19/04/2024

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Togo: Silence, on vote

AMNESTY INTERNATIONAL

COMMUNIQUE DE PRESSE

AI Index: AFR 57/004/2003 (Document Public)
Nr du Service de Presse : 099
25 avril 2003

Togo: Silence, on vote

A cinq jours de la date limite du dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle du 1er juin 2003 au Togo, Amnesty International exprime ses vives craintes que le scrutin à venir ne débouche sur des troubles graves et des violations des droits humains qui pourraient plonger le pays dans le chaos .

« Depuis le début de l’année 2003, aucune marche ou réunion organisée par l’opposition n’a pu se dérouler sans incidents. Certains de ces rassemblements ont été purement et simplement interdits et les autres ont été réprimés par les forces de l’ordre qui ont arrêté des dizaines de personnes, » affirme Amnesty International dans un rapport publié aujourd’hui et intitulé : Togo : Silence, on vote.

Cette recrudescence de la répression, qui a touché des journalistes et des membres de la société civile, s’explique par la multiplication de protestations émanant de certains journalistes et de membres de partis d’opposition à la suite d’une modification du code électoral et d’une révision de la Constitution, toutes deux intervenues en 2002.

Ces changements législatifs ont été considérés par de nombreux observateurs togolais et étrangers comme une manoeuvre visant à permettre une nouvelle élection du président Eyadéma à la magistrature suprême, alors que ce dernier s’était publiquement engagé à ne plus se représenter.

A l’heure où ce texte est publié, on ne connaît pas encore le nom des candidats et, notamment, on ignore si le président Etienne Gnassingbé Eyadéma va se représenter. Amnesty International note avec inquiétude une multiplication des atteintes à la liberté d’expression et de manifestation au fur et à mesure que s’approche l’échéance présidentielle.

« Depuis janvier 2003, Amnesty International a pu recenser une quinzaine de cas d’atteintes à la liberté d’expression au Togo, dont neuf pour le seul mois de février 2003, soit, en moyenne, un cas d’intimidation, d’arrestation ou de torture d’opposants politiques, de journalistes ou de défenseurs des droits humains tous les trois jours, » note aujourd’hui l’organisation.

Les forces de sécurité togolaises ont ainsi arrêté, le 18 mars 2003, une trentaine de personnes dont une femme et son enfant en bas âge qu’elle portait sur le dos, qui participaient à une réunion hebdomadaire d’un des principaux partis de l’opposition, l’Union des forces de changement (UFC). Ces personnes ont été maintenues en garde à vue jusqu’au 19 mars dans la soirée sans recevoir de nourriture de la part des autorités. Elles ont toutes été libérées sans inculpation.

Plusieurs opposants, arrêtés en février 2003, sont toujours détenus à Kara, dans le nord du pays où, selon des informations reçues par Amnesty International, ils sont l’objet de torture. C’est notamment le cas de Marc Palanga, responsable local de l’UFC, arrêté à deux reprises sans qu’aucune inculpation n’ait été officiellement portée à son encontre.

« Nous sommes très inquiets de l’état de santé de Marc Palanga et de ses co-détenus, que nous considérons comme des prisonniers d’opinion et pour lesquels nous demandons une libération inconditionnelle et immédiate, » précise aujourd’hui Amnesty International.

Dans cette tentative de réduire au silence toute voix dissidente, les autorités togolaises s’en prennent particulièrement aux média indépendants. Au cours des quinze derniers mois, plus d’une vingtaine de cas d’arrestations, de condamnations, d’intimidations de journalistes, de saisies de journaux, de fermetures de stations radios ainsi que de brouillage des ondes ont été recensés.

A titre d’exemple, début avril 2003, le directeur d’une radio religieuse, Radio Maria, a été convoqué par les autorités en charge de l’audiovisuel pour avoir diffusé à plusieurs reprises une lettre de l’épiscopat qui regrettait notamment que « des élections législatives anticipées [aient] été organisées unilatéralement le 27 octobre 2002, et [que], loin de constituer une solution, elles [aient] davantage exacerbé la crise politique ».

Les autorités togolaises ont également pris pour cible des défenseurs des droits humains, notamment le président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Togo (ACAT-Togo), Yannick Bigah, à la suite de la publication, par cette organisation, début 2003, d’un rapport sur la situation des droits humains dans ce pays. Yannick Bigah a été convoqué par les autorités qui, après l’avoir accusé d’avoir produit un document à des fins politiques, l’ont menacé de poursuites judiciaires .Craignant pour leur sécurité, Yannick Bigah, ainsi que d’autres membres de l’ACAT-Togo ont dû fuir le pays.

« Ces manoeuvres d’intimidation à l’encontre de défenseurs des droits humains au Togo ne sont pas nouvelles et visent à empêcher un travail continu et indépendant en matière d’évaluation de la situation des droits humains, » affirme Amnesty International.

« Tous ces exemples montrent bien que les autorités ont mis en place une police de la pensée qui traque, à tous les stades de la production, l’émergence d’une opinion dissidente, que celle-ci s’exprime dans le cadre de partis politiques ou d’associations de défense des droits humains, dans les colonnes d’un journal, sur les ondes radiophoniques ou même sur les sites Internet, » affirme l’organisation.

Plus de dix ans après la tenue d’une conférence nationale qui devait permettre l’avènement de la démocratie et du respect des droits humains, la population togolaise assiste dans un dénuement économique grandissant à des querelles de pouvoir incessantes et à une série de crimes impunis. L’enjeu de l’élection présidentielle à venir est capital.

« Si toutes les opinions politiques ne peuvent s’exprimer librement, comme il est fortement à craindre vu l’intensification de la répression depuis le début de l’année 2003, le risque est grand de voir des troubles qui pourraient à nouveau ensanglanter le pays, » affirme l’organisation.

En cette année électorale, qui constitue traditionnellement une période troublée au Togo, Amnesty International lance donc un appel aux différentes parties togolaises ainsi qu’à la communauté internationale afin que tout soit fait pour éviter que le pays ne connaisse à nouveau des troubles, semblables à ceux de 1998, qui pourraient ensanglanter le pays et pousser des populations civiles à l’exil.

* Ce rapport est disponible au: http://web.amnesty.org/library/index/fraafr570032003

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