26/04/2024

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Démocratie et manifestation de rue : le cas du Togo

« Si la démocratie s’avère (peut-être) « le moins mauvais des régimes politiques », la démocratie représentative ressort assurément comme un pis-aller » Par Godwin Tété

Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire LENINE

INTRODUCTION

Il s’ensuit que la démocratie représentative se doit d’être sous-tendue par des garde-fous, améliorée, peaufinée, humanisée d’asymptotique façon… Or, par les temps qui courent, j’entends d’aucuns dire que « les lois ne se font pas dans la rue mais au Parlement », que ce dernier « ne saurait travailler sous la pression de la rue », etc. C’est en effet ce que certaines bonnes âmes racontent dans les hautes sphères de l’Etat « sarkozien », à l’occasion des actuelles manifestations de rue contre la réforme « sarkozienne » du système des retraites en France.
Par ailleurs, dans mon propre pays d’origine : le Togo, depuis la parodie d’élection présidentielle du 04 mars 2010, c’est tous les mercredis et samedis que les forces prétoriennes de répression, violant de manière éhontée notre Constitution, pourchassent, systématiquement, à coups de gourdins, de ceinturons, de gaz lacrymogènes, la pacifiste population de la capitale Lomé qui manifeste dans les rues contre les résultats préfabriqués de ladite élection. Au reste, partout dans le monde moderne, une idée a vu le jour. « Une idée universelle, en quelque sorte, malgré ce qu’en disent les intégristes de tous poils. Une idée universelle, sans frontières et mobilisatrice. Partout, ses militants traquent l’arbitraire, dans les démocraties qui n’en sont pas comme dans les dictatures, car le champ d’action est infini, de la liberté d’expression au statut des enfants et des femmes, du droit au travail à la protection de l’immigré, de la défense des exclus au droit d’asile » (Cf. Christian Troubé, « Les Guides de Croissance : Défense des Droits de l’homme », n° 4, Paris, 1999, p. 5).
Voilà pourquoi, dans les lignes qui suivent, l’auteur se propose de : (i) revisiter la notion de démocratie ; (ii) effleurer la relation dialectique qui existe entre cette notion et la manifestation populaire (pacifique) de rue ; (iii) épiloguer quelque peu sur un mécanisme concret requis pour garantir que le peuple demeure la source du pouvoir d’Etat, du pouvoir politique tout simplement.

I. DÉFINITION ET FAIBLESSES DE LA DÉMOCRATIE

Qu’est-ce que la démocratie en deux mots ? Pourquoi est-il communément dit que ce régime politique s’avère, en dernière analyse, le moins mauvais de tous. En d’autres termes, nous allons ici définir, grosso modo, ce que nous entendons par démocratie ; puis nous signalerons, en grandes lignes, quelque deux ou trois défauts ou faiblesses dudit régime. Reprenons donc.

1. Définition de la Démocratie

Au prime abord, il apparaît nécessaire de souligner que la démocratie est fille des Droits inaliénables de la personne humaine. La démocratie et les Droits de l’homme s’avèrent consubstantiels. On ne saurait concevoir la démocratie sans les Droits de l’homme. Il ne saurait y avoir de Droits de la personne humaine sans démocratie. (Cf. mon article « Droits de l’Homme : Combat sans frontières pour la Dignité humaine », in mon livre « Ma Chétive Vie », Ed. Menaibuc, Paris, 2007, Annexe XI, pp. 339-348).
Plus précisément, « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » selon la belle et célèbre formule d’Abraham Lincoln. Plus concrètement, la démocratie est le gouvernement de la majorité donnée du peuple, en un lieu donné, à un moment donné. Au reste, bien avant Abraham Lincoln, Jean-Jacques Rousseau avait prêché, avec toute la ferveur religieuse qu’on lui connaissait, un « Contrat social » découlant de la « Volonté (populaire) générale », c’est-à-dire de la Volonté de la majorité du peuple, comme devant constituer le fondement de la démocratie.
Mais cette majorité sociologico-politique est une réalité vivante, fluctuante, changeante… Mieux, l’Histoire nous enseigne que la minorité d’aujourd’hui peut apparaître demain avoir eu raison. Il nous faut donc prendre garde pour ne point l’opprimer pour la simple raison qu’elle est minoritaire aujourd’hui… Autrement dit, nous nous devons de transcender un tant soit peu Abraham Lincoln quelle que soit la beauté littéraire de sa définition.
Oui ! En tout état de cause, s’il est exact que la démocratie n’est qu’une dimension, ou un compartiment, ou encore un volet incontournable des Droits inaliénables de la personne humaine, alors la minorité doit, elle aussi, pouvoir en bénéficier. Elle ne doit point être piétinée, annihilée, immolée sur l’autel de la majorité – aussi large que soit celle-ci. Dès lors, de nos jours, en bonne démocratie, il est fortement prescrit de respecter les droits de la minorité, de toutes les minorités – sans distinction de « race », d’ethnie, de sexe, de religion, de corporation socio-professionnelle, d’âge, de langue, d’opinion, etc. Pourvu, bien entendu, que la minorité respecte elle-même la majorité. Voilà pourquoi Charles de Montesquieu préconisait déjà que la notion de démocratie fût une notion évolutive. Il pensait que la démocratie devrait consister en « la substitution progressive de l’administration des choses au gouvernement des hommes ». En somme, en démocratie véritable, la simple gestion des choses devrait, graduellement, tendre à remplacer l’ « aliénation » socio-politique multiforme de l’être humain. De l’être humain dont la « condition naturelle » n’est déjà pas très aisée à porter…
Par ailleurs, je dirais que la « Volonté générale » à la Rousseau, la Volonté de la majorité, acceptée par la majorité et la minorité, devrait se refléter dans nos Constitutions. En termes modernes, en effet, le « Contrat social » devrait pouvoir s’identifier à la « Constitution d’Etat », à la Loi fondamentale : la Loi – matrice des lois.
Mais depuis qu’il est apparu sur notre Terre, l’être humain a démontré une incurable propension, une propension innée, subconsciente, à abuser du pouvoir dès qu’il en détient un brin. S’il m’était permis de paraphraser les Anglais, j’affirmerais que le pouvoir tend à monter à la tête, et le pouvoir absolu tend absolument à monter à la tête… D’où, pour un Montesquieu, l’impérieuse nécessité de la séparation des pouvoirs, notamment des trois pouvoirs majeurs : le législatif, le judiciaire et l’exécutif. À la vérité, de toute évidence, nul ne saurait officier à la fois comme juge et partie…
Je voudrais maintenant entretenir le lecteur à propos de ce que je considère telles quelques faiblesses de la démocratie.

2. Quelques faiblesses de la Démocratie et leurs antidotes

Essentiellement, il s’agira ici de considérations d’ordre général. Mais je ne cache pas que je pense d’abord à l’Afrique en particulier, et encore plus singulièrement au Togo : la Terre de mes Aïeux.

a) Si la démocratie est, avant toutes choses, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », alors, la démocratie parfaite, idéale, ne peut être que directe. Car, « On n’est mieux servi que par soi-même ». Et puis nous avons vu que l’être humain a toujours fait montre d’un penchant à abuser du pouvoir dès qu’il en dispose d’une bribe… Il s’ensuit qu’un tel régime de démocratie absolument directe n’est concevable qu’à l’époque où l’Humanité vivait encore en toutes petites communautés de quelques individus. À une époque où cette démocratie directe sur l’ « Agora » à Athènes et/ou sous l’ « Arbre à palabre » en Afrique pouvait encore se pratiquer. Mais, avec nos sociétés modernes composées de millions et de millions d’âmes, la démocratie ne saurait être autre que représentative. C’est-à-dire que les peuples sont obligés de choisir, d’élire des représentants appelés à exercer, pour le compte de la « Volonté générale », les fonctions concrètes, pratiques, au jour le jour, de la démocratie. On désigne un tel régime par « la démocratie représentative ».
Mais, en raison du fait que les « gouvernants » véhiculent une tendance anthropologique à confisquer le pouvoir à des fins purement personnelles, la « représentativité » dans la démocratie représentative apparaît d’emblée, plus qu’une simple faiblesse, une véritable tare congénitale.
Oui ! La démocratie représentative peut vite se métamorphoser en oligarchie, en régime d’une minorité d’individus ayant vite tourné le dos aux intérêts supérieurs de la majorité populaire…
À cette tare, il convient donc d’opposer, entre autres choses, la limitation des législatures et mandats électoraux. Ce qui, heureusement, est le cas dans les meilleures démocraties contemporaines… En tous cas, les « présidences à vie », les petites monarchies héréditaires plus ou moins déguisées par des simagrées d’élections sont à bannir à jamais !

b) La démocratie se trouve, par ailleurs, menacée par la démagogie. À vrai dire, une démagogie subtile, perfide, répétée, peut finir par emporter le pouvoir dans un pays donné, à un moment historique donné, par une clique apparemment démocratique. Ce fut ainsi qu’Adolf Hitler s’empara du pouvoir en Allemagne en 1933. C’est ainsi que le « Front National » a failli, en 2002, emporter la République française… lors de l’élection présidentielle dans ce pays cette année-là.
Nous nous devons donc d’exiger, des postulants à la direction des affaires publiques en démocratie, des programmes de société et de gouvernement clairs afin de permettre aux peuples de décider en toute connaissance de cause.

c) L’ethnicisme, le régionalisme, le corporatisme, le communautarisme, la religion, des sectes et certaines confréries faussement « internationalistes », etc., s’avèrent également préjudiciables à la démocratie. Ici, le patriotisme – le patriotisme panafricaniste – dans le cas particulier de l’Afrique, à inculquer aux citoyens à partir de l’école maternelle et tout au long de la vie, par le civisme et des actions concrètes y afférentes, doit constituer l’antidote le plus idoine. À mon humble avis.

d) Le peuple est la source de tout pouvoir légitime. Assurément. Mais la majorité, c’est-à-dire l’opinion publique ressort par définition, en dernière instance, comme mouvante, fluctuante pour ne pas parler de versatile. Notamment au cours des périodes où l’Histoire socio-politique s’accélère… Ainsi donc en plus de la limitation des législatures et des mandats électoraux, il m’apparaît que le jacobinisme a fait son temps ; que la gestion de la chose publique doit être à la fois déconcentrée et décentralisée autant que possible. En d’autres termes, les peuples à présent exigent que les centres des décisions ultimes les concernant soient le plus possible proches d’eux-mêmes.
Cela pose et justifie la problématique du référendum sur laquelle nous reviendrons brièvement dans la troisième partie de cet article-ci.

e) Dans les pays en voie de développement en particulier, où le taux d’alphabétisation se trouve toujours relativement peu élevé, où les notions de Droits de la personne humaine, d’Etat de droit, de démocratie, etc., sont encore assez nouvelles pour les masses populaires, la praxis démocratique moderne devrait aller de pair avec l’éducation, l’enseignement et la formation accélérés et intensifs.

f) Les pays « francophones » de l’Afrique Noire viennent de boucler les 50 (cinquante) ans de leurs « indépendances ». Et le bilan est là : aveuglant ! Je ne suis nullement un adepte invétéré de l’ « afro-pessimisme ». Je crois en la capacité de Renaissance des Africains ; mais force est pour moi de constater, avec multo observateurs un tant soit peu objectifs, que la « décolonisation » à la de Gaulle s’est muée, en réalité, en recolonisation. Que ces pays n’ont brillé que par des coups d’Etat pandémiques, sporadiques et/ou permanents. Par des coups d’Etat initiés par mon propre pays : le Togo, le dimanche 13 janvier 1963 (Cf. Magazine Matalana – Le Temps de l’Afrique n° 25 d’octobre 2010 – 50 ans de coups d’État en Afrique).
Des coups d’Etat multiformes : militaires, constitutionnels, électoraux – comme au Togo en 2005. En somme, « Le coup d’Etat permanent » (Titre d’un ouvrage de François Mitterrand) tout court…
Autrement dit, à quelques exceptions près qui confirment la règle, les chefs d’Etat françafricains sont illégitimes et illégaux. De ce fait, pour exister, ils s’adossent à des armadas prétoriennes et pléthoriques plus ou moins monoethniques – qui leur servent d’instruments pour mater leurs peuples qui refusent la « servitude volontaire » (Etienne de la Boétie). Ces roitelets françafricains contraignent donc leurs peuples à la manifestation pacifique de rue comme seule arme efficace pour réclamer leur souveraineté confisquée… Cette arme est donc tout à fait légitime ! Nous reviendrons sur ce point.

g) L’une des formes ; que dis-je ? L’un des médias majeurs du « coup d’Etat permanent » réside dans la fraude électorale « rationalisée ». Dans la mascarade d’élections. Oui ! L’ordinateur représente une extraordinaire percée de l’Humanité. Elle doit servir à améliorer le sort de notre pauvre Humanité. À alléger notre « condition humaine » (André Malraux). Mais, de nos jours, en Afrique Noire soi-disant « francophone », comme nous l’avons déjà vu, c’est grâce à cette merveilleuse invention, en utilisant les services grassement rémunérés d’ « experts » sans scrupules, avec des deniers des peuples laborieux, que nos roitelets nègres truquent les élections avant même (!!!) le scrutin. Pour perpétuer des mini-monarchies de père en fils.
Dans cette criminelle praxis, lesdits roitelets reçoivent le soutien de leurs suppôts occidentaux qui crient à tue-tête que « l’Afrique n’est pas encore entrée dans l’Histoire », que « le démiurge de la civilisation n’a pas encore visité le Continent noir », que « la démocratie constitue un luxe » pour nous, etc. Cependant que ces mêmes suppôts vendent aux mêmes roitelets des armes hautement sophistiquées pour nous « contenir » et entretenir leurs industries d’armement. On comprend dès lors aisément que ces « suzerains » occidentaux sont les premiers à louer, à féliciter leurs « tributaires » nègres avant même (!!!) la proclamation des résultats définitifs des simulacres coutumiers d’élections dans nos pays.
Que reste-t-il donc à nos peuples à faire ? À dire non ! Car, « Quand on refuse, on dit non ! » (Ahmadou Kourouma). Oui ! Dire non de toutes les manières légitimes possibles dont l’une des plus importantes, à n’en pas douter, s’avère la manifestation pacifique de rue.

III. DÉMOCRATIE ET MANIFESTATION DE RUE

Tout ce qui précède nous a démontré que si la démocratie est le système de gouvernement le moins mauvais pour les peuples, s’agissant des nations modernes, « la démocratie directe » apparaît utopique. Autrement dit, « la démocratie représentative » seule s’impose dans la pratique. Or elle ne manque guère de faiblesses qui appellent des garde-fous effectifs et efficaces, ainsi qu’une vigilance constante des communautés concernées. Qui plus est, l’opinion publique, qui détermine les relatives majorités et minorités à un endroit et à un instant donnés, peut changer plus ou moins rapidement. Et une classe d’ « élus » aux rênes du pouvoir d’Etat peut vite tourner le dos aux intérêts supérieurs du peuple concerné et se transformer purement et simplement en une oligarchie. Allons plus loin. La « démocratie représentative » peut virer à une dictature qui refuserait de dire son nom, ou à un « coup d’Etat permanent », paradoxal, qui se renouvellerait périodiquement par des élections fallacieusement « démocratiques ». Les lois peuvent s’avérer tout bonnement inexistantes, ou, au mieux (ou au pire !) se confondre avec des oukases iniques ou des ordonnances scélérates. L’univers humain peut ainsi devenir une « société close » (Karl Popper). Ici il n’y a ni dialogue entre la classe dirigeante et les acteurs socio-politico-professionnels. Pas de référendum éventuel sur des questions cruciales de société. Le peuple est bâillonné. Les verdicts des tribunaux sonnent comme les sentences de bandits de grands chemins qui se seraient jugés eux-mêmes ! Dans de telles circonstances, la manifestation populaire pacifique de rue non seulement acquiert la qualité de légitime et nécessaire, mais, mieux, s’impose comme impérative : elle devient un Devoir ! Voilà la raison pour laquelle la manifestation populaire pacifique de rue est inscrite en encre de sang dans la plupart des Lois fondamentales – des Constitutions des nations contemporaines. Cette inscription découlant souvent d’une haute lutte.
À ce sujet, on entend fréquemment les tenants du pouvoir d’Etat réduire, de façon éhontée, les effectifs de personnes manifestant dans la rue ici et/ou là. À l’heure de l’ordinateur et de tous les autres moyens modernes de l’informatique, les Etats vraiment démocratiques devraient favoriser la mise sur pied d’un service réellement indépendant destiné à compter objectivement des manifestants de rue. Ce qui reviendrait à une sorte de pseudo-référendum… Mais la manifestation de rue présuppose sinon une nature intrinsèquement dictatoriale des gouvernants, du moins une attitude passagèrement autiste de leur part… C’est ce qui explique cette ridicule politique de l’autruche chez les gouvernants de tout acabit. Mais à force de jouer à l’autruche, on finit par devenir autruche soi-même… À ce propos, les responsables du régime sarkozien, qui nous rabâchent que « les lois se font au Parlement et non dans la rue », oublient que la France de 1789 dont ils ont hérité est le fruit par excellence de manifestations de rue tout au long de son histoire !… Quant aux « dirigeants » togolais actuels, ils doivent savoir que notre Constitution plébiscitée le 27 septembre 1992 par notre paisible Peuple, et qui nous donne le droit de manifester dans la rue, est née de notre Conférence Nationale Souveraine (08 juillet – 28 août 1991) dont la tenue aura été arrachée de haute lutte ! Par de rudes manifestations de rue ! Oui ! Ces « dirigeants » se doivent de savoir cela, eux qui, depuis la frauduleuse élection présidentielle du 04 mars 2010 chez nous, traquent les manifestants pacifiques à Lomé comme si ces derniers étaient de petits lapins, qui interdisent des manifestations de rue dans tout l’hinterland de la Terre de nos Aïeux. Et ce parce que lesdits « dirigeants » réalisent pertinemment qu’ils n’ont point gagné cette élection… J’ai assez dit.

CONCLUSION

Dans la soirée du 24 au 25 mars 2010 à Lomé, au cours d’une veillée de prières organisée par le FRAC (Front Républicain pour l’Alternance et le Changement), suite à une charge à coups de gaz lacrymogènes par les forces rptistes de répression, je fus proprement piétiné par une foule immense et compacte en débandade. Je faillis ainsi laisser ma vieille peau sur le carreau, dans la rue où se tenait le rassemblement… Ces jours-ci à Paris, le citoyen du monde que de facto je suis devenu au crépuscule de ma chétive vie, n’aura pas manqué de compatir intensément avec les braves et simples travailleurs qui se seront déployés dans des rues de France et de Navarre, pour dire non ! à la « réforme » sarkoziste du système des retraites. Alors je n’ai pas pu m’empêcher de dialoguer avec moi-même relativement au jeu dialectique entre « démocratie » et « manifestation de rue ».
Alors, embarqué dans cette auto-interrogation, – qui m’apparaissait plutôt anodine au départ, – je me suis laissé emporter par ma plume qui aura accouché de cet article-ci. Au lecteur d’apprécier. Quoi qu’il en soit, que celui-ci veuille bien ne pas me tenir rigueur outre mesure si je l’ai quelque peu ennuyé. Au demeurant, qu’il accepte de souffrir que je lui livre, en guise de conclusion de la présente conclusion, un beau petit texte d’un spécialiste contemporain de la notion de démocratie :
« Le peuple est la source de tout pouvoir démocratique. Mais l’élection ne garantit pas qu’un gouvernement soit au service de l’intérêt général, ni qu’il y reste. Le verdict des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l’idée de volonté générale s’est ainsi imposée. Un pouvoir n’est désormais considéré comme pleinement démocratique que s’il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l’expression majoritaire. Il doit se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d’impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité), et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité). D’où le développement d’institutions comme les autorités indépendantes et les cours constitutionnelles, ainsi que l’émergence d’un art de gouvernement toujours plus attentif aux individus et aux situations particulières ».

(Cf. Pierre Rosanvallon, « La légitimité démocratique – Impartialité, réflexivité, proximité ». Ed. Seuil, Paris, 2008, 4ème page de couverture)

Paris, le 08 Novembre 2010

Godwin Tété
Ancien fonctionnaire international des Nations-Unies
tgtete@mageos.com