Terroriser les populations jusque dans les moindres recoins de leur conscience, tel semble avoir été l’objectif principal du défilé du 13 janvier. Il était question d’agiter devant les paisibles populations l’épouvantail d’une armée surdéterminée et présentée comme un rempart indestructible contre d’imaginaires rebelles entraînées dans des pays voisins. Une démonstration de force qui s’articule essentiellement avec l’option du « tout-militaire », principal levier du pouvoir togolais.
Par Franck EKON
Il y a bien eu des groupes folkloriques, des majorettes et quelques fanfares pour essayer de donner le change et faire mériter à cette manifestation la dénomination de « défilé militaire et civil », mais les habitués de la chose ne s’y sont guère trompés ; le clou du spectacle, la principale attraction de cette parade prétorienne, c’est bel et bien le passage des différentes unités des FAT (Forces armées togolaises). Ce 13 janvier 2005 n’a pas dérogé à la règle : pour les quatre heures de défilé, le passage des différentes unités militaires s’est taillé la part du lion du planning. Mais ceux qui vont assister à ce défilé savent bien à quoi s’en tenir. La parade a un but bien précis : impressionner l’assistance et faire passer le message de l’indéfectible soutien de l’armée togolaise à son chef. Les destinataires dudit message n’auront pas besoin de dessin ; la population togolaise et la majorité des opposants ont déjà fait l’inoubliable expérience d’une rencontre musclée avec les militaires, aussi bien lors des manifestations de rue qu’à l’occasion des « visites de courtoisie » à domicile.
C’est visiblement la psychose des hommes en uniforme qu’on cherche à entretenir dans l’esprit des populations à travers cette démonstration de force. Tout y passe pour instiller l’idée d’une « armée ogresse » avec en toile de fond tous les ingrédients d’une terrorisation de masse : exhibition d’armes de guerre et usage d’un répertoire de chants belliqueux à outrance, le spectateur reste pantois devant ce show de biceps et de barbes touffues. A la télévision et à la radio, les commentaires des journalistes réquisitionnés pour l’événement sont parfaitement en phase avec cet état d’esprit. Loin de la valorisation des vertus républicaines d’une armée moderne, c’est au contraire la fidélité des soldats à leur chef qui est référencée comme leur qualité essentielle. Dans ces conditions, rien d’étonnant alors à ce que, celui qui se fait appeler l’architecte de cette armée mette un point d’honneur à saluer debout, avec un plaisir à peine dissimulé, le passage de ses ouailles.
Unité de façade, fidélité bien superficielle en somme, puisque entre défections, désertions, soupçons de putsch et autres bisbilles entre officiers, l’armée togolaise connaît ses dernières années des problèmes de discipline qu’on s’efforce d’étouffer dans l’œuf.
Par ailleurs, les repères historiques ne laissent planer aucun doute sur les véritables motivations de ce défilé massif des troupes. L’armée togolaise aurait « vaillamment » repoussé les multiples agressions orchestrées depuis 1977 contre le pays et son timonier et aurait fait bloc derrière le général pour « pacifier » le Togo en proie aux agitations populaires des années 90. Ces hauts faits d’armes, présentés comme des victoires inestimables sont ressassés à longueur du défilé et on n’a pas de peine à imaginer que ce discours constitue le substrat de l’avertissement présidentiel à une population décontenancée et à une opposition à la recherche d’un nouveau souffle: « Regardez ce qui vous attend si vous vous y remettez ! » semblent dire les hommes en armes aux spectateurs. Dans un pays d’à peine 56600 kilomètres carrés et déjà doté d’un « mammouth » de plus de 10000 militaires, le pouvoir s’est encore dernièrement offert le luxe de recruter 1200 hommes, affichant ainsi sa priorité par rapport aux enjeux nationaux.
Il n’y aura donc pas d’accalmie dans la martyrisation des citoyens togolais. A mains nues, ils devront s’accommoder de la répression militaire érigée en module politique de base d’un pouvoir illégitime. La prévention des troubles, les impératifs sécuritaires, mis en avant pour justifier le déploiement de ces gros bras n’ont, au bout du compte, abusé personne. Au fond, il s’agit plutôt de décourager jusqu’au plus petit embryon de protestation ou de mobilisation populaire. En ces temps où la patience des togolais est poussée à bout par l’autisme du régime et l’ensemble des mesures impopulaires qu’ils subissent, il est fondamental pour l’équipe au pouvoir de faire peur, d’agresser les consciences et de maintenir les gens dans une angoisse permanente.
La rédaction letogolais.com
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