25/04/2024

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Togo : un Gouvernement « coupé-décalé » en postcolonie ?

Par Yves Ekoué Amaïzo *

Introduction :

Pour le peuple togolais, la géopolitique des Occidentaux ne peut s’affranchir des vues des relations privilégiées entre la France et l’Afrique. En effet, tant que les préoccupations de l’Etat français ne seront pas satisfaites, il y a des grandes chances que le « coupé-collé » de la démocratie française ne fonctionnera pas de si tôt au Togo. Faure Gnassingbé, actuel président consacré par la falsification des résultats prononcés par une Cour Constitutionnelle togolaise à sa solde, est une émanation d’une nouvelle forme de démocratie « coupée-décalée ».

1. La démocratie « coupée-décalée »

Lors du 16e sommet des chefs d’Etat de France et d’Afrique du 20 juin 1990 et en référence à la fin de la guerre froide entre les grandes puissances, le feu président français François Mitterand prononça le fameux discours de la Baule qui contenait un principe fondateur pour l’aide au développement en Afrique à savoir : « La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ».

En s’interrogeant sur les relations France-Afrique, celles avec le Togo et la Côte d’Ivoire en particulier, ne faut-il pas revoir à la lumière des pratiques et des évolutions en cours de la politique étrangère française s’il ne faut pas préciser le sens de la Baule comme suit : « La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis si les intérêts français ne sont pas fondamentalement remis en cause ». En effet, les références à la liberté, à la démocratie voire même aux droits de l’homme sont considérées dans le cas togolais comme priorité seconde si les intérêts français, réels et stratégiques, sont mis en compétition.

Il fut un temps question de faire du « coupé-collé » de la démocratie française en Afrique francophone. Mais la vitesse à laquelle une vraie démocratie en Afrique pouvait émerger a surpris les promoteurs qui n’avaient immanquablement pas pensé aux implications à long terme d’un refus de revalorisation des intérêts des populations africaines. A défaut d’intégrer les préoccupations et les intérêts de la population africaine, la démocratie coupé-collé s’est muée en un concept émergent au contour flou : la démocratie « coupé-décalé ». Malheureusement, donner une priorité aux populations revenait, pour ceux qui refusent de considérer les Africains comme des partenaires à part entière, à mettre en danger les intérêts français.

Au demeurant, presque toutes les interventions françaises reposent d’ailleurs sur ce postulat de la « défense des intérêts français » dans un pays considéré comme faisant partie du pré-carré postcolonial. L’essentiel des crises entre la France et les pays d’Afrique francophone qui tentent de faire évoluer cet état de fait se résume en une incompréhension, elle-même liée aux hommes et femmes ayant opté pour une forme obsolète de paternalisme-conservatisme. Il est plus question de trouver des « appuis locaux » pour imposer un point de vue exogène que de favoriser une négociation permettant à des forces vives alternatives d’intégrer le jeu politique.

Il ne faut donc pas s’étonner de l’échec de la médiation de la CEDEAO, de celle d’Olusegun Obasanjo à Abuja le 17 mai 2005 à la tête de quelques Présidents africains soigneusement choisis pour « discuter » avec les partis de l’alternance togolaise. Il n’y fut pas question de traiter les résultats contestés des élections mais de la forme que doit prendre un gouvernement d’union nationale, occultant l’usurpation du pouvoir et introduisant la démocratie « coupée-décalée », celle qui repose sur le mensonge, la fraude et l’abus du droit que d’aucuns considèrent comme une démocratie à l’africaine.

Dans une telle constellation, l’Etat de droit à savoir, entre autres, le respect des droits humains, des résultats des urnes, de la liberté de tous les Togolais, du fonctionnement autonome de la justice etc. est commué en une cascade systémique d’allégeance dont les termes semblent se préciser.

Souvent synonyme d’injonction en terre CEDEAO, le soutien de Jacques Chirac aux initiatives du Président Olusegun Obasanjo lors de sa visite officielle à Paris le 26 mai 2005 semble conditionné par la nécessité pour Faure Gnassingbé de respecter les « engagements pris par le Togo vis-à-vis de l’Union européenne ». Il est question de respecter les promesses faites à feu Eyadéma Gnassingbé qui reste l’ami personnel même dans l’outre-tombe. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, tout non respect de cette parole donnée pourrait avoir des conséquences ésotériques incalculables sur l’avenir politique des personnes ayant accepté de ne pas trahir ce serment.

En « real politic », il s’agit tout simplement de faire main basse discrètement et légalement sur les reliquats de l’aide au développement affectée au Togo et bloquée depuis 1993 au niveau de l’Union européenne. Il est donc clair que ce n’est pas un gouvernement d’Emmanuel Bob Akitani, spolié de sa victoire pour la deuxième fois consécutive, qui peut accepter de satisfaire d’abord les intérêts de la France aux dépens de ceux du peuple togolais. Et c’est là que le bât blesse.

Comment trouver des dirigeants togolais qui puissent accepter de faire passer les intérêts de la « Françafrique » avant ceux des Togolais ? Il y a d’ailleurs un refus catégorique des défenseurs de la légitimation des élections falsifiées au Togo de mettre en cause les avantages acquis qui deviennent de plus en plus des biens publics mal acquis. Il ne faut pas s’étonner qu’un gouvernement d’alternance, reposant ses principes sur l’éthique, la paix et la justice, ne peut que s’opposer à de telles pratiques sans toutefois refuser d’en rediscuter les nouveaux termes, en tant que partenaire et non « simple exécutant ». Personne ne s’intéresse à discuter de la modernisation effective des relations France-Togo avec les partis de l’alternance. Il est surtout question de conservatisme par chefs d’Etat interposés. Loin de ces considérations, ce conservatisme obsolète porte la responsabilité des morts, des blessés et des réfugiés togolais. La raison est que ce conservatisme laisse libre court à des pratiques intolérables en démocratie occidentale.

2. « Le doigtage » et le « copiage » : nouvelles expertises de l’armée togolaise

Il faut donc, pour les partisans du « changement dans la continuité », trouver une solution qui permette, au mieux, de continuer les pratiques d’antan ou, au pire, de passer par un gouvernement dite « d’union nationale » qui devra cautionner et légitimer l’usurpation du pouvoir et passer par pertes et profits les milliers de morts, de blessés, de battus, de violés… Il y a lieu de s’étonner que la promotion par l’armée togolaise de la politique d’intimidation, de délation et d’harcèlement n’émeuve personne, sauf les organisations des droits de l’homme, elles-mêmes s’étonnant du manque de réponses officielles à leurs appels incessants.

Sur le terrain, l’armée, de sa propre initiative, ce qui en dit long sur le contrôle de Faure Gnassingbé sur ceux des militaires qui l’ont choisi, finit pas pousser une grande partie des Togolais vers l’exil, abandonnés qu’ils sont à leur sort par la communauté internationale. Quand ils ne sont pas « doigtés », c’est-à-dire mis à l’index puis abattus avec une disparition rapide du corps, ils viennent grossir les rangs des réfugiés dans les pays voisins. Le doigtage s’applique aussi aux habitations où l’on choisit de préférence celles où il y a des femmes sans défense… Les jeunes hommes sont priés par la famille de prendre le maquis et viennent rejoindre le flot des réfugiés de peur de subir les foudres des éléments contrôlés de l’armée. Là encore, la France, en toute bonne conscience, a rapidement envoyé quelques subsides financiers pour permettre aux autorités nationales béninoises et onusiennes (Haut Commissariat des Réfugiés) d’accueillir cette population apeurée. Merci !

Néanmoins, tout porte à croire qu’il est moins coûteux et moins déstabilisant pour la France et les Etats africains de la sous-région d’avoir à légitimer la non-victoire de Faure Gnassingbé que d’accepter celle de Bob Emmanuel Akitani. En effet, la propagande d’Etat et les visions fantasmagoriques de certains conseillers à l’Elysée ayant encore en vision les cauchemars de la politique française au Rwanda, ont préféré faire un « choix mesuré ». Eviter au Togo le génocide planifié comme au Rwanda en conjurant une victoire légitimée de Bob Emmanuel Akitani. A ce titre, l’obligation de réserve de l’ex-ministre togolais de l’intérieur qui a démissionné pour éviter de porter la responsabilité d’un génocide localisé planifié, est scrupuleusement respectée.

Selon une école de pensée dont les compétences livresques sont inversement proportionnelles à leur mépris du noir et du peuple togolais, toute la stratégie consiste, face à la victoire annoncée du candidat de l’alternance, de compter le nombre de morts possibles dans l’un ou l’autre camp en cas de victoire. La décision de soutenir tel ou tel candidat, indépendamment des résultats des urnes, s’est faite principalement en fonction du nombre minimum plausible de morts et de blessés. D’après cette analyse, la victoire des partis de l’alternance aurait créé une situation d’insurrection de l’armée togolaise qu’il fallait absolument évitée en falsifiant d’une manière ou d’une autre les résultats. Si le ministère français de la Défense et les services secrets affichent une amnésie paranoïaque sur les traces visibles ou non des soutiens directs ou indirects de la France tout au long du transfert du pouvoir du feu Grand Gnass au Petit Gnass au Togo, il y a lieu de croire que le groupe des cinq généraux de l’armée togolaise , qui dirige en réalité le pays, n’est pas dupe au point d’avoir oublié de faire des photocopies en couleur, placées en « zone franche offshore ».

La France peut donc maintenant afficher sa neutralité pleine et entière, sauf qu’il s’agit d’une neutralité coupable et qu’elle fera tôt ou tard l’objet de chantage. Les « intérêts bien compris » ont donc longue vie au Togo dans une dialectique qui risque de se jouer à terme aux dépens de Faure Gnassingbé.

3. La légalisation d’un putsch militaire par gouverneur africain interposé

Il faut se demander pourquoi faut-il absolument avoir un « gouvernement d’union national » alors que le pouvoir en place est une offense au vote républicain de la majorité des Togolais ? Il s’agit d’une insulte aux peuples pour qui la démocratie ne peut s’africaniser selon le bon vouloir de quelques puissances occidentales et africaines qui ne tolèrent pas d’évolution dans l’un des bastions du pré-carré. Une post-colonie où le gouverneur use de l’armée pour falsifier les résultats d’élections, tue allègrement une partie de la population, et refuse qu’une enquête conduite par des représentants d’organisations indépendantes internationales soit menée sur les pratiques dans cette « Suisse de l’Afrique » où il ne fait pas bon vivre si l’on est en désaccord avec le régime en place. La plupart de la population y est sous écoute et les communications sont interrompues lorsqu’il s’agit de procéder à un nettoyage ethnique partiel de la partie de la population qui a une différence d’opinion ou appartient aux partis de l’alternance.

Le gouverneur de la post-colonie ne rend compte, même en catimini, qu’à ses maîtres. Il n’a aucun compte à rendre à la population togolaise qu’il est censé représenter. En réalité, on se demande d’ailleurs pourquoi le gouvernement d’union nationale ne devrait finalement pas intégrer des ministres occidentaux puisque ce sont ces derniers qui choisissent ou donnent leur « non-objection » sur le choix de la plupart des ministres locaux. Cette situation irréaliste témoigne bien des méfaits de l’indépendance politique octroyée dans les années 1960. Bref, il faudra tôt ou tard dire ou rétablir la vérité si l’on veut construire un vrai partenariat intelligent, complémentaire et pacifique entre la France et le Togo.

Malheureusement, le Togo de Faure Gnassingbé fonctionne encore comme un protectorat français et, à ce titre, il est difficile pour l’ONU, l’Union africaine et les pays tiers de faire de l’ingérence dans l’empire franceafrique. C’est cette prescription fondamentale qui explique la difficulté de trouver des solutions rapides et pacifiques à la crise de la succession des Eyadéma, car il s’agit bien de cela.

Il n’y a pas de crise togolaise. Il y a une crise de succession dans l’empire usurpé par la force de feu Eyadéma Gnassingbé car ce dernier n’a pas laissé de testament. Dieu en a voulu ainsi. On se demande sur la base de quelles pressions l’Union africaine a finalement accepté de « réintégrer » Faure Gnassingbé en son sein compte tenu du zèle déployé dans le cas Madagascar avec le Président Marc Ravalomanana. En effet, le conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine estime que l’on ne « peut plus considérer la situation comme anticonstitutionnelle au Togo et que l’on ne peut plus remettre en cause la légalité et la constitutionnalité du régime au Togo ».

Sur le plan opérationnel, l’Union africaine a choisi la voie de la facilité en croyant avoir opté pour l’apaisement. L’avenir validera ou pas ses choix peu courageux et éloignés de l’éthique. Sur le plan des principes, l’UA risque de voir ses différents efforts progressistes en faveur de l’éthique et la démocratie rappeler étrangement les pratiques de la défunte Organisation de l’Unité africaine. Faut-il alors peut-être rechercher ailleurs les moyens de faire triompher l’éthique et la vérité en faisant appel à Dieu directement pour rétablir la vérité ?

4. Le Pape Benoit XVI doit exorciser le Togo

Le Pape Benoît XVI ne s’y est pas trompé. Son devoir de vérité et de protection des plus faibles face à l’agressivité morbide des plus forts, libérée dans le cadre du processus de globalisation des échanges et de l’économie mondiale, se résume à la priorité qu’il a bien voulu accorder aux Africains en admettant en toute humilité et sous la forme d’une confession publique : « Nous devons reconnaître que si l’Europe a exporté vers l’Afrique la foi dans le Christ, elle lui a aussi transmis ses propres vices, notamment la corruption et la violence qui ravagent le continent. Nous vendons des armes, nous pillons les richesses de cette Terre. Nous, Européens, devons admettre notre responsabilité et notre culpabilité. Il faut impérativement qu’en direction de ce grand continent du nouvel humanisme qu’est l’Afrique, l’exportation de la foi surpasse celle du vice ».

Félicitations ! Toutefois, le Pape, avec tout le respect qui lui ai dû, a peut-être omis de rajouter qu’aujourd’hui dans le cadre de la post-colonie togolaise, le nouvel humanisme passe par la maîtrise des aptitudes et des capacités productives dans un environnement transparent où l’impunité est bannie pour permettre à la dignité d’éclore. En prolongeant l’approche de son prédécesseur feu le Pape Jean Paul II, construite à partir d’un paternalisme conservateur ne valorisant qu’avec modération l’importance de l’acquisition et la maîtrise du système de production en interne mais devant provenir de forces endogènes non neutres, le nouveau pape semble oublier que la foi existait en Afrique bien avant l’arrivée des colons-esclavagistes. Aucune des religions dites animistes ne commencent un culte sans invoquer un Dieu unique… Feu Jean Paul II l’avait perçu et reconnu.

Au demeurant, Benoît XVI est le bienvenu sur le sol togolais où sa mission première sera de procéder à un exorcisme d’un genre nouveau pour libérer le peuple togolais du joug de la tyrannie de Gog et de Magog. Benoît XVI témoignera ainsi au monde que la dictature de l’armée togolaise n’est pas moins grave que celle en Irak ou d’ailleurs devant Dieu et les humains. Dieu lui rendra au centuple.

Les difficultés à organiser au niveau opérationnel les passerelles entre les religions et les peuples sont les mêmes que la recherche de la constitution d’un hypothétique gouvernement d’union nationale qui semble de plus en plus imposée par les vrais gouverneurs de la post-colonie Togo. Ces derniers ont choisi de baser toute leur stratégie sur un paternalisme conservateur qui associe des chefs d’Etat de la sous-région peu enclins à défendre la vérité et le peuple togolais, compte tenu des conditions dans lesquelles ils ont eux-mêmes accédé au pouvoir ou des « aides » obtenues pour y accéder.

5. De la post-colonie selon les lois d’un protectorat francophone.

Pourquoi faut-il aller cautionner la constitution d’un gouvernement à la solde de l’empire Eyadéma, gouverneur de la post-colonie Togo dont le mode de gestion repose sur la « bonne » ou plutôt la « mauvaise » volonté des généraux de l’armée, le dol, l’usurpation du pouvoir, l’appropriation des biens publics et l’impunité ? Ce coup d’Etat par courroie de transmission n’est rien d’autre qu’un fait du Prince, une injure à une grande majorité du peuple togolais ? Comment est-ce que des chefs d’Etat de la CEDEAO, de l’Union africaine et des pays occidentaux ont-ils pu se laissé berner à ce point. Sont-ils tous complices ou tout simplement impuissants face à des pouvoirs occultes ? Le peuple togolais sort grandi de cette épreuve, purifié dans le sang des morts et des blessés.

Ce sont les dirigeants africains et occidentaux qui sortent honteux, augmentant encore plus le manque de confiance entre les dirigeants et le peuple . Cette crise de crédibilité et de confiance se personnalise avec le temps. Ainsi, en jouant la montre, Faure Gnassingbé pourrait à terme voir la tendance s’inverser au point que certains pensent déjà à une éventuelle et incertaine démission, basée sur les résultats d’une « hypothétique » enquête internationale sur les abus et atteintes graves aux droits humains. Un changement imprévu de « représentant » de la part de l’armée peut aussi donner un résultat similaire, mais dans la violence.

Face aux pressions et une résolution du parlement de la CEDEAO, Faure Gnassingbé vient de décréter la création d’une commission nationale spéciale d’enquête indépendante sur les actes de violences et de vandalismes survenus avant, pendant et après les élections présidentielles du 24 avril 2005 à Lomé et dans certaines préfectures et qui ont entraîné des pertes en vie humaines et d’importants dégâts matériels. Cette Commission a été confiée à Me. Joseph Kokou Koffigoh, ex-premier ministre , et témoigne là encore d’une gestion en interne de la situation. Pourquoi est-ce qu’une commission internationale ne ferait pas l’affaire avec des représentants choisis sur une base paritaire : gouvernement, opposition et société civile y compris la Diaspora ? Pourquoi est-ce que l’on ne laisserait pas simplement une commission internationale sous l’égide de l’ONU et de l’Union africaine faire son travail sous contrôle des médias internationaux ?

La communauté internationale ne doit pas oublier que l’armée la plus forte et outillée en Iran au temps du Chah d’Iran est tombée car la confiance entre les dirigeants et le peuple avait disparu, laissant d’ailleurs la place à un régime intégriste. Le Togo risque de payer cher à terme cette construction institutionnalisée du manque de confiance entre le peuple et les dirigeants togolais. Le poids et la crédibilité des chefs d’Etat africains et internationaux sont largement mis en cause. Mais s’ils s’accordent tous pour dire que tout s’est bien passé, que peut faire le peuple muselé ? Le rôle des intellectuels togolais, africains et internationaux devient crucial pour un combat pour la vérité. Tant que le Togo ne sera pas une menace pour les intérêts des grandes puissances, les agents servant d’intermédiation pour les gestionnaires de la post-colonie continueront à le gérer selon les lois non-écrites d’un protectorat francophone. Au niveau européen, les décisions du parlement européen ne pourront trouver un écho que si paradoxalement les Etats-Unis font pression. La paix au Togo risque de ressembler étrangement à la paix des cimetières.

6. Une période de transition et une enquête-audit indépendant sous un gouvernement d’interdépendance

La paix durable a besoin d’un période de transition et pas d’un gouvernement d’unité nationale. L’élection ou plutôt l’absence de résultats transparents pour la 3e fois lors d’élections présidentielles togolaises posent problème. Le problème de fond demeure l’armée et cela ne semble pas avoir échappé à Nicéphore Soglo, maire de Cotonou , lors de sa prise de parole le 25 mai 2005 dans la capitale béninoise. Il a clairement « dénoncé l’attitude de l’armée togolaise qui, en se substituant au peuple, porta le fils du défunt Eyadéma Gnassingbé à la tête de l’Etat». Il a aussi eu le courage de dénoncer l’attitude de la CEDEAO laquelle a accepté de valider l’irrégularité d’un scrutin usurpé sans toutefois proposer à celle-ci de revenir sur sa décision pour restaurer sa crédibilité. Par ailleurs, les conditions permettant la formation d’un gouvernement dit « d’union nationale » ne sont pas réunies et cela a été notifié par la coalition des partis de l’opposition à Faure Gnassingbé lors de son récent passage sur Paris.

Donner du temps au dialogue comme proposé par Nicéphore Soglo , c’est permettre à Faure Gnassingbé de diriger le Togo pendant au moins un an avec un mandat usurpé, apparemment accepté par le conseil de paix et sécurité de l’Union africaine. Refaire les conférences nationales sous d’autres formes n’est pas une solution et aucun progrès ne sortira sur le volet « armée et contrôle de l’appareil productif au Togo ». En effet, pendant que l’on palabre, d’autres tirent sur la population.

La solution passe par une enquête sur le rôle de l’armée dans le pays dès la mort du feu Président Eyadéma Gnassingbé. Cette enquête devrait être doublée d’un audit des comptes de la structure production importante dans le pays dont il ne faut pas exclure le port, la zone franche, le phosphate, le cacao, etc. En effet, les conclusions, espérons le indépendantes, permettront enfin relever le vrai problème du Togo à savoir l’utilisation de l’armée contre les intérêts du peuple tout en défendant les intérêts de ceux qui considèrent le Togo comme une post-colonie. Dans le cadre d’une amnistie générale, il faudra alors paradoxalement et éventuellement demander à la communauté africaine et internationale de trouver une occupation « rémunérée » pour certaines personnalités qui feront l’objet de condamnation. En effet, pour une paix durable, il faut une armistice mais cela ne devrait pas empêcher les personnalités identifiées comme responsables par une commission indépendante internationale d’être jugées, pourquoi pas, par le Tribunal pénal international. Il y a eu mort de Togolais et Togolaises et une tentative avortée de génocide au Togo dont les effets collatéraux se poursuivent comme le démontrent l’augmentation du nombre des réfugiés dans les pays voisins.

Seul un gouvernement d’interdépendance pourra permettre de mener en toute indépendance ces actions indispensables pour la réconciliation. La CEDEAO ayant été discréditée, certains chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest et centrale subissant le même sort, il ne reste éventuellement plus que l’Union africaine au grand complet qui devrait regarder du côté de l’Afrique du sud compte tenu de l’indépendance et la crédibilité du Président Tabo Mbéki. La réconciliation passe par l’Afrique du sud.

7. La réconciliation

La réconciliation du peuple togolais se fera avec le temps. La recherche de solutions ne passe pas uniquement par la palabre africaine. Elle passe d’abord par une reconnaissance de la vérité, à commencer par les chefs d’Etat de la CEDEAO, car ce sont eux qui ont donné le mauvais signal à la communauté internationale laquelle s’est contentée de s’aligner sur des informations manquant d’objectivité. Celles-ci ont fini par faire douter de la crédibilité de la CEDEAO, malgré les auto-satisfecits locaux entre pairs.

La réconciliation passe aussi par la prise en compte des intérêts croisés, parfois divergents des grandes puissances, et la possibilité d’intégrer les hommes d’affaires dans le moule de la globalisation et leur demander de respecter des procédures d’appel d’offres transparentes qui ne peuvent continuer à être imposées par le biais des relations d’Etats sur la base de l’acceptation de la non-concurrence comme mode de gouvernance et se soldant par des marchés de gré à gré. Ces approches permettent non seulement de ne pas sanctionner la gestion calamiteuse de l’économie togolaise pendant plus de trois décennies mais surtout offrent la possibilité par des privatisations à l’emporte pièce, de brader des pans entiers de l’économie togolaise lesquels tombent dans l’escarcelle des investisseurs étrangers qui souvent disparaissent du pays dès que l’amortissement des biens d’équipements est terminé… Des exemples sont légions dans la zone franche. Encore faut-il avoir accès aux données !

Bref, le Togo n’est plus à l’étape des bonnes paroles qui ne blessent personne. Si quelqu’un veut aider le Togo, qu’il prenne son bâton de pèlerin et offre la vérité au public togolais. A ce titre, il faut croire que cette intervention de Nicéphore Soglo devrait amener plusieurs autres grands responsables africains à réagir à la position courageuse du Parlement européen. Il faut toutefois saluer la position du parlement de la CEDEAO qui fait état de sa préoccupation sur la « gravité des violences (morts, blessés et biens saccagés) » qui ont émaillé le processus électoral au Togo et qui constituent une violation grave des Droits des hommes ainsi que des protocoles de la libre circulation des personnes et des biens, le droit d’établissement et de résidence »… Les parlementaires se sont bien gardés de mettre en cause la décision de la CEDEAO et on préféré demander à leur collègues de l’Union européenne de faire « preuve de modération en adoptant une attitude propre à favoriser la concorde dans l’évolution de ce pays et dans le respect de la souveraineté des Etats africains ». Bref, les parlementaires de la CEDEAO sont à l’image de la CEDEAO. Ils valident la position officielle de la CEDEAO qui n’est rien d’autre qu’une validation d’une parodie d’élection au Togo. Tous les parlementaires ne sont, hélas, pas des représentants élus selon les règles de l’art… L’un explique l’autre. Il ne faut donc pas s’étonner que le parlement africain, dont les personnalités ne sont pas nécessairement toutes élues, soit resté bien silencieux. Il n’est jamais trop tard pour dire la vérité au peuple togolais et au monde.

7. Demander à l’Union européenne de stopper le « transfert-retour » de l’aide au développement

Si tout le monde s’accorde sur la parodie et le mensonge grossier des résultats de l’élection togolaise, personne n’ose véritablement mettre en cause une forme de « transfert-retour » de l’aide communautaire vers le pays européen ayant le plus contribué à constituer cette cagnotte communautaire. Certains milieux d’affaires français ont besoin de se faire attribuer des marchés et des contrats sans concurrence. Cela équivaut dans les faits à « récupérer » une cagnotte d’aide au développement pour le Togo qui dort au niveau de l’Union européenne. Quel gouvernement d’union nationale est prêt à remplir cette mission ? Toutes les personnalités qui choisissent de passer les priorités du monde extérieur avant celles des Togolais. Il existe pourtant des possibilités d’avoir des stratégies où chacun gagne dans ce jeu où le rapport de force est asymétrique. Un gouvernement d’union nationale sans travail d’équipe n’a pas de sens. Les personnalités de l’alternance et celles de la société civile ne serviront qu’à « cautionner » un coup d’Etat militaire par personne interposée. Les personnalités de la société civile peuvent jouer un grand rôle pendant la période de transition si leur sécurité est garantie par la communauté internationale.

Le premier compromis que la communauté internationale et africaine devra faire accepter par les militaires togolais est que la gestion des fonds en provenance de l’Union européenne ne peut être confiée aux représentants du parti au pouvoir. Il en est de même pour la gestion du port et de la zone franche. Le désaccord tacite et profond entre les chancelleries allemandes et françaises sur cette question contribue à cantonner la position de l’Union européenne dans une forme de « wait and see ». Les partis de l’alternance togolaise doivent ouvrir une offensive diplomatique auprès de l’Allemagne, des Etats-Unis, du Canada, de la France et de l’Union Africaine. L’UA devra intégrer l’Afrique du sud dans la recherche de solutions justes et transparentes pour le peuple togolais, à l’instar de ce qui a été fait, avec succès, en Côte d’Ivoire.

Pour ouvrir les portes de l’aide de l’UE, il faut l’accord de l’Allemagne. Faut-il rappeler l’incendie de l’Institut Goethe à Lomé par des hommes en treillis militaires ? Faut-il rappeler que même soumis à des obligations de réserve, François Esso Boko ne peut avoir été secouru et protégé à l’ambassade d’Allemagne sans révéler en contrepartie, au moins partiellement, l’essentiel du plan d’attaque génocidaire prévu par les militaires contre le camp de l’alternance dont les partisans étaient identifiables par leur maillot « jaune » ? Faure Gnassingbé et ses généraux font maintenant pression sur la famille de F. B. Boko en licenciant l’une de ses sœurs et en « harcelant » les autres membres de la famille. Personne n’est effectivement mûr pour ce genre de démocratie au Togo .

Toutes ces pratiques permettent de comprendre pourquoi les fonds d’aide au développement bloqués depuis 1993 pour le Togo pourraient dormir encore longtemps dans les caisses de l’Union européenne si l’on en croît la décision des Parlementaires européens qui refusent, au nom des peuples d’Europe et en solidarité au peuple togolais et d’Afrique, de reconnaître le régime issu du scrutin du 24 avril 2005. Il est dommage que la position de la Commission de l’UE puisse parfois être aux antipodes de celles des parlementaires européens. En effet, il est de notoriété publique que sur 100 Euros envoyés sous le couvert d’aide au développement, entre 60 % et 80 % des fonds retournent directement dans les pays originellement donateurs. En l’espèce, tout se passe sous forme de marché de gré à gré, de financement de parti politique (de droite comme de gauche). La corruption et le clientélisme du précédent régime qui a œuvré contre l’intérêt de la majorité du peuple togolais ne risque pas d’évoluer vers plus d’éthique compte tenu des conditions dans lesquelles des chefs d’Etat s’accordent pour légaliser une parodie d’élection .

La capacité d’absorption des fonds de l’Union européenne ne devrait pas tarder à revenir à l’ordre du jour. Si des progrès sont réalisés sur la démocratisation du pouvoir et l’association d’une partie de l’opposition dans un gouvernement dit « d’union nationale », un montant d’environ 12,5 millions d’Euros (15,5 millions de $ EU) est en principe disponible sous le 6e et 7e Fonds européen de développement (FED) et couvre les périodes 1985-90 et 1990-95. La répartition devrait se faire comme suit :

• 9,5 millions d’Euros pour les projets décentralisés avec notamment des composantes sur l’environnement,
• 2 millions d’Euros pour procéder à un recensement de la population y compris le volet électoral, et
• 1 million d’Euros pour une facilité pour la coopération technique.

Un reliquat des fonds de la Stabex (fonds de compensation d’appui aux détériorations des termes de l’échange dans l’agriculture) portant sur la période 1991-1995 est toujours disponible et s’élève à environ 15 millions d’Euros. 40 millions d’Euros sont toujours disponibles sous le 9e FED (2000-2005) mais ne pourront devenir disponibles qu’après qu’un accord soit intervenu entre l’UE et le Togo. Plus de 100 millions d’Euros étaient prévus au départ pour le Togo sur le 9e FED. Cette somme est diminuée de 20 millions d’Euros chaque année parce que les autorités togolaises ne furent pas en mesure de se mettre en conformité avec les conditions posées par le FED. Dans la meilleure des hypothèses et dans l’état actuel de l’hypothétique création d’un Gouvernement d’union nationale par défaut, le Togo ne pourra vraisemblablement bénéficier d’un apport de fonds que sur le prochain cycle du FED à condition que des progrès substantiels soient faits en matière de démocratisation. Le 9e cycle risque d’être perdu pour le Togo et de nouvelles règles permettent de transférer ces fonds vers des pays plus dynamiques quant à la mise en œuvre.

8. Le port et la zone franche de Lomé : outil stratégique sous-régional

Face à la crise de la Côte d’ivoire, le port de Lomé et sa zone franche sont devenus des lieux de passage quasi-obligatoire pour s’assurer d’une non-rupture de la chaîne d’approvisionnement et d’exportation de marchandises, notamment pour les pays enclavés. La construction d’un second quai est en cours. Lomé, grâce à son port en eau profonde sur la côte ouest-africaine, est devenu le principal débouché pour les pays de l’intérieur et devient un outil stratégique sous-régional.. Plus de 75 % des marchandises accostant au Togo sont destinés principalement aux pays enclavés limitrophes, Burkina-Faso, Mali, Niger et accessoirement au Bénin et Ghana. Plusieurs sociétés se sont délocalisées de la Côte d’ivoire vers Lomé. Cette augmentation passagère du trafic et des activités devrait s’amoindrir dès que les choses reprendront leur cours normal en Côte d’Ivoire.

En réalité, le port et la zone franche sont devenus les véritables poumons économiques du Togo, face à l’épuisement et la mauvaise gestion des réserves du phosphate et du coton. Les opérateurs économiques privilégient alors le secteur informel, qui permet d’ailleurs de réaliser des trafics divers. C’est Kpatcha Gnassingbé, l’un des frères de Faure et autre fils du feu Père qui contrôle directement ou indirectement tout ce qui se passe dans cet espace représentant une sorte d’Etat dans l’Etat. Lorsqu’en juillet 2004, deux tonnes de cocaïne ont été saisies au large des côtes du Togo/Ghana dans un remorqueur immatriculé au Togo par la marine française, même le feu père n’a pu faire que des remontrances au fils… Ainsi de quel gouvernement d’unité nationale parle-t-on s’il est question d’avaliser de telles pratiques ?

Sur un autre plan, les profits d’un secteur informel togolais sont liés étroitement aux disfonctionnements dans le port de Lomé. Remettre de l’ordre ne devrait pas plaire à beaucoup d’hommes et de femmes d’affaires qui bénéficient d’avantages acquis sur le court terme. Choisir des personnalités pour un gouvernement d’union nationale qui servent de prête-nom ne fera que retarder le retour de l’éthique et la bonne gouvernance au Togo.

9. Le Togo est-il prêt pour la dictature ?

Ainsi, pour ceux qui continuent à croire que « L’Afrique n’est pas prête pour la démocratie », il serait urgent de méditer les paroles d’un prix Nobel africain, Wolé Soyinka qui se demandait si « l’Afrique était prête pour la dictature » ou selon Malcom King, si elle était « prête pour voir ses populations perpétuellement massacrées ?» .

L’insistance avec laquelle aucun responsable « politiquement correct » ne veut remettre en cause les élections togolaises ne doit pas aboutir à laisser passer l’idée que Faure Gnassingbé a le monopole de la main tendue… En principe, un premier ministre propose un Gouvernement au Président. On se demande pourquoi cette logique ne semble pas respectée au Togo si l’on souhaiter réellement aller vers l’apaisement. En réalité, il ne s’agit pas d’apaiser quoi que ce soit, mais d’assimiler l’opposition par l’intégration. La faim, l’âge, la fatigue et l’usure des luttes « pour l’honneur » peuvent finir par avoir raison d’une partie des membres des partis de l’alternance. Une décision non stratégique risque simplement de faire sauter la coalition et repousser aux calendres grecques toute forme d’alternance sérieuse. On ne met pas du bon vin de palme dans de vieilles calebasses…

Au Togo, la communauté africaine et internationale préfère avaliser une mauvaise démocratie qu’une vraie démocratie qui ne fait pas leurs affaires. Il suffit donc pour les futurs candidats au coup d’Etat en Afrique de menacer la communauté africaine et internationale qu’ils vont commettre un massacre sur la population si les partis de l’alternance l’emportent démocratiquement pour que les « poltrons, peureux et/ou frileux » de la diplomatie africaine et internationale s’alignent sur les positions des militaires putschistes par fils de dirigeant interposé, dictateur ou pas. Quelle honte pour les donneurs de leçon de démocratie et de transparence ! Reporters sans frontières comme au demeurant Transparency International devraient revoir leurs critères car à en croire leur précédente estimation au Togo, tout n’allait pas si mal.

Enfin, un gouvernement d’interdépendance nationale signifie que des postes comme la défense ne pourront pas dans les faits échapper au tenant du pouvoir au Togo. Mais qu’en contrepartie, le ministère d’Etat des finances et de l’économie ou tout autre en charge des relations avec les bailleurs de fonds devraient revenir à l’opposition, etc.

Les négociations doivent donc porter outre sur la réalisation d’une enquête fiable sur les massacres et les tentatives de génocide au Togo mais aussi sur l’audit des comptes des structures productives au Togo. Il faudra tenir compte des périodes de privatisations où les entreprises togolaises ont été bradées et le capital des sociétés privatisées s’est enrichi d’hommes venant du sérail des dirigeants de l’époque. Personne n’a pensé à faire systématiquement du capitalisme social en associant la population togolaise comme petit actionnaire… Les membres d’un quelconque gouvernement d’union nationale ne peuvent accepter d’être gardés par une armée qui est à la solde du pouvoir héréditaire et n’hésite pas à s’attaquer aux membres de la famille des membres togolais de l’alternance, y compris au sein du parti présidentiel, uniquement pour asseoir une allégeance d’un autre âge.

Refuser d’en parler lors des discussions en cours est une indication de plus de la mauvaise foi de ceux qui font croire à la communauté internationale et africaine que Faure Gnassingbé a le monopole de la « main tendue »… Personne ne sait ce que prépare l’autre main, surtout lorsque des fonds importants sont alloués pour communiquer une « bonne image » de Faure Gnassingbé tout en passant sous silence une armée et ses exactions. Ce qu’il y a de sûr, il ne peut avoir de gouvernement dit d’union nationale que si l’un des ténors de l’opposition togolaise le dirige. Cette tâche devrait revenir de facto à la coalition de l’opposition ou à défaut à un représentant de la société civile dans le cadre d’un gouvernement d’interdépendance avec une plus grande importance accordée aux personnalités éthiques de la société civile togolaise, y compris celles de la Diaspora. Ces personnalités devront bénéficier d’une protection internationale rapprochée pendant la période de transition.

Conclusion : tirer parti du « non » français à la constitution européenne

Il faut croire que la mise en œuvre d’un gouvernement d’interdépendance nationale passe aussi par un changement dans la gestion des dossiers africains en France et en Europe. A ce titre, il faut noter la critique de Nicolas Sarkozy qui a réagi mardi 10 mai 2005 sur l’élection présidentielle au Togo, en y voyant « une parodie d’élection ». « Je pense qu’il n’y avait aucune matière à se féliciter de ce qui est une parodie d’élection », a déclaré le président de l’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP) lors d’un débat avec les étudiants de l’ESSEC à Cergy-Pontoise (Val d’Oise). Comment faire passer des positions clairvoyantes sur le terrain sans débat à l’intérieur de l’UMP ? Paradoxalement, le non du peuple français au référendum sur le traité constitutionnel européen affaiblirait de toutes les façons la position de la France au sein de l’Europe sur les affaires du Togo. Des pays comme l’Allemagne, l’Espagne, la Royaume Uni et les Pays-Bas devraient faire l’objet d’une campagne active par ceux qui souhaitent une alternance pacifique et basée sur l’éthique au Togo. La renégociation du TCE devient inéluctable. La renégociation des résultats des élections togolaises aussi.

Enfin sur le plan économique et bien avant la crise de succession du régime Gnassingbé, le Togo n’a pas réussi à respecter un seul des critères de convergence en 2002 fixé par l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et les projections et estimations depuis lors sont moroses. La médiocrité ne peut servir d’alibi pour un gouvernement dit d’unité nationale. Que veut-on cacher au Togo au point d’introduire la désinformation collective comme une nouvelle fonction contagieuse de la démocratie « coupée-décalée » au Togo ?

Note :

Compte tenu des changements rapides au Togo, il importe de lire cet article en liaison avec d’autres qui l’ont précédé et signés par le même auteur, à savoir : « La souveraineté confisquée au Togo », « Le mépris du peuple togolais ? », « La spirale de la sagesse », « L’union sacrée face à la démocratie de la honte », « Choisir entre allégeance et liberté au Togo : Les vraies « fausses urnes » », « Gouverner avec un Chancelier au Togo ?L’impossible crédibilité des résultats », « Consensus sur la fraude électorale au Togo :Vers un gouvernement d’union nationale », « S’adapter à la nouvelle géopolitique des Occidentaux au Togo ? »

voir [www.afrology.com->www.afrology.com]

* Auteur et Economiste à l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI). Il s’exprime ici à titre personnel.