14/10/2024

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Togo : une recomposition de la Cour constitutionnelle à 100% RPT

Par Vénavino DALVES

Réunie en séance le jeudi 24 mai 2007, l’Assemblée nationale a procédé à l’élection des six membres dans le cadre de la recomposition de la Cour constitutionnelle. Cette élection pose de graves problèmes qu’on ne peut comprendre qu’en revenant sur l’évolution de cette institution décriée depuis qu’en 1993, des consultations électorales pluralistes ont été organisées au Togo après le soulèvement populaire d’octobre 1990.

UNE COUR CONSTITUTIONNELLE DECRIEE ET INFEODEE

Les protagonistes de l’Accord politique global (APG), signé le 20 août 2006 à Lomé, avaient en son point 1.2.9 consacré au « Règlement du contentieux électoral », tenu à préciser que : « Les parties prenantes au Dialogue national conviennent à propos du contentieux des élections législatives que : dans l’esprit du présent Accord, les organes compétents procèdent à la recomposition de la Cour Constitutionnelle en veillant à ce que les personnalités à nommer répondent aux critères de professionnalisme, de crédibilité et d’indépendance ; (…)» Ce point avait davantage été précisé au point 3.2 que « Les parties prenantes au Dialogue national engagent le gouvernement à étudier les propositions de révision constitutionnelle, notamment (…) la réforme de la Cour Constitutionnelle. »

Alors qu’approchait la date des législatives initialement fixée au 24 juin 2007 et reportée au 5 août 2007, le RPT dont un représentant préside la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en qualité de représentant du gouvernement, ne montrait aucun empressement à mettre en application cette disposition. Pourquoi ? La raison en est le rôle clé joué par cette institution dans la validation des coups de force électoraux. La bande de juristes véreux qui la compose n’a jamais cessé de se parer d’une fausse légalité sous la direction de son inamovible président, le magistrat Atsu Koffi AMEGAH. Ce dernier, plusieurs fois ministre du régime RPT, membre permanent du Comité central et de son bureau politique, a toujours violé de façon flagrante la règle de l’obligation de réserve à laquelle sont astreints les membres de la magistrature.

LES FORFAITURES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Avec constance et fidélité, cette cour institutionnelle a validé les mascarades électorales (les élections frauduleuses d’Eyadéma, de Faure et des députés du parti unique le RPT) que le Togo a connues depuis 1993. Cette dérive politico-juridique maintes fois répétée se caractérise par autant d’actes de forfaitures juridiques aggravés. La première fois, ce fut lorsque, au lendemain de l’élection présidentielle du 21 juin 1998, Atsu Koffi AMEGAH prétexta qu’il « préférait l’injustice au désordre » pour proclamer GNASSINGBE Eyadéma gagnant en lieu et place de Gilchrist OLYMPIO. Ce dernier l’avait battu à plate couture au vu et au su de tous les protagonistes de cette consultation électorale, observateurs internationaux y compris.
La deuxième fois, toujours sous la direction d’Atsu Koffi AMEGAH, la même Cour constitutionnelle reçut Faure Essozimna GNASSINGBE au lendemain du coup d’Etat du 5 février 2005 qui le porta au pouvoir à la suite du décès de son père. La Cour lui fit prêter serment comme président de la République… jusqu’à ce qu’il « termine le mandat de son père » ! La constitution togolaise, déjà « toilettée » par le RPT était ainsi violée de façon grossière et flagrante pour inaugurer l’avènement d’un régime monarchique au Togo : du jamais vu dans les annales juridiques du monde entier !
La validation de la mascarade électorale du 24 avril 2005 par cette Cour constitutionnelle toujours présidée par Atsu Koffi AMEGAH, au lendemain du massacre des innocentes populations qui fit plus de 1 000 morts après la proclamation des résultats provisoires de ce scrutin, le 26 avril, fut la troisième grave forfaiture dont se rendit coupable cette institution.
Toutes ces frasques avaient donc contribué à faire de l’exigence de la recomposition de cette Cour constitutionnelle et, tout particulièrement du départ de son président Atsu Koffi AMEGAH, une question particulièrement sensible que les responsables des partis de l’opposition, protagonistes de l’APG, ont dû imposer comme préalable incontournable dans l’organisation des élections législatives dont cet accord a fait l’objet.

UNE COUR CONSTITUTIONNELLE RECOMPOSEE ET CADENASSEE

Après la levée de bouclier de la presse, de certains leaders d’opinion et partis politiques dont l’UFC, sur le considérable retard accusé dans la recomposition de la Cour constitutionnelle, le RPT a été contraint de s’exécuter et de mettre à l’ordre du jour cette question évoquée lors des réunions du Comité de suivi qui se sont tenues à Ouagadougou.

Le 10 avril 2007, l’Assemblée nationale, par son président, Abass BONFOH, lançait un appel à candidature pour la recomposition, suscitant à l’époque, de vives inquiétudes dans la presse qui mit en garde contre la prétention de cette assemblée-croupion à s’arroger le droit de désignation de six membres sur les neuf que devait composer l’institution. Il convient de rappeler que lors du « toilettage » de la Constitution togolaise de décembre 2002, sous la houlette de Natchaba Ouattara FAMBARE, il avait été prévu, outre la nouvelle création d’un Sénat, que « La Cour constitutionnelle est composée de neuf (09) membres désignés pour sept (07) ans renouvelable. Trois (03) sont désignés par le Président de la République dont (01) en raison de ses compétences juridiques. Trois (03) sont élus par l’Assemblée Nationale. Trois (03) sont élus par le Sénat. » Par ailleurs, c’est le Président de la République qui dispose de la prérogative de désigner le président de cette Cour constitutionnelle.
Lors de la désignation de ces membres, prenant prétexte de ce que le Sénat n’était pas encore installé, le président de l’Assemblée RPT s’arrogea le droit, pour son institution, de nommer, non seulement les trois membres qui lui étaient impartis mais les trois autres que devait élire le fantomatique Sénat soit au total six membres sur les neuf, suscitant un tollé général… mais le coup de force fut imposé. Ce fut donc à l’élection de ces six membres que procéda l’Assemblée nationale lors de sa séance du jeudi 24 mai dernier.

Sur les 31 candidatures enregistrées, après avoir obtenu les 2/3 des voix des 79 présents sur les 81 membres de cette Assemblée comme le dispose l’article 12 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle et la Constitution « toilettée » de la République togolaise, les six membres qui furent proclamés élus sont les suivants :

1. Maman-Sani Aboudou-Salami (73 voix)
2. Kouami Amados-Djoko (71 voix)
3. Aboudou Assouma (74 voix)
4. Mipamb Nahm-Tchougli (69 voix)
5. Arégba Polo (72 voix)
6. Koffi Tagbé (70 voix).

Le constat qui s’impose est que tous ces membres sont notoirement connus comme étant des agents patentés du RPT. Plus grave, sur ces six membres élus, trois anciens faisaient déjà partie de cette institution lorsqu’elle perpétra les actes de forfaiture en donnant une caution légale aux coups de force d’Eyadéma et de son fils Faure. Il s’agit de : Maman-Sani Aboudou-Salami, Kouami Amados-Djoko et Aboudou Assouma. Même si les trois membres que doit nommer Faure GNASSINGBE ne sont pas encore officialisés (la rumeur évoque les personnalités RPT tels que les magistrats Têtê Têkoe et Abalo Pétchélébia), force est de constater que la Cour constitutionnelle est, d’ores et déjà, encore et toujours sous le contrôle d’une majorité RPT (6 sur 9).

Le dispositif est donc déjà en place pour que les législatives prévues le 5 août prochain ou à une date ultérieure, soient proclamées « gagnées » par le RPT, c’est-à-dire qu’elles soient une nouvelle mascarade électorale.

La rédaction letogolais.com