux, sont à la base de l’aggravation et de la persistance de la crise politique togolaise et que les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales préconisées par l’APG, sont d’une absolue nécessité pour surmonter cette crise.
C’est dire par conséquent, que le maintien du statu quo ante, tel qu’orchestré par le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale, est une violation flagrante et inacceptable de l’APG.
En tout état de cause, les populations togolaises des villes aussi bien que des campagnes ne veulent plus subir une nouvelle mascarade électorale qui aboutirait au maintien d’une dynastie au pouvoir depuis plus de 50 ans. Elles aspirent véritablement à une alternance et à un changement démocratiques qui nécessitent le déverrouillage du système électoral inique en place au Togo. Dans l’intérêt de la paix et de la réconciliation nationale, les populations togolaises appellent les partenaires du Togo, notamment, la CEDEAO et le G5 (France, Allemagne, USA, PNUD et UE), à aider le gouvernement et la classe politique togolaise à reprendre, dans un cadre structuré et transparent, le véritable dialogue politique recommandé au titre des 22 engagements et confirmé par l’APG, en vue :
de l’adoption et de la mise en œuvre effectives des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales convenues dans le cadre de l’APG et conformément aux recommandations des missions d’observation électorale ainsi que des missions d’experts, notamment, celles des Nations-Unies et de l’UE ;
de la préparation et de l’organisation des élections locales et de l’élection présidentielle à venir, sur une base consensuelle d’équité et de transparence.
Fait à Lomé, le 04 juillet 2014
Pour le Comité Exécutif de l’ANC,
Le Vice-Président
Patrick LAWSON-BANKU
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